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Billet de blog 21 juin 2019

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Do it ourselves

Faire nous-mêmes. Avec Harry Potter et l'Ordre du Phénix, leçon de désobéissance civile faite aux enfants par des enfants.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

« enfants », j’exagère un peu. Cinquième année à Poudlard, ça correspond à notre classe de seconde. « ados » serait mieux que « enfants ». Mais j’aime mieux « enfants ». De 7 à 777 ans.

À la fin de l’année scolaire dernière, Voldemort est revenu. Voldemort, c’est le mage noir horrible, ayant mis toutes ses capacités au service de la haine. Méchant, cruel, avide de pouvoir, et de la souffrance d’autrui. C’est aussi la crispation identitaire (rejet des Moldus, des animaux, des créatures non humaines, géants, loups-garous, gobelins, elfes, etc. ) C’est aussi le prosélytisme, la corruption, l’influence sur les responsables politiques. C’est surtout l’art de tabler sur les défauts et vices humains pour asseoir son pouvoir. Et c’est aussi une vaste lacune : il ne comprendra jamais l’amour, donc, au fond, il ne comprendra jamais rien. Et il sera vaincu mais chut, je vous ai rien dit.
On l’appelle pas « Voldemort », mais « celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom », ou alors « Vous-savez-qui », ou bien « le seigneur des ténèbres ». dans le monde des sorciers, rares sont les gens qui n’ont pas peur de l’appeler « Voldemort ». Dumbledore, Lupin, Sirius, Harry, … Quand ils le font, ça fait grimacer autour d’eux : une raison supplémentaire de taire son nom.

Dans le billet précédent, nous avons assisté à la polémique que Cornélius Fudge, ministre de la magie, a établi avec Dumbledore, directeur de Poudlard, et au déni de Fudge : il ne croit rien de ce qu’a raconté Harry sur le retour de Voldemort. Pendant l’été, la situation a continué de se crisper : Fudge est devenu parano, soupçonnant Dumbledore de vouloir mettre sur pied une armée pour prendre le pouvoir. Alors il prend le pouvoir sur la presse, et sur Poudlard : il impose à l’école, comme professeur de défense contre les forces du mal*, Dolores Ombrage. Le cours consiste à lire le manuel ! (Ça me fait penser au professeur Kristof, à Cergy en licence de maths, qui faisait son cours en amphi en recopiant le Cartan** au tableau). Pas de baguette. Pas de travaux pratiques. Pas d’apprentissage des sortilèges de défense. Hormis cela, quand Harry dément les dires d’Ombrage, en réaffirmant le retour de Voldemort, il est puni : retenues toute la semaine, des lignes, « Je ne dois pas dire de mensonges » ; détail piquant : la plume avec laquelle il doit écrire est ensorcelée. Quand Harry commence à écrire, apparaissent sur sa main les lettres tracées, comme au scalpel. Harry écrit les lignes avec son sang.
Ses amis ont fini par découvrir ses blessures, qu’il dissimulait, et il a avoué son malheur. Hermione lui a préparé une potion à l’essence de Murlap, dans lequel tremper sa main, et qui remédie.

Les trois apprentis-sorciers vont prendre une décision très importante, et vitale.

* : matière maudite où les profs candidats ne sont jamais légion, au point qu’il faille la plupart du temps y nommer n’importe qui.

** : Auteur d'un cours de calcul différentiel.

Illustration 2
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Illustration 5

— Cette bonne femme est abominable, dit Hermione d'une petite voix. Abominable. Tu sais, j'étais justement en train de dire à Ron au moment où tu es arrivé… Il faudrait qu'on fasse quelque chose à son sujet.
— Je suggère le poison, dit Ron d'un air lugubre.
— Non… je voulais dire quelque chose par rapport à ses cours où on n'apprend rien du tout pour se défendre, dit Hermione.
— Qu'est-ce qu'on y peut ? répondit Ron en bâillant. Trop tard, non ? Elle a décroché le poste et elle est là pour longtemps. Fudge y veillera.
— En fait, risqua Hermione, je me disais ce matin…
Elle jeta un coup d' œil un peu inquiet à Harry, puis se lança :
— Je me disais que le moment est peut-être venu de… de faire les choses nous-mêmes.
— Nous-mêmes ? répéta Harry d'un ton soupçonneux, sa main flottant toujours dans l'essence de tentacules de Murlap.
— Oui… Apprendre la défense contre les forces du Mal par nous-mêmes, reprit Hermione.
— Qu'est-ce que tu racontes ? grogna Ron. Tu veux nous donner du travail en plus ? Est-ce que tu te rends compte que Harry et moi, on a encore pris du retard dans nos devoirs ? Et on n'en est qu'à la deuxième semaine !
— Oui, mais ça, c'est beaucoup plus important que les devoirs, dit Hermione.
Harry et Ron la regardèrent avec des yeux ronds.
— Je ne savais pas qu'il y avait dans tout l'univers quelque chose de plus important que les devoirs ! dit Ron.
— Ne sois pas stupide, bien sûr que si, répliqua Hermione. Harry vit alors, avec un sentiment d'appréhension, que son visage s'était soudain animé d'une ferveur semblable à celle que lui inspirait généralement l'évocation de la S.A.L.E.
— Il s'agit de nous préparer, comme l'a dit Harry au premier cours d'Ombrage, à ce qui nous attend dehors. De faire en sorte que nous puissions véritablement nous défendre. Si nous n'apprenons rien pendant une année entière…
— On n'arrivera pas à grand-chose tout seuls, soupira Ron d'un ton accablé. Oh, bien sûr, on peut toujours aller à la bibliothèque pour étudier des maléfices et essayer de les appliquer…
— Non, cette fois, je suis d'accord, nous avons dépassé le stade où l'on n'apprend les choses que dans les livres, dit Hermione. Il nous faut un professeur, un vrai, qui sache nous montrer comment utiliser les sortilèges et nous corriger en cas d'erreur.
— Si tu penses à Lupin… , commença Harry.
— Non, non,je ne pense pas à Lupin, coupa Hermione. Il est trop occupé avec l'Ordre et de toute façon, nous ne pourrions le voir que pendant nos week-ends à Pré-au-Lard, ce qui ne serait pas du tout suffisant.
— Alors, qui ? demanda Harry, les sourcils froncés. Hermione poussa un profond soupir.
— C'est évident, non ? dit-elle. Je veux parler de toi, Harry.
Il y eut un moment de silence. Une légère brise nocturne fit vibrer les carreaux de la fenêtre, derrière Ron, et les flammes vacillèrent dans la cheminée.
— De moi à propos de quoi ? interrogea Harry.
— De toi comme professeur de défense contre les forces du Mal.
Harry la contempla avec des yeux ronds. Puis il se tourna vers Ron, prêt à échanger avec lui un de ces regards exaspérés que leur inspirait Hermione quand elle se lançait dans des projets extravagants tels que la S.A.L.E. Mais, à la grande consternation de Harry, Ron n'avait pas du tout l'air exaspéré.
Le front légèrement plissé, il semblait réfléchir.
— C'est une idée, dit-il.
— Qu'est-ce qui est une idée ? dit Harry.
— Toi, répondit Ron. Que tu deviennes notre professeur.
— Mais…
Harry souriait à présent, certain que les deux autres le faisaient marcher.
— Je ne suis pas professeur, je ne peux pas…
— Harry, tu es toujours le meilleur en cours de défense contre les forces du Mal, dit Hermione.
— Moi ? s'étonna-t-il, en souriant de plus en plus. Bien sûr que non, tu m'as battu à tous les examens…
— Non, ce n'est pas vrai, répliqua froidement Hermione. Tu m'as battue en troisième année, la seule année où on ait tous les deux passé l'examen avec un professeur qui savait de quoi il parlait. Mais il ne s'agit pas d'examens, Harry, pense plutôt à ce que tu as fait !
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
— Tu sais, finalement, je n'ai pas très envie d'avoir comme prof quelqu'un d'aussi idiot, dit Ron à Hermione, avec un petit sourire moqueur.
Il se tourna vers Harry.
— Réfléchissons, dit-il, en imitant Goyle en plein effort de concentration. Heu… première année, tu as sauvé la pierre philosophale des mains de Tu-Sais-Qui.
— Simple coup de chance, dit Harry. Ce n'était pas mon habileté personnelle…
— Deuxième année, l'interrompit Ron, tu as tué le Basilic et anéanti Jedusor.
— Oui, mais si Fumseck n'avait pas été là, je…
— Troisième année, poursuivit Ron en élevant la voix, tu as affronté une centaine de Détraqueurs à la fois…
— Là encore, un coup de chance, si le Retourneur de Temps n'avait…
— L'année dernière, reprit Ron qui criait presque à présent, tu as combattu Tu-Sais-Qui une nouvelle fois…
— Écoutez-moi ! s'exclama Harry, presque avec colère.
Ron et Hermione avaient maintenant un petit rire moqueur.
— Vous m'écoutez, oui ? Ça paraît très bien quand vous en parlez comme ça, mais c'était uniquement de la chance ; la moitié du temps, je ne savais pas ce que je faisais, je n'avais rien prévu, j'ai simplement improvisé comme je le pouvais et j'ai presque toujours eu de l'aide…
Ron et Hermione continuaient de ricaner et Harry sentit sa colère monter. Il ne savait d'ailleurs pas très bien pourquoi il était si furieux.
— Ne restez pas là à sourire comme si vous saviez tout mieux que moi ! dit-il en s'emportant. C'est moi qui étais là, non ? Je sais bien ce qui s'est passé ! Et si j'ai réussi à faire tout ça, ce n'est pas parce que j'étais brillant en défense contre les forces du Mal mais parce que… parce que j'ai reçu une aide au bon moment ou parce que j'avais bien deviné… mais, croyez-moi, j'ai complètement pataugé, je n'avais aucune idée de ce que je faisais — ET ARRÊTEZ DE RIGOLER !
Le bol d'essence de Murlap tomba par terre et se brisa. Harry se rendit compte qu'il était debout alors qu'il ne se souvenait pas de s'être levé. Pattenrond fila se réfugier sous un canapé. Le sourire de Ron et d'Hermione avait disparu.
— Vous ne savez pas ce que c'est! Ni l'un ni l'autre vous n'avez eu à l'affronter ! Vous pensez qu'il suffit de se souvenir de quelques sortilèges et de les lui jeter à la figure, comme si on était en classe ? Pendant tout le temps où vous êtes face à lui, vous savez qu'entre vous et la mort, il n'y a plus rien d'autre que votre… votre cerveau, vos tripes, ou je ne sais quoi. Comme si on pouvait réfléchir normalement quand on sait que dans une fraction de seconde, on va se faire tuer, torturer ou voir ses amis mourir… Ils ne nous ont jamais appris ça en classe, ce que c'est que d'affronter ce genre de choses… Et vous deux, vous êtes là à faire comme si j'étais un brave garçon bien intelligent sous prétexte que je suis vivant, comme si Diggory, lui, n'était qu'un idiot qui a raté son coup… Vous n'y comprenez rien, j'aurais très bien pu mourir à sa place, c'est ce qui se serait passé si Voldemort n'avait pas eu besoin de moi…
— On n'a rien dit de tout ça, mon vieux, se défendit Ron, effaré. On ne s'en est jamais pris à Diggory, pas du tout, tu te trompes complètement…
Il jeta un regard désemparé à Hermione qui paraissait pétrifiée.
— Harry, dit-elle timidement, tu ne comprends donc pas. C'est… c'est exactement pour ça qu'on a besoin de toi… on a besoin de savoir co-comment c'est… de… de l'affronter… d'affronter V- Voldemort.
C'était la première fois de sa vie qu'elle prononçait le nom de Voldemort et ce fut cela, plus que tout le reste, qui parvint à calmer Harry. La respiration toujours saccadée, il se laissa retomber dans son fauteuil et reprit conscience de l'horrible douleur qui lui transperçait la main. Il regretta alors d'avoir renversé le bol d'essence de Murlap.
— Écoute… penses-y, dit Hermione à voix basse. S'il te plaît.

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