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Billet de blog 25 juillet 2025

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Fonctions du pardon

Une idée clé de la psychanalyse est la nécessité du pardon, notamment à l'égard de nos parents. C'est aussi un élément essentiel du christianisme. Le pardon est, avec l'oubli, une fonction quasi biologique. Qui n'oublierait rien aurait la tête farcie. Qui ne pardonnerait rien serait hanté.

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Il y a d'autres raisons objectives au pardon.
Par exemple, il est plus facile de pardonner une offense si l'on pense à celles que l'on a éventuellement infligées soi même. À chaque fois que je regrette avoir fait du mal, il se trouve que cela me fait mieux « accepter », en quelque sorte, le mal qu'autrui m'inflige. Harcelé par la racaille du quartier Paul Brard, il m'est arrivé de lâcher : " C'est Dieu qui me punit en vous mettant sur ma route."
Figurez-vous que cette remarque a calmé ! Peut-être bien par le fait qu'elle constituait une sorte de confession, d'aveu : je participe moi même de la racaille. Peut-être aussi que parler de Dieu intimide toujours un peu les esprits faibles. Et puis, peut-être que ces racailles là ne le sont pas entièrement, faibles d'esprit, et qu'au contraire elles respectent l'honnêteté et la sincérité? Quelque part ? 

Illustration 1

On voit que le pardon est lié à la confession, et c’est toujours dans la ligne chrétienne et dans l’optique psy. On a coutume de voir dans le rite de la confession le précurseur de la psychanalyse, une « thérapie ». La thaumaturgie elle aussi figure au panorama chrétien. Il n’y pas loin du prêtre au chaman. Il n'y a pas loin du prêtre au médecin. Avec le logos de la confession, la maladie et sa guérison passent d’un stade magique à un stade cartésien et « scientifique ». Énoncer ses manquements, ses fautes, ses faiblesses, ses lâchetés, c’est en prendre conscience, première étape de la contrition. Et, voir s’ouvrir l’horizon du travail sur soi, c’est forcément une guérison : agir pour guérir, c’est guérir. Le pardon, c’est aussi le pardon à soi-même, qui n’a de sens que dans le remords. Rien à voir avec un pardon crétin du type que l’on achète à Dieu, en respectant des rites, en versant une amende, ou en tuant un mécréant. Attention ! Je ne parle pas là que de l’islam ! D’une part parce qu’il fut un temps où le christianisme pratiquait de ces sortes de trocs. D’autre part parce que la religion moderne et athée, j’ai nommé le wokisme, renoue avec eux.

Autre raison de pardonner, donc, autrui n'est pas le diable.
Quand on est plus âgé que ses parents, comme Camus se penchant sur son père, jeune mort de la guerre 14-18, on comprend clairement des choses qui nous avaient échappé. On mesure, à côté des erreurs commises par eux à notre encontre, tout ce qu'on leur doit. 

C’est d’ailleurs un peu la même chose pour ce « père », à moins qu’il ne s’agisse d’une « mère », que l’on nomme « patrie ». La mère patrie. La mère qu’est l’ensemble de nos pères ! (pardonnons ce patriarcat ancien). Pardonnons en général toutes les fautes de notre patrie, que l’histoire relate. Histoire qui souffre en fait d’un mal identique à celui dont souffre la littérature, notamment policière : elle ne relate souvent que l’horreur, très rarement le bonheur. À étudier Grisham ou Michelet, le sentiment qu’on retire, c’est la noirceur humaine. Nous ne sommes pas que le résultat de l’histoire. Nous sommes surtout le résultat du temps. Temps constitué aussi d’épisodes heureux. Temps constitué des quotidiens de tout un chacun. Temps constitué de bien plus d’amour que de haine. Les amours que nous nous sommes voués, que nous avons faits, donnés, reçus. 
Il faut pardonner les fautes de nos patries comme celles de nos parents. Et comme pour nos parents, il faut leur rendre grâce pour ce qu’elles nous ont donné.

Pour terminer ce parallèle entre parent et patrie, comparons aussi la confession, qu’elle soit psychanalytique ou religieuse, avec la culture, qui nous donne à entendre les voix des autres, et qui porte la nôtre.

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