
J’étais en train de faire mon ropipi du matin quand j’ai entendu le menu du journal de 8 heures sur France Info. Bizbiz entre la commune et la paroisse de Trouville la Haule, en Normandie, à propos du concert de la chorale locale. Le nouveau curé empêche, à cause de Renaud et de Dutronc. Illico je pense à la Ballade Nord-Irlandaise. Et puis je me dis, Dutronc, qu’est-ce qu’il a chanté contre la calotte ? Je cherche, je vois pas. Une fois recalotté, l’eau mise à bouillir, les espoirs des bleuettes (tintin en Amérique ?), le café versé, les attentats, le pain beurré, les faits divers, voilà.
J’avais raison pour Renaud !
« Tuez vos dieux à tout jamais,
sous aucune croix l’amour ne se plaît,
Ce sont les hommes, pas les curés
qui font pousser les orangers. »
Et pour Dutronc, pas d’outrage au ministre, mais aux bonnes mœurs. Flute magique. « les travestis vont se raser, les stripteaseuses vont se rhabiller » ! J’aurais dû y penser, pas d’excuse. Paris s’éveille. C’est quasiment ma première chanson ! J’avais dans les dix ans. Dans un troquet, en descendant du train de nuit à Montparnasse, en compagnie de mon papa. Cinq ou sept heures du mat environ ! L’aventure du voyage en train. Debout au bar, entre hommes, le café, les croissants chauds, et cette musique, ces paroles, cette voix, cette flute.
J’étais mûr pour la chanson. Après sont venus Brassens, Moustaki, le Forestier, Barbara, etc.
Je suppose que ce brave curé n’aurait pas non-plus été d’accord pour Jojo. Et pourtant. En l’écoutant, j’ai pensé à « Mais les hommes d’église hélas ne sont pas tous des dégueulasses. » ! Il y a des curés bien singuliers ! Le père Dubos m’a fait rigoler, alors je lui en veux pas. Il a une conception en béton de la séparation de l’état et de l’église. Il a dit ceci : « Qu’est-ce qu’un maire dirait si pendant une cérémonie de mariage on chantait un Ave Maria ? » Moi, ça m’embêterait pas. Ave Maria a été une source constante d’inspiration musicale. Poétique aussi.
La lamentation sur les souffrances du monde, la compassion, le désir que la joie l’emporte sur le meurtre, la beauté sur la terreur, la nature sur la technique, tout ça c’est laïc. Monsieur le curé, vous n’avez pas le monopole du bien et de l’amour. Si Gounod me fait pleurer, Dutronc et Renaud aussi. Aussi, ils me font rire .
Bach - Gounod, sans chant, à la trompette
Sur les deux derniers, il n'y a pas de paroles, lisez donc ceci en même temps :
Chanson de la mère-Dieu
Mon Dieu, qui dormez, faible entre mes bras,
Mon enfant tout chaud sur mon coeur qui bat,
J’adore en mes mains et berce étonnée,
La merveille, ô Dieu, que m’avez donnée.
De fils, ô mon Dieu, je n’en avais pas.
Vierge que je suis, en cet humble état,
Quelle joie en fleur de moi serait née ?
Mais vous, Tout-Puissant, me l’avez donnée.
Que rendrais-je à vous, moi sur qui tomba
Votre grâce ? ô Dieu, je souris tout bas
Car j’avais aussi, petite et bornée,
J’avais une grâce et vous l’ai donnée.
De bouche, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour parler aux gens perdus d’ici-bas…
Ta bouche de lait vers mon sein tournée,
O mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.
De main, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour guérir du doigt leurs pauvres corps las…
Ta main, bouton clos, rose encore gênée,
O mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.
De chair, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour rompre avec eux le pain du repas…
Ta chair au printemps de moi façonnée,
O mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.
De mort, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour sauver le monde… O douleur ! là-bas,
Ta mort d’homme, un soir, noir, abandonnée,
Mon petit, c’est moi qui te l’ai donnée.
Marie Noël