Tous les traîtres à la cause sont mis à l'index, tel Jean-François Kahn quand il parle de la bullocratie, ou l'hebdomadaire "Marianne" quand il ose soulever la chape de plomb.
François Bayrou a senti le malaise à tous les niveaux de la société, aussi bien pour les salariés que pour les patrons des très petites, petites et moyennes entreprises. Enfin, des sociologues comme Emmanuel Todd ont analysé avec précision les principes de notre économie.
Malheureusement l'instinct de survie de cette bullocratie et l'esprit de corps bloquent toute velléité de transformer les équilibres qui régissent et organisent les pouvoirs au sein de nos sociétés mondialisés. Haro donc sur ces traîtres ! En aucune façon, ils ne doivent s'exprimer sur les grands médias et dans les cas extrêmes de quotas d'audience, il faut obligatoirement dénaturer, brocarder ou ridiculiser leurs idées.
Si pendant les « trente glorieuses » la forte croissance permettait un progrès social, obtenu par de hautes luttes, dans des entreprises avec des patrons clairement identifiés, ce n'est plus le cas aujourd'hui. En effet, nous sommes sous la dépendance de castes oligarchiques et de puissances financières non identifiables.
Le divorce entre la classe dirigeante et le peuple a été prononcé avec, entre autres, la phrase de Nicolas Sarkozy dressant les français les uns contre les autres : "La France, aimez là ou quittez là". Celle-ci ne s'adressait pas qu'aux étrangers mais à tous ceux de l'autre bord, mutins qui font couler le navire "France" et qui en plus se lèvent tard.
Devant une telle attitude, la nouvelle maxime à la mode devrait être : "Quand le bateau coule, les rats se servent en premier et jettent les manants par-dessus bord".
Pour motiver et tenir les troupes le discours est sans appel : "Devant ces hordes de fainéants, rebelles et incontrôlables, vous, la crème de la crème, sortie des pouponnières des grandes écoles, vous êtes l'élite de la nation, vous êtes la France, vous devez servir nos intérêts".
Faces aux attaques incessantes de cette nouvelle noblesse arrogante, des îlots de résistance subsistent dans un choc frontal archaïque servant une idéologie non réactualisée, pendant que la classe moyenne terrorisée et asservie a entièrement basculé dans la révolte sourde et profonde.
Comment en est-on arrivé là ?
Nous sommes collectivement responsables. Pour masquer notre individualisme et notre égocentrisme, nous rejetons facilement la faute sur le camp adverse : l'adversaire politique.
Devra-t-on toujours passer par les cases "Révolution + Terreur, Boucherie" ou "Rupture + Soumission, Alignement, Esclavage" pour devenir une société réconciliée ?
Quel mépris général devant l'évidence des propos de François Bayrou : demander à tous des efforts équitables et replacer l'Homme au centre de l'économie, faire de la résistance contre l'argent-roi de l'ultralibéralisme.
Dans les année 90, à cause de nos politiques, jouant avec le feu, un nouveau monstre est né : la financiarisation libre et débridée. Nous n'avons pas su réagir et l'absence de véritable démocratie nous maintient dans l'immobilisme politique le plus total : un coup toi, un coup moi, 53% des Français contre 47% et vice-versa. A moins de dissoudre la moitié des français nous assisterons toujours au "spectacle" : d'un côté la grève, de l'autre la contre-manifestation, d'un côté la baisse de la consommation de ménages, de l'autre l'augmentation des prélèvements.
Nous nous approchons du "Meilleur des mondes" d'Aldous Huxley dans lequel la caste bullocratique "Alpha Plus tendance fils à Papa" se reproduit entre-elle et impose une savante dictature consentie, basée sur le hold-up de l’expression et du vocabulaire.
"Un état totalitaire vraiment efficient […] aurait la haute main sur une population d'esclaves qu'il serait inutile de contraindre, parce qu'ils auraient l'amour de leur servitude" (Aldus Huxley).
Un état totalitaire vraiment efficient aurait la haute main sur une population de consommateurs asservis, en dénaturant sa parole, ses expressions, ses mots de vie et d'espoir, en lui galvaudant ou discréditant ses symboles, en vidant de sa substance ses valeurs comme "égalité des chances", "dialogue social rénové", "développement durable", "fracture sociale", "rupture".
Nicolas Sarkozy, grand orateur charismatique, est un maître en la matière quand il kidnappe nos symboles emblématiques : Jaurès, Guy Môquet, la lutte des classes, le travail, la fraternité, l'amour du mieux vivre ensemble. Demain pour se faire entendre, il restera plus que l’anarchie et le chaos avec son irréparable et ses violences extrêmes.
Nous nous approchons également du "1984"de George Orwell, un monde où la vérité n'est plus utile. Big Brother et la bullocratie – "parti de l'intérieur" - avec ses spin doctors nous regardent, épie notre consommation, nos gestes, nos habitudes et nous mène par le bout du nez. En faisant fi de la production externalisable et du génie créatif, nous sommes dans un monde de la communication déconnecté de la réalité, de la taylorisation stupide et du « reporting » de toutes nos tâches, de la course à l'innovation ridicule pour faire passer ses smileys rouges en smileys verts et ainsi se faire bien voir de ses supérieurs.
Dans ce monde-là, tous les organismes de contrôle indépendants constitués de clients, d'usagers, de consommateurs ou de citoyens sont proscrits.
Est-il besoin de parler de ces serviteurs zélés au service du "parti intérieur" ?
L’autocensure des médias est la démonstration de l’auto-asservissement et de l’abdication des contre-pouvoirs pourtant indispensables en démocratie.
Par ailleurs la peur, le mensonge, le truandage et l’hypocrisie règnent en maître dans les entreprises.
Que dire des énarques et polytechniciens, directeurs de grands groupes se réunissant anonymement en groupe de réflexion !
Que dire des pétitions de cadres, totalement tétanisés par la peur, circulant sous le manteau au sein des entreprises !
Que dire des doubles discours, des doubles attitudes : une devant le patron, une autre dans le couloir sitôt la porte refermée !
Que dire des pressions et menaces mafieuses sur les récalcitrants !
Hélas la rupture, tant annoncée, ne s'attaquera jamais à la structure : pas touche au "parti de l’intérieur" avec ses espions et ses traîtres. Aussi notre système productif restera encore longtemps en panne car le seul leitmotiv du salarié est la justification de son "non-travail". L'important est d'être dans les clous avec ses smileys verts, de piéger l’adversaire ou trouver la faille et de reporter son échec personnel et l’échec de l’entreprise sur le dos de celui-ci. L’esprit collectif et l'esprit d'initiative se sont évaporés depuis fort longtemps.
Malheureusement, il y a encore pire : nous avons des armées entières d’ayatollahs enseignants - la honte des vrais enseignants - qui comme dans les couveuses sélectives du « Meilleurs des mondes » permettent, non pas par la quantité d’alcool dans le sang, mais tout simplement par l’argent des parents, la sélection pour entrer dans le monde des « Alpha Plus – Classe Prépa.».
Que dire des professeurs effaçant la correction au tableau avant même que les élèves puissent prendre et comprendre cette correction !
Seul les parents fortunés peuvent se payer le luxe de cours particuliers sans garantie de résultats. Ces enseignants illuminés nous fabriquent de bons soldats, de bons robots hyper rapides calculant dix opérations à la fois, écrivant dix synthèses en même temps, mais malheureusement souvent psychorigides, dociles, sans créativité, sans génie et sans richesse humaine. Combien de vrais potentiels ont été broyés par leur méthode ? L’esprit critique est de nos jours une valeur du passé.
Sachant que l'on va dans le mur, peut-on vivre en se croisant les bras tout en refusant d'assumer ses propres responsabilités ?
le 24/11/2007