(Extrait de : BECCARIA - Des délits et des peines) écrit en 1764 et toujours d'actualité.
Il n'y a plus de liberté dès lors que les lois permettent qu'en certaines circonstances l'homme cesse d'être une personne pour devenir une chose.
On voit alors l'homme puissant consacrer toute son activité à tirer des innombrables combinaisons sociales les possibilités les plus favorables que lui offre la loi. C'est ainsi qu'il découvre le secret de changer comme par magie les citoyens en bêtes de somme; il a en mains la chaîne qui les force, dans leur faiblesse et leur imprévoyance, à agir selon sa volonté.
Voilà comment, dans certains gouvernements qui ont toutes les apparences de liberté, la tyrannie reste cachée ou s'introduit furtivement dans quelque coin négligé par le législateur, où elle se fortifie et grandit peu à peu.
On oppose ordinairement les digues les plus solides à la tyrannie ouverte, sans voir l'insecte imperceptible qui les ronge et qui ouvre au fleuve dévastateur une voie d'autant plus sûre qu'elle est plus secrète.
ESCLAVAGE DES TEMPS MODERNES (Texte écrit le 10 novembre 1996)
A-t-on vraiment progressé ? C'est déprimant !
Nous serons sur un trottoir à faire la queue en attendant l’heureux "client" qui viendra nous chercher pour travailler dans sa plantation. Il nous demandera de nous mettre à poil et nous le ferons. Il nous demandera d’être sexy et nous montrerons nos avantages. Il nous demandera de tout donner à son ENTREPRISE et nous le ferons, quitte à y laisser notre peau. Il nous demandera de dénoncer le collègue en trop et nous le massacrerons comme des bêtes fauves. Pour nos services, il nous proposera en fonction de ses humeurs ou de la conjoncture: soit un contrat à durée déterminée renouvelable à l’infini (CDDRI), soit un contrat à durée journalière (CDJ). Enfin ! La liberté totale pour l’entreprise qui pourra créer une quantité d'emplois nouveaux avec une ressource pseudo-humaine coulant à flots; le travail sera donc mieux réparti sur la masse active.
L'expérience a réussi aux Etats-Unis où le chômage régresse. En corrélation avec ce succès médiatique on oublie toujours de préciser que le seuil de pauvreté a explosé: il n'y a pas d'indice économique mensuel pour ce critère qui se cache dans des caravanes ou des mobil-homes avec drogue, prostitution et pédophilie.
Nous avons fermé les yeux sur le sort de pauvres travailleurs comme les palestiniens en Israël qui sont déjà dans cette situation. Il est donc juste que la mondialisation mette un peu plus d'équité.
A bas les privilèges. L'Europe doit être dynamique et flexible pour mieux être exploitée. Les veaux [ de Gaulle ] que nous étions sont devenus des vaches à lait. Laissons œuvrer le marché qui pense à notre bonheur en nous offrant notre labeur quotidien. Ainsi soit-il. Amen.
1789, déclaration des droits de l'Homme.
1999, déclaration des droits du Marché.
· Toute entreprise est libre d'avoir des ramifications en tout point de la planète.
· La liberté consiste à pouvoir réaliser un profit maximum sur le dos d'autrui.
· La pensée unique est un des droits inaliénables les plus précieux de l'Homme.
· La loi est l'expression de la volonté des marchés. Tous citoyens étant égaux à ses yeux, sont également soumis à la précarité.
· Les vices des particuliers sont les éléments nécessaires du bien-être et de la grandeur d’une société (fable des abeilles Bernard Mandeville, 1714).
· Au nom de la rentabilité et de la productivité, elle peut porter atteinte à la morale et à la dignité de l'Homme.
· Le chômage est définitivement aboli et l'esclavage rétabli (il n'avait jamais totalement disparu).
Laissons faire nos amis saoudiens acheter de jeunes esclaves aux Philippines les violer et les tuer si nécessaire. Laissons agir les chinois avec leurs "fermes" de travail (on ne trouve même plus de trottoirs, ils sont passés au stade supérieur).
Quand le chômage, ce fléau occidental majeur, aura disparu, nos dirigeants politiques pourront remonter dans les sondages et dans le cœur des citoyens pauvres mais heureux d'avoir gagné la guerre de cette fin de siècle.
L'économie est une science qui permet d'esquiver les problèmes en les déplaçant...
Pour nos consciences, le malheur suspicieux de la terre est plus supportable que notre insultant chômage.
Remplaçons donc "chômage" par "insécurité précarité pauvreté". Plus de chômage, plus d'U.N.E.D.I.C.
Mettons tout le monde du même côté, le mauvais. Plus de fracture sociale, plus de révoltes.
Obligeons les exclus à travailler. Plus d'exclus, plus d'aides sociales, plus de problèmes.
Question :Mais alors, comment les gens travaillant quelques jours par mois auront-ils assez d'argent pour faire redémarrer l'économie ?
En achetant des biens de consommation dans des établissements à crédit hebdomadaire, ou bien en achetant en 1996 et en payant en 1999.
Pauvres de tous les pays, vivez le moment présent et laissez vos problèmes pour demain; soyez conquérants, entreprenants et carriéristes le monde vous appartiendra.
Question subsidiaire : Nos gouvernants ne nous bourrent-ils pas le ... cerveau ?
Eh oui, nous sommes bien les péripatécitoyens masochistes et méprisables qui ferons le trottoir.
En cachant la réalité et en niant son impuissance le pouvoir politique perd pied face au raz de marée économique. La démocratie est vulnérable, ne la laissons pas aux mains d'extrémistes irresponsables.
Il n'est pas trop tard pour lui redonner vie et la fortifier pour le bien de tous les citoyens du monde.
NOUS SOMMES TOUS RESPONSABLES POUR NON ASSISTANCE A REPUBLIQUE EN DANGER.
Texte écrit le 10 novembre 1996.