« Désolé, l’ordinateur nous dit que vous avez été mauvais dans votre travail ».
Le Film : « Truman Burbank mène une vie tranquille dans un monde paradisiaque remplie de gens sympathiques. Mais tout semble contraindre Truman à rester là où il est, dans ce monde artificiel où il se fait observer par des caméras cachées un peu partout. Il est depuis sa naissance le héros d'une émission de télé réalité internationale ‘Milton Friedman & Co’ ».
Derrière les décors paradisiaques, aux commandes, les grands ordonnateurs s’amusent à manipuler les pantins – pardon les actifs - des nations exploités et vampirisées. Ils sont relayés par innombrables serviteurs politiques et économiques aux ordres. Rien ne leur fait peur, pas même une guerre effroyable. Derrière leur passage, il ne reste que champs de ruines, désespoirs, révoltes et nationalisme.
S’en y prendre garde, nous sommes passés, depuis vingt ans (Gauche & Droite confondues), d’un monde industriel aux relations humaines parfois difficiles, voire conflictuelles, à un monde industriel du vide sidéral géré par ordinateur. Nous avions des objectifs communs et un esprit d’équipe surdimensionné. Le travailleur, acteur économique, citoyen autrefois à part entière, a été relégué au rang de matière première ou plutôt de ressource concourant à la réussite de l’entreprise, elle-même élevée au rang de citoyenne de la nation. Leurs capitaines se réunissent au Fouquet’s » pour la France et à Davos pour la planète.
De nos jours,tout passe par l’ordinateur ; les ordres par mails, les audits, les enquêtes, les entretiens et les signatures informatiques.
Regardez ces enseignants, ils ont à remplir plus de 150 critères pour évaluer un élève !
Nous sommes dans un monde de remplissage de fiches informatiques, un monde où les salariés passent plusieurs heures par jour à remplir des formulaires creux et débiles – nombres de comprimés donnés à un malade, statistique 20 fois par jour - de 0 à 10 - de la soufrance des malades sans y remédier, etc.., où les commerciaux nous disent « si vous ne mettez pas « Excellent » partout sur l’enquête que vous allez recevoir, je suis un homme mort », où nos relations contractualisées, réglementées à outrance bloquent l'initiative, où il faut des liasses de papier pour utiliser un tournevis et surtout pour bien définir qui est responsable du support ou de la vis au cas où l'accident arriverait. Nous sommes dans le monde du nul : zéro défaut, zéro stock, zéro risque et maintenant zéro croissance. On occupe plus de gens pour se protéger, que pour produire et le monde industriel souffre, abreuvé de chiffres, de courbes, de statistiques d'où il ressort que les accidents du travail et les suicides sont en augmentation et que le pouvoir d'achat baisse.
La sociologue Daniel Linhart, directrice de recherche au CNRS, écrivait « Travail en miettes, citoyens déboussolés.
Comment se rappeler à un monde qui ne cesse de vous parler de « citoyenneté » tout en vous retirant le peu de pouvoir dont vous disposez encore dans votre travail et dans vos vies ? La question, dont on mesure la portée électorale, concerne en particulier les salariés du bas de l’échelle. Les techniques de management leur imposent en permanence, au nom des « compétences », la guerre de chacun contre tous. on ne doit pas non plus oublier la fracture entre générations : elle produit des jeunes à qui la pauvreté à venir et la culture ambiante ont donné honte de leur classe.
Le travail prépare-t-il à prendre sa place de citoyen dans la société ? On peut en douter tant le comportement d’une partie des électeurs lors de l’élection présidentielle française révèle un malaise dont les racines sont aussi à chercher du côté des transformations du monde du travail. »
http://www.monde-diplomatique.fr/2002/06/LINHART/16577
‘Milton Friedman & Co’, notre Little Brother et sa clique de Néo-Cons 'à la sauce française' se fichent de ce malaise. Ces gens-là, Monsieur, n'ont pas de pays, ils n'ont que des paradis (fiscaux). Alors ils iront voir ailleurs . Il y a toujours un coin de soleil sur la planète. Comme une guerre planétaire pourrait engendrer des ennuis à ces Néo-cons, il suffit d'engendrer des guerres sous-contrôle (Irak, etc..) et de faire exploser des bulles spéculatives. Bref il suffit de foutre un bordel contrôlé (contrôlé jusqu'où! leur prétention n'a pas de limite !), un bordel piloté pour avoir les avantages d'une guerre totale et d'une croissance optimum pour leurs plus grands interêts. A la « stratégie du Choc » de Noami Klein on peut rapprocher dans l’industrie le « changement perpétuel » et le « désapprentissage massif » volonté délibérée pour faire perdre tous les repères professionnels et mettre, in fine, le salarié en état de stress extrême. Si suicide il y a, il serait possible que des prédispositions génétiques en soit uniquement la cause.
L’individualisation des salaires, des primes, des carrières et l’entretien individuel avec le N+1 mettent le salarié dans un isolement total avec un sentiment d’abandon et d’échec. Autrefois, l’entretien N+1, s’effectuait sur un coin de table dans la bonne humeur. On brossait les réussites, les échecs, les aléas, les rebondissements, les formations et les souhaits dans un échange constructif. Aujourd’hui, en un clic, l’évaluation, sur des objectifs non négociés et des moyens non donnés, sort directement et automatiquement de ces ordinateurs de surveillance. La sentence est impitoyable, vous êtes un nul par rapport aux autres, les aléas et les rebondissements sont proscrits car non informatisés.
Si l’intention trompeuse de départ était de faire la transparence sur des choix d’évolution et d’avancement – plus de subjectivité -, elle a été pervertie pour tomber dans une soviétisation industrielle – plus de vrais rapports humains -. On ne sait même plus avec qui dialoguer avec qui se confronter par ces temps de crise !
J’ai ouï dire que, dans une entreprise disparue depuis, le comble arrivait quand vous aviez des collaborateurs tous excellents ; le soviétisme informatique vous imposait de mettre au moins un zéro pointé sur un collaborateur au hasard.
Bonjour l'ambiance, bienvenue dans le « Truman Show » industriel.