Le Monde est un de nos quotidiens les plus sérieux. Et pourtant, dans un titre il use de l'expression "théories du complotisme" Cet article, comme beaucoup d'autres, illustre une tendance dramatique de notre époque à dégrader le sens des mots, comme ici "théorie".
Une "rumeur" complotiste ne constitue, en rien, une "théorie".
De même que la "transition démographique" n'est rien de plus qu'une thèse - contestable, comme toute thèse - même si elle est rabâchée dans les médias par des démographes qui passent pour les plus éminents.
N'est en rien une théorie la définition qu'en donne l'INED « transition démographique : passage d’un régime traditionnel où la fécondité et la mortalité sont élevées et s’équilibrent à peu près, à un régime où fécondité et mortalité sont faibles et s’équilibrent également ». Il s'agit d'une thèse, établie durant la première moitié du 20ème siècle, sur une observation de l'évolution démographique durant une période limitée.
Cette définition est évidemment inexacte et même illusoire quant aux prétendus "équilibres" qu'elle évoque.
Avant le 18ème siècle, l' évolution de la démographie humaine n'était en rien en équilibre mais soumise à des tas d'aléas auxquels l'Homme de Néanderthal, l'Homme de Florès ou les Amérindiens et tant d'autres n'ont pas ou très peu survécu.
Depuis que cette thèse a été énoncée en 1945, la plupart des pays industrialisés - anciennement en Europe et en Amérique ou récemment en Asie - connaissent des taux de fécondité qui n'ont rien à voir avec un régime d'équilibre.
La structure démographique de nos pays est dangereuse et pas seulement pour nos régimes sociaux. Dans de tels pays, le "No future" est tout autant démographique qu'écologique ou numérique, deux domaines où le mot "transition" est très à la mode mais employé avec beaucoup de légèreté.
Si le complotisme prospère si bien, c'est qu'il se propage dans une société où, au collège et au lycée, la culture générale a du céder la place à une "formalisation professionnalisante" dont la validité est pourtant de plus en plus éphémère, où les gouvernements font de la "com" et où le langage courant est rongé par la novlangue des communicants. Leur vocation première est la manipulation des émotions et les techniques favorites sont le trucage des images et la dérive du sens des mots.
Pour le dire plus clairement, la connerie aussi fait de la recherche/développement : ça s'appelle la "com"
Les mésaventures des mots "confiné" et "isolé" en sont une illustration récente analysée dans "Sortir du confinement en adultes : le manifeste".