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Billet de blog 28 janvier 2024

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La productivité, un concept détourné et falsifié

Ce billet répond à une publication de Jean Pisani-Ferry et dénonce la falsification de la notion de productivité, telle qu'elle est enseignée dans certaines grandes écoles où elle influence des gouvernements qui se prétendent libéraux mais pervertissent l'exercice des professions libérales. C’est pourquoi la productivité constitue une « des affaires d’Etat » dont traite mon essai.

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La productivité est un concept uitle dans l'industrie où elle a beaucoup progressé pendant les trente glorieuses puis avec l'émergence des robots et des ateliers flexibles. Le recours à cette notion est plus aléatoire sur les chantiers de bâtiment et de travaux publics où le temps qui se perd dépend beaucoup du temps qu'il fait. Cette notion est nocive quand il s'agit d'activités purement intellectuelles et notamment dans l'exercice de certaines professions libérales réglementées ou de la Justice. Elle est encore plus nocive quand elle est détournée et falsifiée dans des établissements d'enseignement supérieur d'où sortent des dirigeants qui se croient libéraux  mais qui pervertissent l'exercice de certaines professions libérales réglementées.  

Monsieur Pisani-Ferry, professeur d’économie à l’Institut des Sciences Politiques de Paris,  peut-il, dans les colonnes d’un quotidien du soir de bonne réputation, affirmer péremptoirement « Quand un jeune désœuvré ou un senior fatigué retrouve un emploi, la productivité moyenne baisse » sans que cela suscite une réaction d’économistes sérieux ?

Cette déclaration relève-t-elle d’un constat ? Dans ce cas, se pose une question méthodologique : comment Monsieur Pisani-Ferry s’y prend-t-il pour mesurer la productivité de chaque « jeune désoeuvré » qui a trouvé un emploi depuis qu’Emmanuel Macron est Chef de l’Etat ? La même question se pose à propos de la productivité de chaque « senior fatigué » qui a retrouvé un emploi ?

Ces deux premières questions en appellent d’autres ? Comment Monsieur Pisani-Ferry s’y prend-il pour discerner un « senior fatigué » d’un senior pré-retraité volontaire ? d’un senior fortuné qui joue en bourse ? d’un senior pré-retraité suite à un plan social ? d’un senior dont la retraite est si maigre qu’il lui faut chercher des petits boulots pour assurer ses fins de mois ?  d’une personne âgée dépendante dont le patrimoine est en train, par conseil départemental interposé, de se faire ponctionner par l’EHPAD qui l’héberge ?

Comment Monsieur Pisani-Ferry s’y prend-il pour discerner un « jeune désœuvré » des autres jeunes et notamment de ceux qui sortent des universités, des écoles d’ingénieurs et des autres écoles qui se prétendent grandes ?

Pour ma part, je suis ingénieur-économiste et comme Monsieur Pisani-Ferry, j’enseigne l’économie dans des établissements d’enseignement supérieur qui forment des jeunes gens appelés à exercer des emplois improductifs au sens où l’entendait Monsieur Jean Fourastié.

Mes anciens élèves sont, pour la plupart, des architectes. Pour eux, les échelles où l’économie s’applique, sont nombreuses : le marché immobilier, le marché de la construction, l’entreprise de bâtiment, le chantier, les études d’assistance à maîtrise d’ouvrage et de maitrise d’œuvre, l’agence d’architecture sont autant de focales sur lequel un architecte responsable doit ouvrir un œil vigilant tout en restant attentif à la qualité et à la durée d'exploitation des ouvrages qu’il fera construire. Il en va de la solidité des placements de ceux qui, parce qu’ils lisent la presse financière et les auteurs comme Monsieur Pisani-Ferry, croient encore « investir dans la pierre ». La pierre nous ne l'utilisons plus guère que pour l'entretien de nos monuments historiques ou pour dissimuler le béton qui, trop souvent, vieillit mal. 

Je n’ai, en conséquence, pas le temps d’inculquer à mes élèves l’art de prendre leur vessie pour une lanterne. C’est de cette discipline équivoque que relève l’autre « productivité », celle dont parle Monsieur Pisani-Ferry. Je retrace l’histoire de ce concept ambigu, issu du détournement et de la falsification de la grandeur définie par Jean Fourastié, dans mon ouvrage « des affaires d’Etat » qui traite d’affaires dont notre Etat s’occupe très mal.

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