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Billet de blog 24 février 2011

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Les sans-papiers traités comme sous Vichy ? Nouveau report du procès de Tours

Un premier report le 16 septembre 2010, un second report le 3 décembre 2010, puis encore un autre ordonné lors de l'audience du 17 février... le prochain épisode est fixé au 5 avril 2011. Pourtant, il ne s'agit pas de l'affaire Clearstream ou de l'affaire Woerth. Juste une banale histoire de diffamation. A Tours (Indre-et-Loire) la justice semble tout faire pour ne pas répondre à la question de fond qui lui est posée : peut-on comparer les méthodes d'expulsions des sans-papiers sous le pouvoir sarkozyste à celles employées par le régime de Vichy ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un premier report le 16 septembre 2010, un second report le 3 décembre 2010, puis encore un autre ordonné lors de l'audience du 17 février... le prochain épisode est fixé au 5 avril 2011. Pourtant, il ne s'agit pas de l'affaire Clearstream ou de l'affaire Woerth. Juste une banale histoire de diffamation. A Tours (Indre-et-Loire) la justice semble tout faire pour ne pas répondre à la question de fond qui lui est posée : peut-on comparer les méthodes d'expulsions des sans-papiers sous le pouvoir sarkozyste à celles employées par le régime de Vichy ?

Le 12 février 2010, deux collectifs tourangeaux, Soif d'Utopies et RESF 37 publiaient un communiqué dans lequel ils faisaient part de leurs soupçons quant à l'utilisation du fichier Base-Elèves par les préfectures d'Indre-et-Loire, d'Iles-et-Vilaine et de la Guyane et estimaient que ces méthodes de chasse, consistant à transformer des enfants en appât pour expulser des familles sans papiers, étaient les mêmes que celles qui avaient été employées par le régime de Vichy.

« Diffamation ! » répond le ministre Brice Hortefeux qui s'empresse de déposer une plainte pour « diffamations publiques d'administrations publiques ». Pour la défense, tout cela relève au contraire du débat public. Il n'appartient pas à la justice de dire quelles sont les comparaisons historiques admissibles et celles qui ne le sont pas : ce rôle échoit aux intellectuels, aux historiens ou aux sociologues et plus généralement à chaque citoyen intéressé par la question.

Problème : la justice semble refuser de débattre sur le fond de la question qui lui est posée et se recroqueville sur des questions de procédure pour éconduire les témoins de la défense cités à comparaître. Lors de l'audience du 3 décembre 2010, l'avocat de Soif d'Utopie, Maître Henri Braun avait déjà dénoncé dans une ambiance électrique « un déni de justice » et avait menacé de boycotter le procès (voir la vidéo jointe à ce billet).

Un première fois, le procès avait été repoussé parce que le Tribunal Correctionnel avait trop d'affaire à juger et qu'il n'avait pas le temps d'entendre tous les témoins de la défense. Une seconde fois le tribunal a décidé dévaluer séparément les moyens de procédure invoqués par deux des quatre prévenus et de ne pas entendre les deux autres prévenus sur le fond.

Et c'est l'audience du 17 février 2011 qui a une nouvelle fois accouchée d'une belle partie de pocker menteur. Le Procureur accuse la défense d'avoir « glissé subrepticement » des documents supplémentaires dans une offre de preuves. En réponse, la défense fait valoir que l'ensemble des pièces ont été fournies dans les délais avec l'attestation de l'huissier de justice. « On est face à deux hypothèses. Soit, l'huissier n'a pas remis l'intégralité des 157 feuilles au procureur. Il aurait donc fait un faux lorsqu'il a certifié les avoir transmises certifiées conformes à son destinataire. Soit, le procureur les a ''égarées'' », déclare dans un communiqué le collectif Soif d'Utopies.

Après trois audiences, le débat sur la légalité ou non du communiqué rédigé par le Collectif Soif d'Utopies et RESF37, n'a toujours pas eu lieu. Et ce n'est pas pour bientôt : le procureur refuse le droit de la défense à faire entendre 23 témoins – historiens, journalistes, intellectuels, sociologues... - même s'ils ont été assignés à comparaître dans les « règles de l'art » par huissier de justice.

Craignant de ne pouvoir exposer leurs arguments, les avocats de la défense rappellent le droit pour chacun à un procès impartial et équitable et dénoncent une «remise en cause des droits de la défense ».

Rendez-vous le 5 avril au Tribunal Correctionnel de Tours... à moins qu'il y ait un nouveau report.

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