L’allocation universelle:
un commun pour l’humanité
Jean-Noël Marzo
L’allocation Universelle: un Commun pour l’Humanité
Cet opuscule a pour objet de présenter quelques arguments théoriques afin de justifier notre proposition de financement d’un Revenu Universel déjà développé dans une première publication,
Une caisse commune pour une allocation universelle
Pour une révolution dans les prélèvements sociaux et fiscaux
publiée en janvier 2023 dans la collection Logiques Sociales par les éditions l’Harmattan.
Communs universels et commun universel
Comprendre et identifier les rapports existant entre les notions de propriétés individuelles et collectives qui constituent les richesses matérielles de notre monde et les notions de « Communs universels » est nécessaire pour mieux distinguer puis pouvoir décider ce qui doit rester dans le domaine du droit de propriété de la personne et ce qui doit être reconnu comme un capital collectif, un commun universel.
Distinguer dans l’existant puis décider d’une restructuration
Les connaissances scientifiques et techniques sont des acquis de l’humanité, enseignés et disponibles pour toutes et tous. Mettre à disposition cette richesse commune doit permettre à chaque humain de profiter des dividendes des progrès de la civilisation. C’est pourquoi définir en le justifiant ce qui doit rester personnel de ce qui doit être considéré comme bien collectif doit résulter d’un choix politique.
Comment instaurer alors dans l’ordre institutionnel ce droit individuel aux dividendes issus de nos biens communs, de notre commun de l’humanité ?
C’est ce qui justifie le revenu de base, revenu universel d’existence ou allocation universelle : un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur une base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement.
Donner à chaque humain le droit de disposer de sa part individuelle d’un bien commun c’est lui assurer de bénéficier des moyens financiers nécessaires à une existence digne dans le monde tel qu’il est. C’est ce qui justifie l’instauration d’un revenu inconditionnel universel. La dénomination de « biens communs » s’est en quelques années modifiée depuis les travaux d’Elinor Orstom sur ce sujet en « communs » puis « commun ». Ce concept a glissé d’un bien que l’on partage à celui du process du partage de ces biens. Pour la politologue étasunienne (Elisor Orstom, governing the commons, 1990) «Le commun suppose une ressource collective, mise en commun, qui obéit à des règles d’accès et qui est gérée selon certains modèles de gouvernance».
Des tentatives d’institutionnalisations d’un commun afin de donner un cadre légal à des entités ou structures existantes indépendantes du public et du privé furent nombreuses dans le passé. Certaines ont changé notre vie. Plusieurs de ces caisses de «sécurité sociale, caisses de grève ou de solidarité syndicales» existent encore de nos jours mais sans jamais se reconnaitre comme telles, s’intituler et se définir pour ce qu’elles sont en réalité : un COMMUN.
C’est ce qu’a voulu clarifier la commission Rodotà, instituée par le gouvernement Prodi en 2007 en Italie, qui proposait d’inclure dans le code civil à côté de la propriété privée et de la propriété publique la notion juridique de Commun définie comme « les choses qui font partie de l’exercice des droits fondamentaux et de la liberté des humains »
Pourquoi et comment le revenu universel correspondrait-il à un nouveau commun ?
Concrétiser cette proposition peut faire l’objet d’un nouveau commun, c’est ce que nous voulons démontrer et légitimer dans ces pages. C’est à chacun de nous de reconquérir, de nous réapproprier ce bien qui n’aurait jamais dû nous être confisqué, cette fabrique de richesse commune en nous donnant les moyens financiers d’un respect d’un droit humain fondamental, le droit à la vie sans conditions.
I
Un commun : la caisse du revenu universel
La notion de commun est bien décrite dans le premier chapitre de l’ouvrage COMMUN , Essai sur la révolution au XXIe siècle de Pierre Dardot et Christian Laval (la Découverte 2014), La co-activité comme fondement de l’obligation politique, citant Emile Benvéniste : par sa racine latine « cum » qui appartient à plusieurs ou à tous et « munus » renvoyant à un type particulier de prestations et de contre-prestations concernant les honneurs et les avantages associés à des charges, ou du latin communis qui recouvre ce qui est mis en commun, par une décision commune
Le commun ce ne sont pas des choses communes comme l’air et l’eau, le ciel et les paysages, par essence inappropriables. Ce n’est pas non plus ce que nous avons en commun au-delà de nos individualités, la philosophie a d’ailleurs séparé le commun de l’universel, reléguant le commun au vulgaire, par exemple ce qui est disponibles pour tous, un chemin d’accès à l’entrée d’une plage ou à une forêt sans qu’il soit nécessaire d’en être le propriétaire. Ce n’est pas non plus une vague notion de solidarité humaine qui nous pousserait à partager des biens, par fraternité, bonté ou pitié, d’ailleurs le plus souvent récupérés et organisés par le marché ou par l’Etat.
C’est « seulement l’activité pratique des hommes qui peut rendre des choses commune (…) le Commun n’est pas un bien, il est un principe politique à partir duquel nous devons construire des communs et nous rapporter à eux pour les préserver, les étendre et les faire vivre ». « On se refusera à exclure le social ou l’économique de l’institution du commun, comme longtemps une certaine philosophie politique « républicaine et démocratique » l’a relégué. (COMMUN Essai sur la révolution au XXIe siècle Pierre Dardot et Christian Laval, Editions La Découverte 2014).
De nouvelles forces politiques ont relancé le débat sur le commun notamment à l’intersection de l’économique et du social après la prise de conscience par un public de plus en plus large, de la prédation, selon des modalités différentes, par les forces du marché et du capital d’une part et par des expériences monopolistiques d’état d’autre part, l’une comme l’autre porteurs de risques antidémocratiques et de potentialités totalitaires.
En France, les privatisations de biens collectifs, les déremboursements partiels de certains médicaments ou prestations sanitaires depuis le début des années 2000, le transfert partiel ou total au privé de pans entiers de services publics comme la poste, EDF et GDF dans le secteur de l’énergie, quelquefois la distribution de l’eau, des aéroports, l’essentiel de la métallurgie, une partie des transports ferroviaires, les concessions autoroutières, les partenariats public-privé à l’hôpital, jusqu’à la Française des jeux … la liste est trop longue pour en faire l’inventaire ici, c’est la partie la plus rentable de nos biens communs, bien souvent mal gérés par l’Etat, qui quittent le service public au profit d’intérêts privés.
Parallèlement, alors que la création de la sécurité sociale en 1945 en France donnait aux salariés par l’intermédiaire de leurs syndicats, une représentation majoritaire au sein de ses instances de gestion, c’est-à-dire, une autogestion des caisses communes de protection sociale par ses affiliés, l’Etat dans le même temps, s’emparait des leviers de commande de cet organisme. Cette conquête ouvrière issue des propositions du conseil national de la résistance, fut progressivement affaiblie, d’abord par les ordonnances Jeannenay de 1967 puis par la loi de juillet 1975 posant le principe d’une généralisation progressive à toute la population de la protection maladie avec l’extension de la Sécurité sociale, jusqu’à la loi de 1978 proposant à toute personne non couverte le bénéfice de cette protection. Ces différentes réformes finirent par donner à l’Etat, au prétexte de la généralisation de cette affiliation à de « non cotisants », la prise de contrôle par celui-ci de la gestion de caisses initialement autonomes, mutilant de ce fait ce qui depuis l’origine s’était institué comme un commun géré par les salariés ou leurs représentants. Cette étatisation une fois accomplie donna lieu, avec bien sûr, quelques améliorations et modernisations nécessaires, à de nombreuses restrictions et limitations de droits, antérieurement acquis au prétexte d’un déficit chronique organisé et entretenu par les différents gouvernements qui se sont succédés jusqu’à aujourd’hui. Les cotisations qui auraient dû non seulement suivre mais anticiper l’augmentation prévisible des dépenses liées aux progrès de la médecine, de l’allongement de la durée de la vie n’ont pas suivi. Aider et soutenir la rentabilité des entreprises en privant la protection sociale de cotisations sur une partie des gains de leurs salariés (en réalité il s’agit simplement de salaires différés), en exonérant certains revenus, comme de nombreuses primes, les dividendes d’intéressement salariaux, quelques charges patronales et cela le plus souvent sans entière compensation par le budget de l’Etat, finirent par créer ce qui fut appelé et constamment diffusé en boucle par les media mainstream comme étant « le trou » de la sécurité sociale…
Ce double mouvement,
1- de privatisation d’une partie des biens publics les plus rentables vers le marché, favorisant des revenus sans risques, assurés au capital grâce à des positions quasi monopolistique dans des domaines d’intérêt public d’une part,
et
2- d’étatisation d’organismes de protection sociale pour couvrir les risques de la vie, communs autonomes à leur création qui appartenaient à leurs cotisants, d’autre part, finirent par constituer une véritable prédation de ce qui aurait dû être nommé et défini comme un commun issu du conseil national de la résistance.
Ces décisions politiques prises depuis plus d’une cinquantaine d’années en France constituent en soi une spoliation d’un bien commun dont les cotisants ont été privés de leur droit et de leur devoir de contrôle.
La protection sociale des droits humains doit pouvoir s’autogérer; c’est cette auto-gouvernance qui permettra un usage collectif des fonds collectés au sein de la collectivité et constituera un atout fondamental pour que chaque résident/citoyen se sente partie prenante et co-responsable de cette institution commune, garantissant par là même la pérennité de ce commun. L’auto-organisation par des mécanismes de décision issus d’assemblées élues et/ou tirées au sort parmi toute la population ou toute autre forme de gouvernance démocratique sera la meilleure garantie pour que ce droit au moyens financiers nécessaires à sa propre dignité personnelle soit intériorisé par chacun et chacune d’entre nous et défendu comme un bien collectif inaliénable.
Nous verrons dans les parties II et III comment il est possible d’organiser une récupération de ces droits.
II
Pour une réappropriation* d’une partie des bénéfices sur les transactions
Tout acte de vente a pour fondement de procurer un bénéfice pour le vendeur. L’acte de commerce consiste en l’achat d’une marchandise ou éventuellement d’un service à un prix le plus bas possible afin de le vendre à un prix supérieur; (la vente à perte, éventuellement possible dans des cas très précis ne peut permettre à une entreprise de survivre très longtemps). Même si cette activité commerçante nécessite un travail, d’achat, de stockage, de présentation, de respect de certaines règles comptables … nous ne pouvons comprendre quelles sont les raisons qui permettraient de justifier puis d’accepter une appropriation par l’Etat d’un pourcentage sur une partie de la valeur ajoutée produite lors de la revente d’un produit, de cette « plus-value » issue d’un acte privé d’achat/vente, entre un acheteur final et un vendeur sans aucun lien avec l’Etat. La création en France de la TVA en 1954 et aujourd’hui largement généralisée depuis a permis de rationaliser les taxes sur la consommation. Mais cet impôt a surtout permis à l’Etat de pouvoir augmenter de façon considérable ses ressources tout en limitant la progression des impôts directs, ce qui eut été nécessaire pour financer des besoins collectifs croissants. La TVA est ainsi devenue en France, au fil du temps, le principal impôt payé par toutes et tous, notamment par les personnes les plus défavorisées dans nos sociétés et ainsi devenir la principale ressource de l’Etat.
*(Réappropriation (permettre aux exclus de se réapproprier un avenir, le petit Robert)
Cette taxe sur la valeur ajoutée, que nous ne voulons en aucun cas comparer à une ponction sur ce qui pourrait de façon caricaturale être qualifié de vol légal, joue néanmoins un rôle de régulateur et modérateur utile à un relatif contrôle de la consommation. En effet, augmenter le prix d’une marchandise d’un pourcentage à établir par un choix démocratique apporte dans l’économie globale un possible moyen de sage pondération de la consommation ou de ce que certains appellent surconsommation particulièrement dans nos pays occidentaux. Enfin cette taxe s’appliquant à toutes les marchandises, d’où qu’elles viennent, ne crée pas de distorsions de concurrence entre ce qui est produit dans le pays consommateur et ce qui est fabriqué à l’extérieur de celui-ci. Par ailleurs les nécessités écologiques de protection de notre environnement et les dangers pour les équilibres de la planète nous pousseraient non seulement conserver cette taxe mais éventuellement à l’augmenter pour certains produits dangereux ou néfastes pour la santé.
Les avantages de la taxe sur la valeur ajoutée sont nombreux, mais due par le consommateur final, ils présentent un inconvénient de taille déjà mentionné plus haut, qui nuisent à sa légitimité, puisqu’ils sont proportionnellement plus payés par les couches les moins favorisées de la population, celles qui ne pouvant épargner une partie de ses revenus, sont donc taxées de ce fait sur l’essentiel de ses gains. L’idée d’une TVA sociale a souvent été défendue dans le seul but de baisser les cotisations patronales afin de rendre les entreprises d’un pays plus compétitives. Ce type de réforme a même été proposé et réalisé en Allemagne, en augmentant le taux de TVA avec ses conséquences mécaniques sur l’inflation. De façon moins ouvertement assumée politiquement, cette option a aussi été choisie en France mais très modestement* et sans annonces publiques.
La proposition déjà faite dans notre premier ouvrage, une caisse commune pour une allocation universelle, part d’un postulat différent : il s’agit d’instituer une cotisation sur la valeur ajoutée totalement disponible pour un commun géré démocratiquement, et donc rendues à tous.
*Notons d’ailleurs qu’aujourd’hui en France, une petite partie des sommes récoltées par la TVA sont déjà affectées au financement de la sécurité sociale.
La cotisation sur la valeur ajoutée présente l’avantage de faire de chaque résident d’un espace déterminé, (un pays, une région autonome, une cité fiscalement indépendante), à l’adresse de la domiciliation ou de la résidence principale d’une personne, un cotisant à une caisse commune dont il sera alors, soit directement, soit par un système de représentation démocratique, l’un ou l’une des gestionnaires.
La cotisation sur la valeur ajoutée constitue la seule façon pratique de permette à chacun, en âge d’être directement un consommateur, d’être aussi de ce fait, un cotisant avec tous les droits de contrôle et de gestion directe ou indirecte attaché à celui ou celle qui contribue à l’abondement d’une caisse commune, d’un commun. Il n’y a plus de ce fait de personne assistée, dont les revenus, même faibles, lui proviendraient de contributeurs totalement extérieurs. Un revenu universel est financé (à des niveaux bien sûr différents) par toutes et tous.
Le Droit Humain à recevoir un revenu pour vivre, doit exclure toute conditionnalité liée à une activité. C’est fondamental, non seulement pour que ce droit et ce devoir soit reconnu comme légitime par celui qui le finance mais aussi par celui qui reçoit ce revenu, il ne doit donc rien à personne. Ainsi toute la population, finance et reçoit ce même revenu. Il n’y a plus ni de contributeurs exclusifs ni d’assistés débiteurs.
Nous pensons aussi que cette cotisation doit être d’un niveau suffisant pour que son rôle utile de régulateur de l’économie globale soit efficace mais aussi respectueuse des intérêts de chaque personne et de ses choix libres et personnels de consommation. Un taux unique pour les marchandises, produites ou non dans le pays consommateur assure à cette cotisation une neutralité commerciale permettant à toutes les entreprises de se trouver sur un pied d’égalité sur un marché géographiquement défini.
De plus, une même cotisation, par exemple de l’ordre de 20% sur le prix de toutes les marchandises, laisse à chacun la liberté du choix de ce qu’il consomme, sans taux ni dissuasif ni attractif pour tel ou tel type d’achat. Ce n’est pas à une collectivité de choisir ce qu’il est bien de consommer, ce choix doit rester individuel ! Les données économiques connues pour chaque pays permettent d’évaluer le potentiel mis au service d’un bien COMMUN pour le financement d’un revenu universel.
En France en 2024, la TVA avec un taux moyen légèrement inférieur à 10% (lié à l’existence de taux différenciés (20% taux normal, 10% taux réduit, 5,5% et même 2,1% pour les super-réduits et des taux particuliers pour l’outre-mer) a rapporté à l’état plus de 200 milliards d’euros. En conservant le taux normal de cotisation de 20% sur l’ensemble des transactions, nous aurions pour la Caisse Commune du Revenu Universel, entre 350 et 400 milliards d’euros disponibles pour l’abondement de ce bien commun après le transfert de l’administration de la fiscalité indirecte vers une tutelle de la caisse commune du revenu universel sur le modèle des caisses des URSSAF.
Cette proposition doit bien sûr faire l’objet de débats, la gestion démocratique de ce COMMUN, devrait permettre d’aboutir à des consensus ou des majorités qui pourraient varier d’une année sur l’autre, avec finalement, toujours une décision collective pour un choix populaire à faire entre cotisation plus élevée pour un revenu de base plus haut et des prix à la consommation plus élevé ou l’option inverse. Le choix de taux variés en fonction du type de produit, de première nécessité ou non devrait aussi faire l’objet de débats ouverts.
Cette cotisation sur la valeur ajoutée, la CVA redistribuée équitablement à tous retrouve alors toute sa justification et une nouvelle légitimité.
III
Rendre à chacun sa part de notre propriété commune
Les acquis de la civilisation, les progrès accomplis au cours de ces derniers siècles ont permis à l’humanité entière de s’enrichir de façon exponentielle. La productivité du travail a fait un bond en avant comme jamais dans l’histoire de l’humanité on ne l’avait observé … et cela continue.
Du muscle humain et du cheval à la machine à vapeur, des mines de charbon aux Derricks de pétrole, de l’électronique aux robots industriels et jusqu’à l’« intelligence artificielle », il n’est pas de jour sans que l’on apprenne que de nouvelles sources de richesses permettent de nous libérer de tâches qui rendent encore de nos jours la vie matérielle de nombreuses personnes, souvent difficile, quelquefois insupportable. Ces progrès scientifiques et techniques n'ont pu se réaliser que parce que l’instruction publique est devenue un bien pour tous, que la diffusion des connaissances s’est généralisée, que la valorisation des découvertes est systématiquement et justement utilisée. Mais une partie de ces acquis, bien communs de l’Humanité ont migré vers des structures privées afin qu’elles puissent être exploitées et commercialisées. C’est dans la logique du système libéral dominant, liant spoliation institutionnelle d’une part importante de la croissance de la productivité avec d’autre part un contrôle insidieux du pouvoir économique que cette politique a pu s’accomplir. Mais cette prédation d’une partie du pouvoir politique par un pouvoir économique avec une efficacité redoutable et incontestée est souvent présentée comme une fatalité. De fait il n’en est rien. Déjà Pierre-Joseph Proudhon écrivait au milieu du 19ième siècle « la propriété des moyens de production est l’instrument juridique de l’appropriation privée des fruits du travail commun ».
C’est cette plus-value, issue d’un travail humain, actuel et/ou ancien, qui appartient à l’Humanité.
Il ne s’agit pas ici de faire l’inventaire de tous les biens de l’humanité, ni de savoir qui en a profité le plus, mais comment nous en sommes arrivés à la répartition actuelle des propriétés des moyens de production et des richesses qu’ils ont généré. Comment faire alors pour se donner les moyens, les plus efficaces et réalistes possibles pour que les dividendes des biens matériels et immatériels du monde soit plus justement répartis, sans casser la force et le potentiel du moteur économico-psychologique que peut constituer la volonté et le désir d’argent et de pouvoir de véritables entrepreneurs nécessaires eux aussi aux progrès scientifiques, techniques, industriels et finalement économiques de l’humanité !
Enfin pour que toute propriété privée soit acceptée par chacun, il faut non seulement qu’elle soit d’abord et avant tout considérée comme légitime mais aussi protégée et recevoir la garantie finale par des institutions reconnues. Les notaires, les banques, l’Etat et ses administrations et au bout du compte la force publique sont en charge du respect des biens privés. Mais cela a un coût pour la société, d’autant plus grand que le capital à protéger est important.
La proposition déjà formulée dans notre ouvrage Une Caisse Commune pour une Allocation Universelle, d’une contribution progressive sur les biens de chaque adulte trouve ici sa pleine justification. Cette contribution progressive s’appuyant sur le capital personnel, diminué des dettes constitue un moyen simple et éthiquement juste de reprendre ce qui appartient à tous, en tant qu’humains, afin de le rendre à chacun comme individu. Une contribution sur l’actif net, le capital total, quelle que soit sa forme, mobilière et immobilière, actions, participations, bijoux, œuvres d’art, tout ce qui peut avoir une valeur marchande serait à déclarer en même temps que la déclaration annuelle des revenus de l’année antérieure. Cette information déclarée au fisc, aux caisses communes du revenu universel et aux caisses de sécurité sociale permettra de calculer la contribution due par chacun.
Avec une méthode de progressivité par tranches comme celle structurée pour le calcul de l’impôt actuel sur le revenu, cette contribution individuelle pour chaque résident majeur, serait de 1% jusqu’à un capital d’un million d’euros, 2% de un million à dix millions, 3% pour la tranche de dix millions à cent millions et ainsi de suite… 1% de plus par tranche à chaque fois que le capital personnel est multiplié par dix, donne à cette proposition une clarté et une évidence compréhensible par sa simplicité. Cette contribution, taxant l’ensemble du capital, quel que soit sa situation géographique dans le monde, en supprimant la taxe foncière existante et l’IFSI d’aujourd’hui, pour ne pas imposer deux fois le même bien, abonderait la caisse commune du revenu universel. Ce n’est qu’au-delà d’un capital supérieur à un milliard d’euros personnels que cette contribution (qui serait alors encore inférieure à 5%), nécessiterait éventuellement pour son paiement, (en fonction de la qualité des placements et la conjoncture économique générale), d’amputer le stock, c’est-à-dire le capital individuel lui-même, au-delà des dividendes qu’il rapporte. Le possible paiement en dation ou en part de capital ne doit pas être exclu quand le ou la redevable de la contribution n’a pas le numéraire disponible. Mais à ces niveaux de richesse, c’est le potentiel risque politique d’un pouvoir illégitime sur la démocratie elle-même qu’il convient d’examiner. L’actualité nous le démontre tous les jours, le pouvoir économique contrôle les grands média, directement mais aussi notamment par un financement dépendant largement de la publicité, et faussant ainsi le jeu démocratique qui est alors foncièrement biaisé.
La Contribution sur l’actif net, la CAN, modernisant et remplaçant l’ancien ISF, et annulant la taxe foncière et l’IFSI alors sans objet (pas de double taxation d’un même bien) constituera la deuxième branche de l’abondement de la Caisse commune du revenu Universel.
A partir de données diffusées par la presse économique, l’évaluation de la richesse en France serait estimée en 2024 à un total de l’ordre de quinze mille milliards d’euros. Une possible contribution moyenne comprise entre 2% et 3% de l’actif net brut (le capital moins les dettes) conséquence des considérables inégalités de fortune, (plus la distribution des richesses est dispersée, plus la CAN rapporte, aucune statistique officielle n’est publiée, car il n’y a plus de déclaration obligatoire depuis la suppression de l’ISF) rapporterait entre 300 milliards et 450 milliards d’euros par an à la caisse commune du revenu universel.
IV
Un Commun financier : la caisse Commune du revenu universel
Avec la carte vitale
Dans les paragraphes II et III nous avons exposé les modalités pratiques pour une réappropriation de ce qui n’aurait jamais dû échapper à notre commune humanité. Donner des chiffres pour la France est un exercice difficile, discuté et toujours contestable, cela résultant de l’absence d’informations fiables et officielles sur le sujet. Nous devons donc nous contenter d’approximations : avec des données partielles révélées par la presse, pour l’année 2024 nous aurions des sommes comprises entre 650 et 850 milliards d’euros (les deux branches de financement de la caisse commune du revenu universel réunies, CVA et CAN) disponibles pour les 50 millions d’adultes que compte notre pays, soit en choisissant de prendre la moyenne des estimations, nous disposerions de l’ordre de 15 000 euros par an et par personne de revenu universel, soit plus de 1200 euros par mois.
Il s’agit bien sûr d’un revenu primaire, auquel s’ajoutent tous les autres revenus de salaires, pensions de retraite, honoraires, dividendes, droits d’auteurs, loyers perçus … comme le proposent la plupart des variantes partisanes d’une allocation de base … l’ensemble évidemment soumis à l’impôt sur le revenu et la CSG, rendant de ce fait pratiquement toute la population imposable, grâce et parce ce que titulaire d’un revenu universel.
La contribution sociale généralisée CSG, bien sûr maintenue afin de financer l’assurance maladie, les allocations familiales et d’autres protections non contributives (par exemple le handicap) par un prélèvement proportionnel sur tous les revenus alors plus génératrice de moyens pour ces différentes protections nécessaires de la population.
Notons que le revenu universel est défini comme devant être distribué de la naissance à la mort. C’est donc aux allocations familiales de subvenir aux besoins des mineurs. C’est déjà en partie le cas, mais ces nouveaux moyens permettront une amélioration de la prise en charge, dès le premier enfant, des frais liés à la vie courante, à l’éducation et la culture, les loisirs des jeunes… Permettre aux communes d’organiser la gratuité des repas à l’école, des transports collectifs en ville, de bons d’achat pour une nourriture paysanne conventionnée, de biens culturels, de bourses scolaires pour tous, des musées gratuits, tout cela est nécessaire. C’est à la contribution sociale généralisée CSG existante et renforcée de pouvoir répondre à tous ces besoins, avec une faible augmentation éventuelle du taux de prélèvement si nécessaire. Avec une contribution de l’ordre de 10% sur tous les revenus, cette caisse de la sécurité sociale, qui doit reconquérir son autonomie de gestion indépendamment de l’état, doit permettre de financer ces nouveaux acquis, cela d’autant plus facilement que les revenus de tous seront largement augmentés, particulièrement pour la partie la plus défavorisée de la population, dont les revenus seront améliorés grâce au revenu universel, et donc l’apport financier de la CSG aux caisses d’allocations familiales.
Ce revenu de base pourrait alors être disponible par virement ou en liquide grâce à une nouvelle application de la carte vitale, incluant le revenu universel dans ses potentialités, signant ainsi une nouvelle responsabilité citoyenne, un gage de confiance et de bienvenue dans notre humanité commune au moment de ses 18 ans.
V
L’état exonéré de son budget social
Des entreprises libres et responsables
La création d’un commun, une caisse commune gérée de façon autonome et démocratique par et pour toute une communauté politique dont la résidence principale est située dans un périmètre géographique défini, libère l’Etat d’une qualification dont on l’affuble souvent, parfois de bonne foi, parfois avec ironie, celui d’ «Etat providence ».
Avec le transfert de la TVA actuelle du budget de l’Etat vers la caisse commune du revenu universel, c’est plus de 200 milliards d’euros par an qui devront évidemment être compensés, soit par de nouvelles recettes, soit bien sûr par des économies.
Ajoutons aussi, que la suppression de la taxe foncière et de l’impôt sur la fortune immobilière conséquence de la réappropriation de la contribution progressive sur l’actif net, la CAN retirera encore quelques 60 milliards par an au budget de la nation.
C’est donc 260 milliards «d’économies» qui seront nécessaires pour rééquilibrer le budget de l’Etat sans alourdir sa dette!
Mais enfin libéré de son rôle d’assistance aux plus démunis, (ce pognon de dingue, dixit Mr Emmanuel Macron), il n’y a plus aucune justification au maintien de toutes les d’aides conditionnelles, couteuses et difficiles à gérer, et le plus souvent humiliantes pour les récipiendaires. La fin du RSA socle, du RSA chapeau complémentant les bas salaires, des allocations logement, du RSA majoré jeune actif, de la prime d’activité … exonère le budget de l’Etat de plus de 60 milliards d’euros par an. (Correspondant d’une certaine façon à ce que l’on pourrait considérer comme étant de l’autofinancement d’une petite partie du revenu de base).
Cependant l’essentiel des économies résultera de la suppression des aides publiques distribuées aux entreprises au prétexte souvent invoqué de la lutte contre le chômage. La fin de la misère économique pour tous donne à chacun une liberté individuelle qui rend caduque la nécessité de dispositifs souvent culpabilisants, en relation ou non avec le « marché de l’emploi salarié ». C’est plus de 200 milliards d’euros par an (211 selon les données de 2024) alloués sans contrôle direct de l’état, et quelquefois par l’intermédiaire de structures paraétatiques, sous de multiples formes, crédit impôt recherche, aides à l’innovation, diminution des charges salariales sur les bas salaires, devenus sans objet … qui doivent donc disparaitre.
Addenda I
Les responsabilités des entreprises
Enfin, la liberté et les responsabilités des entreprises et de leurs salariés doivent être reconnues et protégées. Les caisses de retraites, comme la CNAV, les retraites complémentaires AGIRC-ARRCO pour le privé, IRCANTEC pour les salariés non titulaires de la fonction publique, les caisses des professions libérales et des indépendants doivent garder ou retrouver et défendre leur liberté de gestion. Elles appartiennent aux salariés et aux autres professionnels cotisants qui doivent donc être à même de pouvoir assumer et protéger leurs intérêts. Toutes les protections de prévoyance, contributives, caisses d’indemnisation du chômage, assurance pour les salariés, accidents du travail … doivent dépendre directement de leurs cotisants afin de garder et consolider notre système actuel s’appuyant sur la répartition et la solidarité entre générations et qui a montré dans le temps sa capacité à garantir à tous une sécurité sociale de qualité.
Addenda II
Pour l’Etat, l’impôt sur le revenu
C’est dans notre pays l’impôt le plus décrié par les contribuables, « l’impôt du matraquage fiscal », payé par moins d’un foyer sur deux. Pourtant l’impôt sur le revenu ne rapporte au budget de l’Etat que de l’ordre de 100 milliards d’euros par an. Miné par plus de 400 niches fiscales pour un coût cumulé de plus de 80 milliards d’euros par an, il représente moins du tiers du budget de la nation. Cet impôt réputé progressif devient très légalement dégressif pour les très hauts revenus, principalement par le simple fait que l’augmentation du capital, qui n’est pas directement distribué sous forme de dividendes. Grâce au rachat de leurs propres actions par les entreprises, ou s’évadant vers des holdings de reprise, qui peuvent même être créées pour rester unipersonnelles, cet enrichissement individuel n’est pas considéré comme un revenu, ni donc non déclaré comme tel. Il est alors juste de donner à l’impôt sur le revenu une lisibilité pour que tous y soient assujettis. La contribution sur l’actif net pour la caisse commune du revenu universel remédie en partie à cette anomalie.
Enfin cet impôt sur le revenu doit être dé-familiarisé et déclaré individuellement par toute personne dès l’année civile de sa majorité. C’est un impératif de justice et de simplification, il ne doit plus y avoir de primes avantageuses ou de pénalités pour orienter les choix de vie de chacun. Pas de demi-part pour les personnes à charge, chacun reçoit son revenu, pas d’impôt direct avant sa majorité !
Alors grâce au revenu universel, toute la population adulte devient imposable et devra contribuer et participer à la bonne marche de la nation. C’est un devoir qui donne un supplément de légitimité aux droits humains de toutes et tous.
Pour comprendre et se représenter avec du concret cette approche, il nous faut ici donner quelques chiffres. Avec notre proposition de revenu universel, tous les adultes deviennent donc imposables sur leur revenu! Nous participons tous au financement du budget de l’Etat. Avec une première tranche fixée à 10% sur tous les revenus personnels de chaque adulte au-delà de 12.500 euros par an, chacun devient contribuable à sa majorité, l’une des composantes symboliques de la citoyenneté. Une deuxième tranche à partir 25.000 euros de revenus taxée à 20%, une troisième tranche de 30% à partir de 50.000 euros, la quatrième de 40% à partir de 100.000 euros perçus personnellement par an et enfin une cinquième tranche de 50% pour les revenus individuels qui dépassent les 200.000 euros perçus dans l’année par une même personne. Cet impôt individuel, modérément progressif sera donc toujours inférieur à la moitié des gains déclarés sur une année. Le travail, les responsabilités, le talent, les succès sportifs, artistiques et même la chance ne seront ainsi jamais « spoliés ». Laissons toute sa place au luxe pour qu’il puisse continuer à prospérer! La possibilité de conserver quelques niches fiscales, plafonnées si leur utilité économique est indéniable et reconnue, ainsi que l’étalement possible de revenus déclarés dans certains cas particuliers (prime récompensant un travail effectué sur plusieurs années, droits d’auteurs, successions importantes, gains rapatriés en une seule fois de l’étranger, toutes situations particulières acceptées par une instance indépendante … doit permettre de donner une marge de souplesse d’interprétation à une administration du trésor public respectueuse et responsable du bien commun et bien sûr des droits de la personne. L’éventualité d’un rétablissement d’une faible taxe d’habitation pourrait donner aux communes une autonomie financière réclamée par de nombreux élus locaux.
Avec cette proposition de fiscalité directe sur le revenu, le budget de l’Etat, libéré de son rôle social d’aide aux « pauvres », d’assistance au capital et de subventions aux entreprises serait alors supérieur à ce qu’il est aujourd’hui. Dans ce nouveau périmètre, l’Etat gagnera en légitimité et donc en efficacité ! Il sera alors à même de mieux répondre aux besoins de nos sociétés. Une fonction publique forte dotée de nouveaux moyens donnera à l’enseignement, la recherche, la culture des capacités accrues pour préparer un avenir meilleur. Son rôle régalien, la justice, la sécurité, la défense sera le gage d’une société plus apaisée.
Le REVENU UNIVERSEL un COMMUN pour l’HUMANITE
Un moyen pour sortir par le haut de la crise de la démocratie
LIBERTE EGALITE HUMANITE
C’est une urgence démocratique