Nous extrayons ce passage d'un dossier proposé sur le site Admiroutes
http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2010/111/geostrategie.htm
Certains diront que nous sommes là en pleine utopie. Raison de plus pour en parler.
Epargner pour « investir sur fonds propres »: un grand fonds stratégique européen
Comment mobiliser l'épargne européenne au service d'investissements stratégiques à long terme? La France pour sa part lance actuellement un « Grand emprunt » de 35 milliards, et elle dispose déjà d'un Fonds stratégique d'investissement (FSI) de quelques milliards, mais avec toutes leurs limites tant hexagonales ( projets franco-français), qu'en termes de montants ( modérés par nécessité) et de contraintes de financement ou de remboursement aux préteurs (français et étrangers) via le budget de l'Etat et la Dette Publique (donc in fine par les contribuables) à des taux nécessairement élevés. Il existe également un Fonds européen d'investissement (FEI), mais aux moyens fort réduits, orienté exclusivement sur les PME/PMI, et émanation de la Banque européenne d'investissement (BEI), donc là encore à capitaux publics.
Nous proposons ici un projet à la fois beaucoup plus ambitieux et beaucoup moins contraignant, à savoir la mise en place d'un Fonds stratégique européen doté en régime de croisière d'environ 1.500 à 2.000 milliards d'euros de fonds propres ( soit l'équivalent des réserves de change de la Chine ou du PIB français ), avec des capitaux investis d'une manière permanente.Mais comment échapper à la contrainte du « Mur de la Dette » ?
Transformer les particuliers en investisseurs.
Il y a urgence à convaincre les Européens qu'ils disposent de ressources susceptibles d'être mobilisées en investissements rentables à long terme, et que pour mobiliser ces ressources, il leur suffirait de s'appuyer sur les Etats et sur la BCE, par l'intermédiaire d'un grand fonds d'investissement créé à cet effet. Mais comment faire? Certains objecteront qu'il s'agira un peu du système Madoff, à très grande échelle. Mais précisément ce que Madoff n'a pu faire seul, les institutions Européennes, sous contrôle démocratique, pourraient le faire.
L'Europe que l'on dit ruinée possède de nombreuses ressources potentielles, tant en termes de moyens humains que de compétences scientifiques et techniques ou de capacités industrielles. Ces ressources sont sous-employées du fait d' une structuration insuffisante de l'offre de produits et services au niveau européen, aggravée par un chômage massif et une absence de protection face à la concurrence étrangère non soumise aux taxes sociales. En fait, ces ressources disparaîtront d'ici quelques années si rien n'est fait pour les protéger. L'Europe doit donc investir.
La liste des équipements et besoins à financer a été établie depuis longtemps. Il s'agit: 1. de développer sur le rythme adopté dorénavant par la Chine les universités, les grandes Ecoles et les laboratoires de recherche; 2. de lancer de grands projets structurants: infrastructures de transport, de télécommunication et d'habitat, énergies sous leurs diverses formes, espace, défense; 3. d'initialiser des filières industrielles débouchant sur des produits de consommation ou d'équipement à forte valeur ajoutée et économes en énergie et matières premières (concernant par exemple les nano-objets, la robotique, les véhicules électriques, les industries culturelles et les loisirs numériques.... ).
Insistons sur le fait qu'il ne s'agira pas de financer des dépenses de consommation, mais de dépenses d'investissement, rentables entre 5 et 20 ans selon les secteurs. Ils ne généreront donc pas d'inflation, mais de la prospérité, sans compromettre d'autres politiques européennes comme celles de la lutte contre la dégradation des écosystèmes. Les projets à vocation transeuropéenne ou paneuropéenne seront privilégiés. Des partenariats avec des pays européens voisins, notamment la Russie, devront être envisagés, s'ils se révèlent stratégiquement utiles. Il en sera de même (voir ci-dessous) de projets intéressant divers Etats africains méditerranéens ou sub-sahariens. Il faudra bien préciser qu'un tel fonds n'aurait rien à voir avec un accroissement des déficits budgétaires publics aujourd'hui non sans raisons mis à l'index.
Pour investir, il faut des capitaux. Reprenons le raisonnement exposé un peu plus haut. L'Europe ne devra pas sauf marginalement faire appel aux financements non européens. Ceux-ci ne s'intéresseront aux investissements en Europe qu'à condition de les contrôler, transformant ainsi l'économie européenne en économie dominée de type coloniale. Leur contrôle sera économique, mais aussi politique et finalement culturel. Ainsi les détenteurs des pétrodollars risquent d'investir au service des Etats et mouvances qui gravitent autour d'eux. Les fonds chinois ou provenant d'autres pays émergents ne seront pas davantage désintéressés. C'est la raison pour laquelle nous avons employé ci-dessus l'expression d'investissements sur fonds propres: il s'agira de faire appel pour l'essentiel aux épargnes dûment authentifiées comme européennes.
Il ne s'agira pas non plus d'engager les Etats dans des politiques d'emprunt les obligeant à passer par l'intermédiaire des banques, fussent-elles européennes. Celles-ci prélèveront tout à fait légitimement d'ailleurs un intérêt qui s'ajoutera, les années passant, au coût du remboursement. Le total, pesant sur les budgets et donc sur les citoyens, deviendra vite insupportable.
On objecte que l'Europe ne possède pas d'épargne mobilisable.
C'est évidemment faux. Rien qu'en France, les diverses épargnes mobilières et immobilières peuvent être évaluées à 4.000 milliards d'euros. Le dixième, soit 400 milliards, pourrait ainsi être mobilisé volontairement par leurs détenteurs, s'ils trouvaient dans des participations à un organisme public européen un rendement garanti supérieur à celui fourni par les caisses d'épargne. Etendu à l'ensemble de l'Europe, le dispositif pourrait collecter entre 1500 et 2000 milliards, débloqués par tranches annuelles de 500 milliards.
Il ne sera certes pas envisageable de proposer de l'épargne forcée sous la forme des emprunts de guerre de 1914-18. Il faudra par contre faire appel à la fois au patriotisme européen des petits et moyens épargnants et des entreprises, mais aussi à leur intérêt personnel. Pour cela, il sera indispensable de les sécuriser, en mettant en place au niveau le plus officiel des institutions européennes le Fonds stratégique européen mentionné ci-dessus. Il devra être convenablement transparent et contrôlé, tant dans son fonctionnement global que dans le choix des opérations qu'il financera.
L'Union européenne dispose à cet égard de quelques précédents, notamment les financements de la recherche/développement. Les procédures n'en sont pas sans défauts, mais les Etats européens seraient suffisamment experts et intègres pour assurer une sécurisation du système ici proposé, malgré l'ampleur nouvelle de l'ambition( Le Fonds garantira par exemple un rendement de 3.5% environ aux investisseurs, pour des prêts à durée illimitée , mais remboursables sous certaine conditions (à l'exemple des TSDI ou titres subordonnés à durée indéterminée ). Le financement sera réservé à l'économie réelle, au profit de projets offrant le maximum de valeur ajoutée intellectuelle ou technique. En outre, les intérêts perçus pourront être défiscalisés.
On pourrait dire d'une autre façon qu'il s'agirait de proposer une rente perpétuelle contre des investissements d’intérêt national européens. La rente pouvait être défiscalisée, à un taux correct, par exemple 4 ou 5% annuels.
Par ailleurs, l'Europe se devant pour sa propre stabilité de financer le développement d'investissements productifs au Maghreb et en Afrique subsaharienne, des fonds d'investissements analogues pourraient être proposés, en liaison avec le Fonds européen, à certains de nos voisins africains, mais cette fois-ci plus directement investis dans des PME à caractère industriel et commercial, avec également un avantage fiscal éventuel à la clé pour les investisseurs.