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Billet de blog 22 mai 2016

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Déploiement en Europe du système balistique américain Aegis

Aegis permet des attaques balistiques de première frappe contre la Russie.

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Image. Un Standard Missile Three (SM-3) tiré depuis le système de lancement vertical du croiseur USS Lake Erie (CG 70) de classe Ticonderoga.

Or lors de la rencontre avec les gouvernants de Suède, du Danemark, de Finlande, d'Islande et de Norvège, le 13 mai à Washington, Barack Obama a dénoncé « la présence croissante et la posture militaire agressive de la Russie dans la région baltique/nordique », en réaffirmant l'engagement des États-Unis pour la « défense collective de l'Europe ». Cet « engagement » consiste à développer et moderniser le Ballistic Missile Defence Système in Europe (BMDE) depuis longtemps dénoncé par les Russes comme un système destiné à rendre une frappe russe en retour impossible en cas d'une première frappe nucléaire américaine, fut-elle tactique.

Or les naïfs avaient cru que confronté aux réductions budgétaires, le DOD (Department of Defence) américain avait mis le BMDE en sommeil. Seuls paraissaient devoir rester actifs les missiles du Système Aegis embarqués sur 4 navires lance-missiles croisant au plus près des côtes russes. En fait, le DOD n'avait en rien renoncé. Des bases Aegis BMDE à terre sont beaucoup plus fiables que celles embarquées. Il faut donc assurer leur déploiement.

C'est ainsi que le 12 mai, sur la base aérienne de Deveselu en Roumanie a été inaugurée la « Aegis Ashore », installation terrestre du système de missiles Aegis des États-Unis. Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg —présent à la cérémonie avec le vice-secrétaire à la Défense Robert Work et le Premier ministre roumain Dacian Ciolos— a remercié les États-Unis parce qu'avec une telle installation, « la première de son genre avec une base à terre », ils accroissent notablement la capacité de « défendre les alliés européens contre des missiles balistiques de l'extérieur de l'aire euro-atlantique », autrement dit provenant de Russie.

Il a ensuite annoncé le début des travaux pour réaliser en Pologne une autre « Aegis Ashore », analogue à celle qui vient d'entrer en fonction en Roumanie. D'ores et déjà un puissant radar Aegis est installé en Turquie ainsi qu'un centre de commandement Aegis en Allemagne.

Lanceurs Mk41 et missiles SM-3

Les navires et les installations terrestres Aegis sont dotés de lanceurs verticaux Mk41 de Lockheed Martin, c'est-à-dire des tubes verticaux (dans le corps du navire ou dans un bunker souterrain) d'où sont lancés les missiles intercepteurs SM-3. C'est ce qui est appelé « bouclier », dont la fonction est en réalité offensive. Si les USA réussissaient à réaliser un système fiable capable d'intercepter les missiles balistiques, ils pourraient tenir la Russie sous la menace d'une première frappe nucléaire, en se fiant à la capacité du « bouclier » de neutraliser les effets de représailles.

En réalité cela semble difficile actuellement, parce que la Russie et même la Chine sont en train d'adopter une série de contre-mesures, qui rendent impossible d'intercepter toutes les têtes nucléaires d'une attaque américaine de missiles. À quoi sert alors le système Aegis basé en Europe, que les USA sont en train de potentialiser ?

Lockheed Martin elle-même explique ce qu'il en est. Il ne s'agit pas d'un système balistique de défense (BMDE), mais d'un système offensif. En illustrant les caractéristiques techniques du système de lancement vertical Mk 41 —celui qui est installé sur les navires lance-missiles Aegis et maintenant aussi dans la base de Deveselu— elle souligne que Aegis est en mesure de lancer « des missiles pour toutes les missions offensives: anti-aériennes, anti-navire, anti-sous-marins et d'attaque contre des objectifs terrestres ». Chaque tube de lancement est adaptable à n'importe quel missile, y compris ceux de plus grande taille pour la défense contre les missiles balistiques et ceux pour l'attaque nucléaire à longue portée ».

Personne ne peut savoir quels missiles se trouvent réellement dans les lanceurs verticaux de la base de Deveselu ni dans ceux qui sont à bord des navires qui croisent à la limite des eaux territoriales russes. Ne pouvant pas contrôler, Moscou tient pour certain que s'y trouvent aussi des missiles d'attaque nucléaire.

L'inauguration de l'installation de missile américaine à Deveselu peut signifier la fin du Traité sur les Forces nucléaires intermédiaires qui, signé par les USA et l'URSS en 1987, a permis d'éliminer les missiles de bases à terre et de portée comprise entre 500 et 5 500 km : les SS-20 basés en URSS, les Pershing 2 et les Tomahawk américains basés en Allemagne et Italie.

Si la Russie installe en retour des bases de missiles capables d'atteindre l'Otan en Europe, on ne pourra pas lui reprocher , selon les termes d'Obama, de développer une « présence croissante et une posture militaire agressive dans la région Baltique/Mer du Nord ». Qui aura commencé?

Quoiqu'il en soit, il est alarmant de constater que ni l'Allemagne ni la France, membres de l'Otan, n'émettent la moindre protestation contre ce déploiement offensif visant la Russie.

Pour en savoir plus

Wikipedia SM3 https://fr.wikipedia.org/wiki/RIM-161_Standard_Missile_3

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