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Billet de blog 3 septembre 2014

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Mediapart, Hollande, Gayet, Trieweiler, et Macron

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Illustration 1

Mediapart embraye sur le livre de Mlle Trieweiler. Mais les deux articles qui lui sont consacrés ne sont pas comparables.

La meilleure façon d'accueillir le bouquin de Mlle Valérie Massonneau-Trierweiler est bien sûr de l'ignorer.
J'espérais donc avec impatience une absence de réaction de Mediapart.
Non sans inquiétude cependant, puisque les commérages du magazine Closer, le 10 janvier dernier, avaient suscité des articles de Mediapart, qu'on devinait amer de ne pas avoir tiré parti avant Closer de cette relation qu'il connaissait.
Edwy avait d'ailleurs tenu à s'en expliquer le 15 janvier, dans une intervention à moitié convaincante :  Mediapart, le Président et sa vie privée

Après avoir participé à la formidable publicité gratuite faite à Closer, l'un des canards les plus inutiles de la presse française, Mediapart allait-il récidiver en faisant de la pub à Paris-Match ?
Las, voilà qu'il consacre ce jour deux articles au bouquin de Mlle Trierweiler.

1 - A la une : Une monarchie néolibérale.

Bien entendu, l'auteur veut justifier son choix : "On aimerait donc se moquer et surtout ignorer les comportements privés du chef de l'État s'ils ne faisaient écho à certains de ses comportements publics dans cette autre relation, celle qu'il entretient cette fois avec l'opinion publique et tout particulièrement avec l'électorat de gauche et ses représentants." Il prétend mettre en relation le comportement privé de François Hollande et son comportement politique : "L'indifférence de l'homme, l'insincérité voire le mensonge, la distance et les calculs d'opportunité, les double et triple fonds". Il accorde ainsi crédit à un livre règlement de compte écrit sous le coup d'une déception sentimentale, tout en prétendant ne pas s'attacher à "la véracité même des faits relatés".

Bref, le président Hollande aurait trompé ses électeurs comme il a trompé sa compagne.
Mise en relation absurde : le comportement privé de François Hollande est celui d'un homme, même s'il met à profit son statut politique, alors que son comportement politique n'est nullement celui d'un homme seul, mais derrière lui d'un système, avec une équipe, un gouvernement, un parti, des médias, et surtout un puissant lobby à l'échelle française, européenne et mondiale.

Pourtant, l'auteur de l'article est François Bonnet, journaliste de qualité, un des fondateurs de Mediapart. On va dire qu'il s'est laissé emporter par la rancœur et l'amertume que peut susciter M Hollande auprès de tant d'hommes de gauche...
S'il faut s'intéresser au contenu d'un livre règlement de compte, c'est plutôt à celui de Cécile Duflot.

2 - L'autre article est Hollande-Trierweiler, cruel miroir des relations entre médias et politiques.

Il est tout à fait différent du précédent, car il ne fait aucunement allusion au contenu du livre de Mlle Trierweiler ou à ce qui en est paru dans la presse. Non, cet article vise seulement à épingler "le malsain mélange des genres entre médias et politique, tel qu’il se pratique si facilement en France."
En ce sens, cet article, lui, est tout à fait légitime. Il vise à prendre du recul sur la publication du livre et sa médiatisation, sans chercher à reprendre ce qu'il contient.

L'auteur est Dan Israël, qui a collaboré durant 5 ans à Arrêt Sur Images, le site qui justement s'est donné pour vocation de prendre du recul vis-à-vis des médias.
Pour aller dans son sens, on observe que les médias français, non contents de n'avoir pas les qualités des médias anglosaxophones, s'en octroient maintenant les défauts. Fût-ce en reprenant les sujets de la presse-poubelle au troisième degré, en prétendant ne pas les reprendre tout en les reprenant.

Bien entendu, ce genre de sujet pose en dernière analyse un paradoxe insoluble : causer d'une affaire pour dire qu'il n'aurait pas fallu en causer, c'est en causer. Même paradoxe que pour l'affaire Dieudonné.
Paradoxe dont par chance je suis à l'abri, puisque je ne suis ni journaliste ni homme public.
 

En revanche, les amitiés de M Hollande avec Emmanuel Macron, voilà un vrai sujet de réflexion.

Notre business-friendly nouveau ministre de l'Économie est certainement non seulement une tête bien pleine, mais aussi un bon communicant.
Et il part avec la bénédiction des médias économiques anglosaxons "libéraux", ceux qui dès le départ ont soutenu la ligne de Mr Reagan et de Mrs Thatcher (oui, "Macron" est le quasi anagramme de "Cameron").

Outre-Atlantique, le puissant Wall Street Journal lui a déjà consacré plusieurs articles, dont "Une meilleure Macron-économie française" (Better French Macron-Economics).
Bon, la "Macron-économie", il fallait bien que quelqu'un la fasse, et c'est plus euphonique en anglais qu'en français.
Hommage lui est rendu pour sa remise en cause de la semaine de 35 heures, "clé de voute du dysfonctionnement de la politique économique française".
Car c'est bien connu, dans notre cher monde globalisé, on ne saurait être compétitif sans s'aligner sur les 18 heures de travail par jour qu'effectuent sans rechigner les travailleurs de Chine ou du Bengladesh.  

Outre-Manche, le Financial Times salue le remplacement de Mr Montebourg, le "ministre boutefeu" (firebrand minister), par Mr Macron, le "socio-démocrate libéral décomplexé" (unashamed liberal social democrat).

Illustration 2

Et The Economist titre "Adieu, Cuba à la française" (en français dans le texte), quelques jours après que son chroniqueur pour l'Europe, Tom Nuttall, a titré sous son pseudonyme de Charlemagne "La fin de la politique à la cubaine ?" (No more Cuban-style policies?). Ce dernier indiquait que la mission de M Macron lors de son passage à l'Elysée comme secrétaire général adjoint avait été "d'écarter le gouvernement Hollande de sa paléo-pensée [paleo-thinking] pour le ramener vers une forme plus moderne de social-démocratie". On aura compris qu'il peut n'y avoir que d'un côté, les zélateurs de TINA, et de l'autre, les néandertaliens.

Cette référence à Cuba se rapporte à la réaction attribuée à Emmanuel Macron lors de l'annonce en 2012 par le candidat Hollande de sa proposition de créer une tranche d'imposition à 75 % pour les revenus dépassant 1 million d'euros par an : "C’est Cuba sans le soleil !". (NB : en fin de compte, cet impôt ne s'appliquera qu'aux rémunérations supérieures à 1 M€ versées par les entreprises).
Remercions donc le président Hollande : sans cette sage décision, les États-Unis s'apprêtaient sans doute à décréter contre la France le même embargo qu'à l'égard de Cuba.

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