Les élevages de lapins en France
- 20 nov. 2020
- Par Jean-Paul Richier
- Blog : Pour un monde un peu moins pire
L'émission Complément d'Enquête du 12 novembre 2020, consacrée à la question controversée de possibles effets sanitaires de la 5G(*), débute par un reportage sur un gigantesque élevage de lapins à Saint-Longis, dans la Sarthe.
Le commentaire nous dit :
"Depuis 30 ans, Patrick Pilon est au petit soin pour ses animaux. Trente mille paires d'oreilles qui grossissent à vue d'œil dans ses cages".
On voit plus loin Patrick Pilon tout sourire faire des papouilles à un lapin, et encore plus loin, en refermant des box, nous faire le coup d'un angélique "Au revoir, mes p'tits lapins !"
Tu parles ! Cet éleveur cultive ses lapins comme s'il s'agissait de carottes. On comprend mieux pourquoi on appelle l'élevage de lapins "cuniculture"...
A ceci près que les lapins sont des mammifères pourvus d'un cerveau, et peuvent éprouver de la souffrance dès lors qu'ils sont soumis à ces conditions de vie infernales. Chaque box métallique semble faire environ 40 x 80 cm, pour donc 7 lapins, qui vivent les pattes sur des grillages, nourris et abreuvés par des machines, sans pouvoir se dresser, bondir, creuser, ronger...
Et on peut penser que, sachant qu'il allait accueillir une équipe TV, l'éleveur a fait en sorte de nettoyer ses box pour qu'il n'y a pas de traces de sang ou d'excréments.
Patrick Pilon a fait appel à Olivier Ranchy, "géobiologue" délégué par la Chambre d'Agriculture des Pays de la Loire, qu'on entend dire :
"Et donc en fait, ce qui se passe, c'est que les ondes arrivant dans les cages métalliques, ça met du stress sur les animaux. Et donc moins de performance, ils mangent moins, et puis il y a des animaux qui ont une immunité tellement faible que derrière, eh ben, ils peuvent crever".
Du stress sur les animaux ? Et le fait que ce lapins vivent à 7 sur des grillages de 0,3 m2 sans pouvoir exprimer leurs comportements naturels, ça ne saurait être un facteur de risque ?
D'ailleurs la surmortalité des lapins élevés en cage sur le mode intensif est une constante, pas besoin d'invoquer la 5G.
Toujours est-il que, lorsqu'on apprend en fin de documentaire que Patrick Pilon a dû mettre la clé sous la porte, on ne peut qu'éprouver un sentiment de soulagement. Et on espère que jamais il ne pourra se remettre à l'œuvre dans ce domaine.
C'est exactement cette manière de traiter les animaux d'élevage qui déconsidère le monde agricole français aux yeux de l'opinion publique !
En tout cas remercions l'équipe de Complément d'Enquête d'ajouter ainsi un document vidéo à ceux de L214 ! Les deux derniers documents visuels de L214 sur les élevages industriels de lapins remontent à août 2019 (à Nueil-les-Aubiers, dans les Deux-Sèvres) et à septembre 2020 (à Augan dans le Morbihan). Ils avaient été relayés par les médias, par exemple Francetvinfo ici et là.
En France, la quasi-totalité des 30 millions de lapins "produits" sont élevés en batterie de cages.
Les ONG de défense animale attirent depuis des années l'attention sur ces conditions, qu'il s'agisse d'ONG abolitionnistes comme L214 ou welfaristes comme CIWF.
Et l'EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), à la demande de la commission AGRI du Parlement européen, a récemment mené une étude d'évaluation, parue début 2020. Ses conclusions sur les répercussions de l'élevage en cages conventionnelles sur le bien-être des lapins sont accablantes.
(*) NB : Le sujet de la 5G, qui mérite en lui-même d'être abordé, constitue un tout autre domaine de réflexion. Sur ce sujet comme pour tant d'autres, d'un côté les thuriféraires ultra-libéraux de la 5G dans un monde globalisé, et de l'autre côté les anti-5G en mode complotiste dénonçant le Nouvel Ordre Mondial, constituent les deux faces d'une pièce qui verrouille toute analyse rationnelle.
Cependant, sans être complotiste, on peut observer que l'OMS s'appuie sur une institution comme l'ICNIRP, qui apparaît fort liée à l'IEEE, laquelle produit des "études" tout en étant explicitement liée à l'industrie des télécoms, et qui d'une manière générale pourrait être l'objet de maints conflits d'intérêts.
La question des possibles répercussions des champs électromagnétiques sur la santé, et de la 5G en particulier, mérite donc d'être abordée scientifiquement, notamment quant à la délicate question des méthodologies. Voir par exemple cette récente revue de la littérature publiée en septembre 2019 (en libre accès, mais of course en angliche).
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