Arnaud Montebourg est remplacé par Emmanuel Macron ?
Et alors, vous vous attendiez à quoi de la part de notre président social-libéral ?
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Arnaud Montebourg est débarqué par Manuel Valls, alors que celui-là avait obtenu lors des primaires socialistes, en 2011, trois fois plus de voix que celui-ci.
Le nouveau ministre de l'Économie, Emmanuel Macron, jeune (36 ans) surdoué qui voit grand, est le chouchou des grands patrons et des banquiers. La personnalité de cet énarque est sûrement complexe, comme celle de tous les surdoués, mais on retient qu'il a travaillé à la banque d’affaires Rothschild & Cie, en tant que directeur aux affaires financières à partir de 2008, et en tant que gérant à partir de 2010. Puis il est devenu dès mai 2012 secrétaire général adjoint de l'Élysée, tenant le rôle d'un "Monsieur économie" de François Hollande (et ayant été dit-on l’un des inspirateurs du "pacte de responsabilité").
Mais bon, avoir mariné dans la finance privée (et pouvoir y retourner un jour…) semble être à notre époque la condition pour occuper des postes-clés dans les institutions financières publiques.
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Prenons l'exemple de ce qu'on appelle, depuis l'accord de financement de la dette grecque en 2010, la "troïka", c'est-à-dire la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international.
- Le président de la Commission européenne sera, d'ici deux mois et pour une durée de 5 ans, Jean-Claude Juncker. Il n'a certes jamais travaillé dans le milieu financier proprement dit, mais a été chef de gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg de 1995 à 2013. Le Luxembourg est de notoriété publique un centre financier offshore (un paradis fiscal), qu'il s'agisse du classement d'ONG comme Tax Justice Network ou d'institutions comme l'OCDE. Un volume lui avait été consacré en 2002 dans le rapport de l'Assemblée nationale sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux en Europe, dont le rapporteur n'était autre... qu'Arnaud Montebourg.
- Le président de la Banque centrale européenne est Mario Draghi, depuis novembre 2011 et pour une durée de 8 ans. Avant d'être nommé gouverneur de la Banque d'Italie par Silvio Berlusconi en janvier 2006, il a été de 2002 à 2005 vice-président de la branche européenne de la banque d'affaires américaine Goldman Sachs. Cette banque a de notoriété publique contribué à la crise des subprimes en fabriquant des produits dérivés financiers (elle a payé pour cela plus d'un demi-milliard de dollars d'amende), et a aidé la Grèce à dissimuler son déficit public grâce à des transactions de swaps. Sans compter d'autres malversations pour lesquelles elle a dû payer 0,8 milliard de dollars d'amende en juillet dernier.
- La présidente du FMI est Christine Lagarde, depuis 2011 et pour une durée de 5 ans. Avant d’intégrer le gouvernement Raffarin en 2005 puis d'être ministre de l'Économie du gouvernement Fillon de 2007 à 2011, elle avait été durant 5 ans présidente du cabinet d'avocats d'affaires Baker & McKenzie. L’une des activités majeures de ce cabinet est ce que le monde des affaires appelle du doux nom d'"optimisation fiscale". En 2011, l’année où Mme Lagarde est passée à la tête du FMI, Baker & McKenzie conseillait la Jamaïque pour devenir un havre de blanchiment fiscal.
Les exemples sont foison en France aussi. Ainsi, pour citer deux exemples de revolving door dans l'autre sens :
- Éric Dussoubs, qui a fait Sciences Po et l'ENA (et où il enseigne), a été auditeur puis conseiller référendaire à la Cour des comptes, où il a été début 2013 rapporteur de l'étude sur Les prélèvements obligatoires et les entreprises du secteur financier (qui visait à donner un avis public sur les impôts et cotisations des banques et des assurances). Puis en mai 2013, il a été embauché comme directeur de gestion de patrimoine par HSBC, le deuxième groupe bancaire mondial. HSBC a quelques casseroles de blanchiment d'argent encore très collantes, dans le monde et dernièrement en Europe.
- Marie-Anne Barbat-Layani, qui a fait elle aussi bien entendu Sciences Po et l'ENA, a été Inspectrice générale des finances, avant de devenir début 2014 directrice générale de la Fédération bancaire française, le lobby bancaire de notre pays.
Bien sûr, tout ceci ne relève pas du délit de pantouflage, même revu par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique
Et on connaît l'argumentation des néo-(ou des socio-) libéraux : "Ah, ben faut bien des gens qui connaissent le terrain de la finance, hein !"
N'empêche que ça fait bizarre, bizarre…
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Bon, saluons donc le président François Hollande et son Premier Ministre Manuel Valls, qui savent si bien se positionner dans le monde actuel tel qu'il est.
Et en plus leurs spin doctors leur ont conseillé quoi faire pour détourner le débat. En effet, en nommant à l'Éducation nationale, à quelques jours de la rentrée, Najat Vallaud-Belkacem, François et Manuel espèrent sans doute susciter des vagues droitières qui vont occuper les médias. Vallaud-Belkacem est comme on sait dans le collimateur de la droite réactionnaire pour son engagement en faveur des couples homosexuels et son soutien aux ABCD de l'Égalité à l'école.