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- Pourquoi Hollande a choisi Valls pour remplacer Ayrault ?
- Tous les médias te l'expliquent (alors qu'ils étaient incapables de le prédire hier encore, mais bon…) : parce que Valls, même s'il a baissé, reste le moins impopulaire des hommes politiques de gauche dans les sondages.
- Au fait, quel est l'homme politique le plus populaire, en France ?
- Devant Manuel Valls, c'est Alain Juppé.
- Ben dis-donc, quand je pense qu'il avait battu des records d'impopularité comme Premier ministre fin 1996 !
- Sûr ! Il n'avait plus que 22% d'opinions favorables, score même pas égalé dernièrement par JM Ayrault et ses 25 % d'opinions favorables.
- Ça s'explique comment, ça ?
- Bof, je pense que plus un homme politique est éloigné des affaires nationales concrètes, plus il devient populaire. Pareil pour une femme politique : par exemple en mars 2013, les Français désignaient Christine Lagarde comme la première des femmes qu’ils souhaitaient voir jouer un rôle important dans la vie politique française, méconnaissant apparemment ses casseroles rédhibitoires.
- Mais alors, pour Valls, qui est pourtant au devant de la scène ?
- Si sa cote a baissé, force est de reconnaître qu'elle reste particulièrement élevée pour un ministre aux affaires. Preuve que c'est un communicant redoutable. D'après le dernier sondage, publié ce jour, parmi les favoris pour succéder à JM Ayrault, Manuel Valls arrivait en tête (31%), loin devant Martine Aubry (17%), Laurent Fabius (16%), Claude Bartolone (5%) ou Michel Sapin (3%)…
- Tous Français mélangés ?
- Oui.
- Et selon l'orientation politique ?
- Chais pas, j'arrive pas à accéder à l'article du Parisien, même en payant les 0,89 € demandés. En revanche, un sondage du même institut (BVA) donnait à peu près les mêmes chiffres le 9 mars dernier, avec par ordre décroissant Valls (31 %), Aubry (18 %), Fabius (17 %), Bartolone (5 %), et Sapin (4 %). Et là, on avait eu accès aux chiffres selon l'orientation politique.
- Aha ? Et alors ?
- Alors chez les sympathisants de gauche, ça donne : Aubry (37 %), Valls (20 %), Fabius (14 %), Bartolone et Sapin (3 %). Et chez les sympathisants de droite : Valls (41 %), Fabius (21 %), Bartolone (7 %), Aubry (4%) et Sapin (3%).
- Ah ouais, y a pas photo ! Donc si Hollande avait voulu retrouver la confiance des Français de gauche, il aurait nommé Aubry ?
- C'est clair. Mais Aubry et Hollande, ils se blairent tellement pas que ça aurait été quasiment une "cohabitation", alors que Valls a le chic pour se faire mousser tout en faisant mine de servir la soupe à Hollande. Et puis Aubry est un peu brut de décoffrage, alors que Valls est un sacré bon communicant.
- Et il plaît aux femmes !
- Mmh ?
- Ben oui, en juin 2013, la revue Elle publiait un sondage qui consacrait Valls comme homme politique français le plus sexy. Celui avec lequel le plus de femmes auraient souhaité avoir une aventure estivale (si elles étaient célibataires, hein !)
- Ouais… Toujours aussi passionnantes, les revues féminines !
- Ah, y avait aussi des questions qui pourraient s'appliquer métaphoriquement à la situation actuelle : c'était aussi l'homme politique auquel les femmes auraient fait le plus confiance pour les consoler en cas d'un gros chagrin d'amour, et celui auquel elles auraient fait le plus confiance pour les sauver si elles étaient bloquées par les flammes d'un incendie !
- Tu parles ! Toutes tendances confondues ?
- Quand même plus chez les femmes de gauche que chez celles de droite !
- C'est pas le cas d'Aubry, en tout cas. Aubry et Valls , ils peuvent pas non plus tellement se blairer !
- Tu m'étonnes ! Martine Aubry c'est l'aile gauche du PS, Manuel Valls c'est l'aile droite, qui avait soutenu la candidature de DSK aux primaires du PS jusqu'à l'affaire du Sofitel. Aubry, c'est celle qui a mis en place les 35 heures, Valls est un partisan du détricotage des 35 heures.
- Valls est à droite sur le plan économique, pas seulement sur le plan sécuritaire ?
- Évidemment, économique. Le plan sécuritaire, j'ai envie de dire qu'on s'en fout, dès lors que ça ne s'accompagne pas d'une idéologie xénophobe. A la limite, si ça peut prendre des voix à la droite et l'extrême-droite…
- Il sait jouer des médias, Valls, en tout cas.
- Et comment ! D'ailleurs ça fait des années qu'il les utilise quitte à prendre le contre-pied des positions communes du PS. Et ça irrite pas qu'un peu, au PS. Tiens, Aubry lui avait adressé en juillet 2009 une lettre ouverte où elle précisait notamment : « On ne peut utiliser un Parti pour obtenir des mandats et des succès, en s'appuyant sur la force et la légitimité d'une organisation collective, et s'en affranchir pour exister dans les médias à des fins de promotion personnelle. On n'appartient pas à un Parti pour s'en servir mais pour le servir. »
- Effectivement. Et malgré ça il a continé à faire son chemin ?
- Rappelons quand même que lors des primaires socialistes en octobre 2011, il s'était retrouvé dernier des candidats PS, avec 5,6 % des suffrages au 1er tour !
- Et Aubry ?
- Aubry 30,4 % au 1er tour, contre Hollande à 39,1 %. Et 43,4 % au 2e tour, contre Hollande à 56,5 %.
- Ben dis-donc ! Et c'est quand même Valls qui s'est retrouvé au poste clé de l'Intérieur une fois Hollande élu ?
- Eh oui ! Ces chiffres n'ont pas empêché Hollande, une fois adoubé candidat PS, de confier à Valls le poste stratégique de directeur de la communication pour sa campagne présidentielle, puis, une fois élu, de lui confier le porte-feuille de l'Intérieur, vu l'intérêt de l'ancien député-maire d'Évry pour les questions de sécurité.
- Et maintenant, Valls Premier ministre !
- C'était sur le feu depuis un bout de temps. Tiens, dès octobre 2012, le Nouvel Obs, qui connaît bien le petit monde socialiste, titrait "Manuel Valls, le vice-président".
- Certains pensaient qu'Hollande n'allait pas faire la courte-échelle à un politicien aussi redoutable que Valls, qui ne peut que lui faire de l'ombre ?
- C'est vrai. Mais là, Hollande n'a plus rien à perdre. Il est grillé de chez grillé. De toute façon, il est pris entre le marteau des protestations de son corps électoral et l'enclume de la gouvernance économique et budgétaire de Bruxelles. Surtout depuis le TSCG, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, et le"two packs", entrés respectivement en vigueur en janvier et en mai 2013.
- Houlà, ça devient trop compliqué pour moi !
- Mais si, on a suffisamment causé du tournant social-libéral dévoilé par Hollande fin 2013-début 2014, confirmant qu'il privilégiait l'enclume bruxelloise. Donc de toute façon, Aubry, ça pouvait pas le faire. Et la France (avec la Slovénie !) est le pays de la zone euro dans le collimateur de la Commission Européenne, qui leur a enjoint par sa communication du 5 mars dernier de veiller à corriger leur déficit. La France doit présenter fin avril à la Commission ses engagements dans le cadre du Pacte de Stabilité et de Croissance et du Programme National de Réformes, et si…
- Arrête, j'ai mal au crâne !
- Ouais, je sais. Ça le fait à tout le monde. A moi le premier, d'ailleurs. C'est pour ça qu'on se fait rouler dans la farine à longueur de temps : on entrave que dalle.
- Tiens, cause-nous plutôt de corrida, ça fait au moins cinq minutes que t'en as pas causé.
- Bof, sur Valls et la corrida je vais pas radoter, cf par exemple ici ou là.