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Billet de blog 3 juin 2009

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En Chine, le 4 juin est un jour qui n’existe plus

Par Francesca Cini, spécialiste de Hong Kong: Il y a vingt ans, sur tous les écrans de télévision, nous avons vu les chars sur la place Tiananmen. Grâce à la visite de Gorbatchev, les journalistes de la terre entière étaient à Pékin et ont pu filmer en direct les manifestations de la population pékinoise et la répression du régime.

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Par Francesca Cini, spécialiste de Hong Kong:

Il y a vingt ans, sur tous les écrans de télévision, nous avons vu les chars sur la place Tiananmen. Grâce à la visite de Gorbatchev, les journalistes de la terre entière étaient à Pékin et ont pu filmer en direct les manifestations de la population pékinoise et la répression du régime.

En 2005, un petit court métrage tourné à l’Université de Pékin le 4 juin montre que la plupart des étudiants n’osent même pas répondre à la question « Quel jour nous sommes aujourd’hui ? »

Le 4 juin est oublié, ou censuré en Chine. Depuis quelques semaines les intellectuels les plus critiques du régime sont envoyé « en vacances », les blogs insolents sont bloqués, la place Tiananmen est patrouillée et les journalistes étrangers interpellés, et empêchés de filmer.

En occident on en parle dans la presse, mais gouvernements et citoyens ne semblent plus considérer cela comme un issue. La chute du mur de Berlin et le 11 septembre parmi d’autres évènements ont attiré depuis l’attention des gens.

En France, Solidarité Chine, Amnesty International, la FIDH, l’ACAT, la LDH, ECPM et RSF appellent à la veillée rituelle le 3 au soir à l’Esplanade des de droits de l’homme et à une commémoration le 4 à la Maison des Métallos mais on n’attend qu’une petite participation.

Pourtant le 4/6 a davantage changé la Chine que le 11/9 n’a transformé les Etats-Unis.

C’est justement ce changement qui a porté les gouvernements de la terre entière à oublier Tiananmen pour plaire à leurs collègues du gouvernement chinois. Dernière de la liste, l’administration américaine, dont la « capitulation » est d’autant plus exemplaire qu’elle a été effectuée par la plus fervente défenseuse des démocrates chinois. Nancy Pelosi, jusqu’à hier ennemie n.1 du PCC, s’est rendue en Chine la semaine dernière, à quelques jours de l’anniversaire du 4 juin 1989, et n’en a pas parlé.

Seule exception Hong Kong, ce petit coin du monde qui a toujours été et reste, depuis environs 160 ans, la conscience, le laboratoire, le moteur et le refuge de la grande Chine.

La semaine dernière, la publication des mémoires de Zhao Ziyang, Secrétaire général du Parti limogé le 19 mai 1989 et condamné à passer le reste de sa vie en résidence surveillée, a réussi à attirer l’attention des médias et les livres ont disparu des librairies en quelques heures.

8000 personnes ont manifesté dimanche pour demander la révision du verdict que Pékin a donné sur les manifestations. Lundi l’ex-évêque de Hong Kong, le cardinal Zen s’est joint à cette demande et les plus grands sinologues mondiaux, venus des Etats-Unis, de France, du Canada et d’Australie, se sont joints à leurs homologues hongkongais pour tenter d’analyser l’impact du mouvement sur les différents aspects du changement chinois qui fascine tant la terre entière. Last but not least, un groupe de jeunes étudiants a entamé une grève de la faim pour montrer que la jeune génération, elle non plus, n’oublie pas.

Jeudi soir des dizaines de milliers d’hongkongais, se réuniront à Victoria Park pour une veillée pour les morts de Tiananmen. Du grand-père au petit dernier ils allumeront leur bougie dans le parc, dans le calme et dans le recueillement pour célébrer ce qui est devenu une date historique à part entière de l’histoire de Hong Kong.

Quant aux anciens leaders de Tiananmen, éparpillés aux quatre coins du monde, ils publient leurs mémoires, comme Cai Chongguo en France, incitent les Chinois du continent à s’habiller en blanc en signe de deuil, comme Wan Dan depuis Taiwan, essaient de rejoindre Hong Kong depuis la Chine, comme Chen Ziming, sans succès.

Les Chinois du continent ignorent, ils ont peur ou ils s’en moquent.

Mais au-delà des choix personnels des chinois, une chose nous laisse rêveur.

Comment un pouvoir aussi fort, rayonnant, sûr de lui, et qui arrive à amadouer tous les puissants de ce monde peut-il nier un évènement de son histoire prouvé par tant d’images et témoignages ? Il aurait peut être peur d’une « poignée de contre-révolutionnaires » ? Où ce n’est qu’un « tigre en papier »que seul le peuple de Hong Kong a le courage de défier ?

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