Le 24 juin, on a appris l’inculpation de Liu Xiaobo, pour «incitation à la subversion du pouvoir d’Etat». Son épouse a reçu le mandat, et dans la foulée, les agents de la Sécurité publique lui ont annoncé que son avocat Mo shaoping ne pouvait pas le représenter. On avait appris dès le mois de décembre que les autorités le considéraient comme un complice puisqu’il avait signé la Charte 08, ce texte réclamant l’instauration d’une véritable démocratie en Chine, qui serait à l’origine de l’arrestation de Liu Xiaobo. Dans cette affaire, les autorités ne cessent de violer leur propre légalité.
Le pouvoir veut sans doute faire taire les signataires de la Charte et mettre un terme à ce mouvement en sévissant contre celui qu’ils considèrent comme son principal instigateur. Il semble cependant que cela ne soit pas très efficace.
Au lendemain de l’enlèvement de Liu par la police en décembre dernier, douze intellectuels avaient signé une lettre de solidarité avec lui. Aujourd’hui, au lendemain de son inculpation, ils sont cinquante à signer une nouvelle lettre collective adressée à l’Assemblée Populaire nationale et à la conférence politique consultative du peuple chinois. Dans ce texte, ces professeurs, chercheurs, journalistes et anciens cadres du Parti rappellent des évidences : « chacun sait que le Dr Liu Xiaobo a toujours vécu sous une surveillance étroite, que chacune de ses actions était observée. Les nombreux articles de Liu que l’on a pu lire, ont donc, de fait, été autorisés. On peut donc tout à fait affirmer que ses déclarations et ses actes ne peuvent avoir enfreint la loi...sinon, il y a longtemps qu’il n’aurait plus pu écrire... Le Docteur Liu Xiabo est accusé d’un délit d’opinion, il ne peut pas exprimer librement ses points de vue, et cela signifie qu’aucun de nous ne peut exprimer son opinion publiquement. Le fait qu’il soit enfermé parce qu’il a exprimé des opinions critiques signifie que chacun d’entre nous a la bouche scellée. ». A la fin de leur lettre, les signataires demandent sa libération immédiate. Il est rare que des citoyens chinois réagissent aussi vite à une arrestation pour délit d’opinion. Cela montre bien que les violations des droits de l’Homme ne passent plus inaperçues en Chine.
Depuis le début de l’année, le Parti, dont la presse ne cesse de nous dire qu’il sort renforcé de la crise économique, multiplie les mesures de répression contre ceux qui osent le critiquer.
Dès la fin 2008, une directive confidentielle a annoncé à toutes les universités qu’il n’était pas question d’organiser une quelconque conférence, colloque, séminaire pour réfléchir sur les soixante ans d’histoire de la République populaire.
A la fin du mois de mai, on a appris qu’au moins vingt avocats défenseurs des droits de l’homme se sont vu refuser le renouvellement de leur licence . A la veille du 4 juin, date du massacre de 1989, les personnes soupçonnées d’être proches de la dissidence étaient soit envoyées en « voyage touristique », soit suivis dans tous leurs déplacements par une dizaine de policiers en civil. Toutefois, la police n’est pas toute-puissante et le 10 mai, des intellectuels ayant participé au mouvement de 1989 se sont réunis dans la banlieue de Pékin pour réfléchir au sens de ces événements et ont publié leurs réflexions sur le net. La Sécurité publique n’en avait rien su. Mais une telle réunion ne menace pas le pouvoir du Parti.
Alors pourquoi les dirigeants chinois font-ils preuve d’une telle nervosité ?
Il est certain qu’aujourd’hui, les rapports entre les citoyens et la police sont tendus, comme l’ont montré les émeutes de Shishou à la fin de la semaine dernière. Les mouvements d’indignation sur l’internet sont fréquents et parfois, le pouvoir doit reculer sous la pression de l’opinion, comme ce fut le cas récemment lorsqu’il décida de libérer (sans toutefois l’innocenter) la pédicure qui avait tué un cadre qui lui faisait des avances insistantes.
Le pouvoir craint-il que les idées de la Charte 08, qui réclame l’indépendance de la justice, ne contaminent les citoyens ordinaires ?
L’inculpation de Liu Xiaobo montre qu’au plus haut niveau on s’inquiète de plus en plus des facteurs d’instabilité. A la veille des grands anniversaires les dirigeants chinois sont toujours extrêmement nerveux. Espérons qu’ils ne décideront pas de faire un exemple. Il est encore temps de rendre sa liberté au plus connu des dissidents chinois.
Billet de blog 25 juin 2009
Inculpation de Liu Xiaobo: peut on renverser le pouvoir chinois avec des mots?
Le 24 juin, on a appris l’inculpation de Liu Xiaobo, pour «incitation à la subversion du pouvoir d’Etat». Son épouse a reçu le mandat, et dans la foulée, les agents de la Sécurité publique lui ont annoncé que son avocat Mo shaoping ne pouvait pas le représenter.
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