Aujourd'hui on nous parle de stabilité des institutions à conserver à tout prix, alors que celle qui doit nous préoccuper de toute urgence est celle de notre environnement, et avec elle celle du climat. Regardons autour de nous : cette stabilité-là s'effondre. Nous sommes sur une coquille de noix au milieu de l'océan avec la tempête du siècle -- que dis-je, de plusieurs millénaires qui se lève. Expliquer que dans ces conditions la seule chose qui compte est de maintenir la stabilité du navire, de conserver le cap à tout prix, et de continuer à naviguer droit devant toutes voiles dehors est purement et simplement mortifère. On ne peut pas, par définition, garder stable une embarcation sur un océan déchaîné comme si de rien n'était. Cette stratégie absurde nous conduit tout droit à la catastrophe et fait le sacrifice conscient de toutes celles et ceux -- la majorité d'entre nous, qui n'ont pas de gilet de sauvetage.
Depuis 40 ans la social-démocratie dont fait partie le PS est partie prenante d'une espèce de godille gouvernementale, pour donner un vague coup de barre au centre gauche entre deux coups de barre franchement à droite, pour au final maintenir avec fermeté un cap néolibéral, pour ne pas dire une dérive, où la défense du capital prime sur tout le reste. La stratégie du PS n'est pas seulement une énième et habituelle trahison, c'est avant tout une absurdité politique au sens profond du terme, qui consiste à faire une fois encore passer une hypothétique crise du capital (qui reste encore à démontrer) en priorité absolue devant la crise écologique (qui pour le coup, elle, ne devrait plus être à démontrer). Peu importe alors de se dire "socialiste" ou "écologiste" quand on dénature le sens des mots à ce point !
Et se contenter d'expliquer que la seule alternative possible est de sauter directement à l'eau dans les bras de l'extrême droite consiste à prendre ouvertement les gens pour des imbéciles.
La solution la plus réaliste aujourd'hui est de travailler d'urgence à la robustesse(1) de notre embarcation commune : la rendre la plus réactive et la plus adaptable possible à la tempête. Adapter nos modes de vie, nos systèmes économiques, nos systèmes de pensée. Et peu importe si ça veut dire de jeter la cassette d'Harpagon par dessus bord pour être plus manoeuvrable. Parce que non, le capital et l'économie de marché ne sont pas la priorité absolue ! C'est en fait tout le contraire : sortir de toute urgence du capitalisme n'est plus simplement une question idéologique à débattre dans les salons, mais une question de survie de l'humanité. Et de notre humanité. Que pèse réellement l'intérêt du capital face aux limites planétaires ? Que signifie de s'enfermer dans une logique de croissance infinie quand le rythme de consommation français épuise déjà tous les ans les ressources équivalentes à 3 Terres(2) ? Quelle "stabilité" cherchons-nous à maintenir exactement, et pour quelle finalité ?
Nous devons apprendre à respecter les limites que nous impose la planète, et notre écosystème. "Oui, mais, la dette ! La dette ! Qui va payer ?". Et la dette écologique, qui va la payer ? Quand ? La stabilité de nos ressources naturelles est la seule qui vaille, ou nous finirons comme l'île de Pâques. Et ce danger-là est beaucoup plus effrayant que tous ceux que peut agiter le CAC40 et ses profiteurs. Cessons cette godille macabre au plus vite. Comme disait l'autre, "c'est une question de priorités !".
Références
(1) Hamant, O., Charbonnier, O., Enlart, S. (2025). L' Entreprise robuste : Pour une alternative à la performance. France: Odile Jacob.