Si vous aimez le drapeau tricolore, si la Marseillaise vous fait vibrer et que « ces féroces soldats qui viennent dans vos bras égorger vos fils et vos compagnes » avec ce « sang impur » qui « abreuve nos sillons » ne vous filent pas des boutons, si vous êtes des « gens » ou des « amis » fervents de la « patrie » au point de vous féliciter de la promesse du retour du service militaire, si pour vous l'insoumission est compatible avec le show en continu d'un leader maximo, si vous vous vous éclatez dans ses meetings où des « insoumis » écoutent sagement la parole du maître, si vous vous contentez d'une promesse somme toute bien imprécise et fort peu discutée de la convocation d'une assemblée constituante pour inventer une autre république, si vous croyez dur comme fer que le futur président porteur de cette éden démocratique tiendra son engagement de démissionner aussitôt celle-ci convoquée, si entre les Nuits debout et la France insoumise il n'y a pour vous que l'épaisseur d'uns feuille de bulletin de vote, si vous imaginez qu'une « révolution » « citoyenne » et « pacifique » estampillée légale passera comme une lettre à la poste auprès d'une oligarchie féroce à défendre ses privilèges, si… alors votez Mélenchon !
De la Grèce post Syriza, dans son dernier billet de blog (ICI), l'historien et ethnoloque Panagiotis Grigoriou adresse à ses « amis français » cette boutade « tout à fait hypothétique et imaginaire » : « Jean-Luc Mélenchon est élu et aussitôt il se comporte comme un... François Hollande, pour ensuite ouvertement revendiquer et même imposer, le programme bancocrate et européiste d’Emmanuel Macron (on pourrait imaginer pareillement un cas équivalant à droite, avec Marine Le Pen). Inimaginable dirions-nous tout cela ! » Autrement dit, garder en mémoire vive l'épouvantable trahison d'un Alexis Tsipras et de toute sa clique d'un parti de la gauche dite « radicale » n'impose-t'elle pas à tout citoyen-électeur de gauche la plus élémentaire des prudences ?!... Les leçons du désastre grec ont été tirées, la preuve avec les plans A et B sur l'Europe, nous dit-on. Sans doute, peut-être, mais s'agissant du pouvoir, du pouvoir corrupteur, quid, ici, à gauche ?
Voter Mélenchon, oui, mais certainement pas en « adhérant » à sa vision cocardière et élitiste de la gauche, ni non plus en accordant le moindre crédit à ne serait-ce qu'une seule de ses (meilleures) promesses. Voter Mélenchon parce que la renaissance d'une gauche démocratique et sociale, clairement identifiable comme telle, suppose l'anéantissement du PSisme. Voter Mélenchon parce que, dans le cas malheureusement le plus probable de la victoire d'un de ses candidats (Macron, Fillon voire Le Pen), l'oligarchie devra d'entrée savoir que des urnes à la rue il n'y a qu'un pas. Voter Mélenchon parce que les « insoumis » ne sont pas, dans leur grande majorité, des moutons de panurges, et souvent des acteurs des luttes sociales et démocratiques. Voter Mélenchon parce que s'il était élu sa victoire libérerait une formidable dynamique de contestation et de transformation de la société. Parce que Nuit debout et sa suite n'est pas d'hier mais de demain.