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Billet de blog 11 février 2025

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Du paradis végétal à l’enfer végétal, puis vers les puits de biodiversité

Voici une forêt accomplie avec de grands arbres, un sous-bois idyllique où l’on se promène agréablement, un ruisseau éventuellement, une ombre bienfaisante qui protège du soleil et du vent ; tout ceci donnant une forme de paradis. Végétal. Mais existe-t-il des paradis qui ne soient pas principalement végétaux ?

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Voici une forêt accomplie avec de grands arbres, un sous-bois idyllique où l’on se promène agréablement, un ruisseau éventuellement, une ombre bienfaisante qui protège du soleil et du vent ; tout ceci donnant une forme de paradis. Végétal.
Mais existe-t-il des paradis qui ne soient pas principalement végétaux ?

Puis, les arbres ont été abattus, le terrain saccagé est jonché de branchages sans intérêt sauf pour qui cherche du petit-bois pour allumer le feu, avec des ornières énormes creusées par les engins de débardage ; c’est désormais un espace de déchets, mort, le traverser est une souffrance, il m’évoque les ruines d’une ville bombardée.
La lumière inondant le terrain, les broussailles peuvent commencer à pousser, tous les végétaux que l’ombre des arbres les empêchait s’en donnent à cœur joie, ils recouvrent bientôt tous les déchets qui vont pourrir en alimentant la terre en humus.
Il m'est arrivé de vouloir de dégager de la broussaille ces arbres de haute futaie pour leur permettre de croître selon leur pleine capacité… Que s'est-il passé ensuite ? : Une fois isolé de la broussaille, l'arbre de haute futaie s'est plié parce qu'il n'était plus soutenu par la broussaille. Et il a perdu toute valeur dans sa vocation de « haute futaie ».

Au bout de quelques mois ou quelques années, la broussaille exubérante recouvre tout, elle devient impénétrable, avec ses ronciers et ses ajoncs piquants et monstrueux elle rend l’espace hostile, verrouillé, inaccessible, comme un enfer. Végétal.
On est ainsi passé du paradis végétal à un enfer végétal.

On passe à l’enfer, oui, mais pour les humains et leurs animaux domestiques seulement. Tandis que pour la faune sauvage c’est un paradis : la broussaille impénétrable est pour elle un refuge inexpugnable en terriers et en nids. La broussaille est aussi beaucoup plus productive que la forêt en fruits et racines, beaucoup plus d’oiseaux, d’insectes et de petits animaux peuvent s’y déployer.
La broussaille impénétrable devient un puits de biodiversité.

Pour répondre à notre souci du réchauffement climatique, avant cette broussaille impénétrable, on pourrait disperser quelques graines d’espèces d’arbres résistants à la chaleur et à la sécheresse si elles ne sont pas déjà présentes. La broussaille recouvrirait tout, protégeant la pousse des arbres de haute futaie contre leurs prédateurs sauvages et domestiques. Puis ainsi, sans effort et sans frais, « l’enfer végétal de la broussaille impénétrable » se révèle un atout indispensable à la régénération de nos forêts. Il faudrait tout de même prévoir lors de l’abattage, de garder quelques « arbres mères » pour assurer la permanence des réseaux de racines et de champignons si nécessaires à la bonne santé des forêts.

J’avais déjà imaginé une façon de créer des puits de diversité en pleine ville, en enfermant un espace dans un grillage fin et assez haut pour empêcher toute incursion humaine ou d’animaux domestiques, chiens et chats en particulier, et laisser pousser une flore sauvage telle qu’elle se présente, ce qui nous changerait des « plantes humanisées » des jardins publics. Le grillage remplacerait ici la broussaille impénétrable à la campagne.

Dès qu’on laisse la nature accessible aux humains et à ses animaux domestiques - chiens et chats, mais aussi bovins, ovins, caprins, porcins et volailles, elle est détruite. Et la biodiversité disparaît inexorablement.
La seule manière efficace de la protéger c’est d’empêcher radicalement les humains et leurs animaux domestiques de pénétrer dans ces « espaces protégés prédestinés », car on ne peut l’interdire partout.
Il suffit que les humains désertent un territoire pour que la « nature » retrouve sa santé.

Jean-Pierre Bernajuzan

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