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Billet de blog 15 mars 2019

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4 La démocratie est le pire des systèmes politiques, à l'exclusion de tous les autres

En 2002 après avoir été nombreux à voter contre Le Pen, aux législatives suivantes nous nous abstenons. Pour les législatives, il s'agissait de choisir une politique : laquelle ? L'expérience nous avait montré que la droite et la gauche ne différaient pas sur l'essentiel. La gauche a montré qu'elle gérait aussi bien que la droite, la droite qu'elle ne revenait pas sur les acquis sociaux. Donc..

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Illustration 1

LA DYNAMIQUE DÉMOCRATIQUE - 4 -

  • Résumé des articles précédents :

    De l’unanimité antique, à la majorité qui la représente, puis au XXe siècle la légitimation de la minorité et des partis politiques, le régime démocratique s’est développé dans l’aveuglement de sa propre nature, et dans une longue suite de désenchantements. C’est l’efficacité de la politique qui atteste de sa vérité. Or cette vérité ne peut pas être décidée, ni à la majorité ni autrement. La majorité électorale est arbitraire, quelle qu’elle soit. Elle ne dit donc pas la vérité. Et pourtant, c’est ce système-là qui est le plus efficace. Être démocrate consiste à accepter de se soumettre à « l’arbitraire majoritaire démocratique ».

    La violence de la campagne électorale est symbolique. C’est par cette symbolisation que la violence est maîtrisée. La violence symbolique n’étant pas physiquement réelle, la mort démocratique n’est pas réelle non plus. Le pouvoir démocratique n’est exercé par le vainqueur qu’entre deux scrutins électoraux, le jusqu’au-boutisme violent devient donc inutile et la violence collective est ainsi maîtrisée, la prise des décisions va pouvoir être rationalisée.
Pendant la campagne électorale, les candidats prennent en compte l’arbitraire, les préjugés des électeurs, par la démagogie, pour ensuite, les confronter au réel possible. Les mensonges des politiques ne sont pas les leurs, mais ceux de leurs électeurs. Ainsi, la démocratie est un système de désillusionnement. La vérité démocratique, relative et provisoire, n’est donc pas décidée. Elle est ce qui demeure après nos renoncements.

4 - La démocratie est le pire des systèmes politiques... à l'exclusion de tous les autres

En 2002 après avoir été nombreux à voter contre Le Pen, aux législatives suivantes nous nous abstenons...
Pour les législatives, il s'agissait de choisir une politique... laquelle ?
L'expérience nous avait montré que la droite et la gauche ne différaient pas sur l'essentiel.
La gauche a montré qu'elle gérait aussi bien que la droite ; la droite qu'elle ne revenait pas sur les acquis sociaux.
Donc on ne croyait plus que l'autre camp représentait une menace, on pouvait donc choisir sereinement.
Mais justement ils ne différaient pas : ne différant pas, ils n'apportaient pas de réponse nouvelle, sérieuse, inventive aux problèmes de notre époque. Sachant cela pourquoi choisir, pourquoi faire semblant de choisir :

Nous nous abstenons, parce que nous n'arrivons plus à croire, parce que nous n'arrivons plus à nous faire des illusions.

  • Est-ce illogique ? Est-il malsain de renoncer à nous illusionner ? Non bien sûr ! Il est beaucoup plus malsain de se sur-illusionner en votant pour les extrêmes qui n'essaient même pas de présenter des politiques cohérentes et crédibles.

Le 5 mai 2002, nous avons réaffirmé notre attachement à notre liberté de choix démocratique, à notre société de droits qui permet cette liberté de choix, à la tolérance et au respect des individus et des groupes composants cette société de droits..., non par adhésion positive (les tendances racistes, xénophobes et de rejet de toutes sortes en témoignent).
Mais plutôt par l'horreur que représente l'abandon de cette société, et l'alternative qui en résulterait.
Nous allons vers l'avenir à reculons, nous y allons négativement, plutôt que positivement.
Reportons nous 80 ans en arrière pour mesurer le chemin parcouru...

Ce sont les élus, ces hommes et femmes politiques qui accomplissent cette œuvre fondamentale et personne d'autre. Aussi pourris et menteurs soient-ils, ce sont les élus qui font le travail d'aller chercher les mensonges et les arbitraires des électeurs, pour les confronter à la réalité d'une politique, qu'il leur appartient d'inventer et de mettre en œuvre.
Ils doivent mentir pour représenter le peuple et ensuite, ils doivent « faire » la vérité en menant une politique qui apporte une solution à l'ensemble des problèmes du pays.
Il faut qu'ils tiennent les 2 termes de cette action :
- 1 S'ils disent la vérité, ils ne représentent pas le peuple, ils ne représentent qu'eux-mêmes, et le peuple ne se sent pas concerné par la politique mise en œuvre.
- 2 S'ils tiennent leurs promesses mensongères, ils ne mènent pas une politique efficace, ils ne résolvent pas les problèmes du pays.

  • Se rend on compte de la difficulté de l'exercice ? S'ils ne maîtrisent que l'un des 2 termes, ils ne servent à rien. Se rend on compte de l'intelligente rigueur intellectuelle nécessaire aux politiques pour tenir les 2 termes à la fois ? J'ai l'air de me moquer... Mais non !

Souvent d'ailleurs, ils ne maîtrisent que l'un des 2 termes et se partagent les rôles : l'un gagne les élections par la démagogie, un autre gouverne en vérité, en prenant la réalité en compte.
La Ve République se prêtait bien à cet exercice... Mais Sarkozy a détruit cet équilibre : en présidentialisant le régime, il gouverne par la démagogie et l'électoralisme soumis à la dictature de l'opinion.
Nicolas Sarkozy est un démocrate : puisqu'il se soumet à « l'arbitraire majoritaire démocratique », mais il gouverne en manipulant l'opinion, au lieu de se contenter de le faire pendant la campagne électorale. La présidentialisation qu'il a choisi l'y oblige !
Les politiques les plus dangereux sont ceux qui croient à leurs propres mensonges. La sincérité n'est pas forcément une qualité en politique.
En outre, il faudrait qu'ils soient capables d'inventer une politique efficace. Ça, c'est très rare !
La politique qui sera menée pendant la mandature, sera celle qui aura été approuvée par une majorité électorale, majorité qui aura été obtenue par la démagogie électorale.

En démocratie, c'est le plus démagogue qui gagne l'élection.

Après l'élection, le principe de réalité revient.
Ce n'est pas tant pour tenir leurs promesses ou pour être efficace que les politiques gouvernent, mais plutôt pour ne pas compromettre leurs chances de réélection. Pour cela, il faut que leur politique n'aie pas été trop désastreuse, ou du moins qu'elle n'en ait pas l'air...
Cette attitude a l'intérêt de leur permettre d'assurer la continuité de l'évolution de la société.
Leur hypocrisie n'est pas dommageable, car ce n'est pas la sincérité de leurs discours qui apporte la solution à nos problèmes, mais la « vérité de l’efficacité » de leurs politiques.

Pour mener une bonne politique, il ne suffit pas d'avoir raison, il faut aussi que les citoyens puissent s'approprier cette politique, s'en rendre responsables.

« La démocratie est le pire des systèmes politiques... à l'exclusion de tous les autres ».

Elle est le pire des systèmes :
- parce qu'elle va chercher le pire de la société, pour le traiter ; alors que les autres systèmes ne vont pas le chercher parce qu'ils seraient incapables de le traiter, ce serait très dangereux pour eux, ils le tiennent donc à distance ;
- à l'exclusion de tous les autres, parce que la démocratie, elle, traite et résout le problème…

à suivre…

Jean-Pierre Bernajuzan

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