Jean-Pierre Bernajuzan (avatar)

Jean-Pierre Bernajuzan

Abonné·e de Mediapart

129 Billets

0 Édition

Billet de blog 19 décembre 2025

Jean-Pierre Bernajuzan (avatar)

Jean-Pierre Bernajuzan

Abonné·e de Mediapart

Le désir amoureux contre les désirs

Il m’arrive de rencontrer des personnes dont je déduis qu’elles sont incapables de tomber amoureuses. Or, ces personnes ont des désirs sexuels ou sociaux qui les encombrent au point de les handicaper

Jean-Pierre Bernajuzan (avatar)

Jean-Pierre Bernajuzan

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Mes observations se déroulent sur le temps long et je finis par conclure. Et je me trouve tout étonné de mes conclusions. Ce n’est pas une personnalité particulière qui semble déterminante mais plutôt l’excessivité  des désirs, de quelque nature qu’ils soient, mais qui priment sur tout le reste. Cela peut être les désirs sexuels, mais aussi pour d’autres personnes, des désirs sociaux, de rivalité, de réussite sociale, de désir de se réaliser, de statut social, etc.
J’ai commencé par deviner que ces personnes ne pouvaient pas être amoureuses et ne l’ont pas été, puis je me suis rendu compte qu’elles avaient aussi des désirs très forts de différentes natures.

Quand un désir est très fort, il envahit toute la vie de la personne et la détermine ; elle peut bien donner le change pendant des années, mais à force, ces caractéristiques apparaissent.

Si bien que j’en viens à opposer le désir amoureux au désir dans le comportement de ces personnes. Ne pas pouvoir être amoureux détermine très fortement la vie des personnes, car elles se marient quand même, fondent une famille ou non, et l’engagement matrimonial suivra l’union plutôt qu’il ne la précèdera.
Autrefois, dans beaucoup de milieux sociaux, on ne mariait pas forcément par amour, donc tomber amoureux n’était pas une nécessité mais plutôt un inconvénient puisque cet amour ne concernait pas forcément le conjoint choisi.

Qu’est-ce qui distingue le désir amoureux des autres désirs personnels ?

Quand les désirs personnels priment sur le désir amoureux, le « désirant non amoureux » utilise le partenaire pour assouvir ses désirs, il l’instrumentalise, l’autre n’est pas partie-prenante de ces désirs, il ne les partage pas. Au contraire dans le désir amoureux, l’association du partenaire précède l’assouvissement des désirs qui seront désormais partagés. Ainsi, dans l’union non amoureuse, chacun instrumentalise l’autre à ses propres fins. Mais rien n’est jamais définitif (sauf la mort dans la condition humaine), et le désir amoureux est fluctuant comme les autres désirs. Et les partenaires devront trouver d’autres moyens de vivre ensemble, ou se séparer.

Le désir amoureux apporte (souvent) l’abolition de la solitude

La crainte de la solitude est une motivation profonde des unions matrimoniales, on se marie pour échapper à la solitude en ayant un/e mari/femme et des enfants, solitude personnelle et solitude sociale. Quitte à se fondre dans le conformisme social, mais alors on renonce à l’affirmation de soi. Tout le monde n’a pas la force, a priori, d’être soi face à la société, face au monde, certains peuvent alors choisir de se fondre dans le paysage, ce qui leur évite de s’effondrer psychologiquement. Ainsi, dans le rapport aux autres et dans le rapport amoureux, chacun apporte sa personnalité avec ses forces et ses faiblesses, et il faut faire avec.
Les désirs forts sont une force très importante dans la vie de ceux qui les possèdent mais ils n’abolissent pas la solitude, et leur assouvissement n’apporte pas forcément la quiétude ; puis avec le temps, même ces assouvissements ne semblent plus valables… S’ils n’arrivent pas à renouveler leurs désirs, ils finissent par déprimer, puis renoncer et vivre désormais sans désirs, pour survivre.

Au contraire le désir amoureux permet de surmonter toutes les déceptions car il ne vit pas des assouvissements, mais de la relation partagée avec un/une partenaire, où la marche vers l’avenir est la principale satisfaction quelles qu’en soient les péripéties. C’est la disponibilité à la vie et au monde qui en est la base.

Jean-Pierre Bernajuzan

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.