
Emmanuel Macron ne sait pas être démocrate, comme ses prédécesseurs mais en pire !
La dérive de Macron vers l’autoritarisme n’est pas de sa part, me semble-t-il, une volonté apriori d’autocratisme, mais plutôt une incapacité à concevoir une pratique institutionnelle de la démocratie au stade de développement où notre société en est arrivée.
La société évolue et la démocratie qui la prend en compte aussi. Au niveau d’individualisme auquel nous sommes parvenus, nous avons besoin d’une démocratie capable de le prendre en compte pour être en phase avec notre manière d’être contemporaine.
L’individualisme n’est pas un égoïsme ni une philosophie, il est un statut social où les individus, chacun et tous, sont légitimes sans appartenance à quelques groupes que ce soit, à égalité avec tous les autres individus. C’est l’individualisme qui porte les progrès de l’égalité en se heurtant chaque fois aux défenseurs de l’ancien ordre hiérarchique, donc inégalitaire. Cet individualisme égalitaire est en progression constante, les institutions et la manière de gouverner devrait évoluer pour être efficace dans ce nouveau contexte.
Le dilemme de Macron, qui était aussi celui de ses prédécesseurs, c’est d’arriver à gouverner efficacement dans le cadre institutionnel de la démocratie, et au lieu une évolution de la pratique gouvernementale démocratique, il en revient à une manière plus archaïque qui est forcément plus autoritaire et autocrate. Il faut voir la dérive de Macron dans le processus de l’évolution sociale générale.
Avant lui, Sarkozy a gouverné plus démocratiquement, mais en se plaignant de ne pas avoir eu la faculté de mener un « leadership » efficace, la démocratie l’en empêchant. Dans ses conférences rémunérées, il fait l’éloge des pouvoirs autocrates, dictatoriaux, voire pire :
- « Le modèle démocratique touche aujourd’hui brutalement ses limites, car il fait tout pour empêcher l’émergence du leader en l’entravant et en lui compliquant la tâche. À peine émerge-t-il que le système cherche à l’affaiblir ou à le détruire. Pour conduire un pays, il faut une vision, donc un leader qui l’incarne, et du temps. Les démocraties détruisent tous les leaderships, elles sont devenues un champ de bataille où chaque heure est utilisée par tout le monde, réseaux sociaux et autres, pour détruire celui qui est en place. Là où il y a un grand leader, il n’y a pas de populisme ! Où est le populisme en Chine ? Où est le populisme aux Émirats arabes unis ? Où est le populisme en Russie ? Où est le populisme en Arabie saoudite ? Xi Jiping a une vision pour son pays : il veut que la Chine s’ouvre au monde. Quels que soient les désaccords que l’on peut avoir avec lui, Vladimir Poutine a remis la Russie sur le devant de scène. Faire de Victor Orban un dictateur et un leader d’extrême-droite ne correspond pas à la réalité. Quant à Mohammed ben Salmane (celui qui a fait assassiner le journaliste Khashoggi), ce n’est pas le MBS que je connais, mais je ne prétends pas détenir la vérité ».
Sarkozy préconise donc la dictature pour gouverner efficacement, c’est la seule solution qu’il trouve pour résoudre son problème.
François Hollande a voulu être un président « normal », il n’a réussi qu’à se ridiculiser. S’il voulait être normal, il n’avait qu’à ne pas être président, il y avait une contradiction au cœur même de sa démarche.
Leurs prédécesseurs ont gouverné à une époque où la contradiction entre l’évolution de la société et le type de gouvernement de la Ve république gaulliste n’était pas encore assez évidente. Nous y sommes aujourd’hui, et Macron ne sait que régresser et s’archaïser pour répondre à ce défi.
Emmanuel Macron ne sait pas être démocrate à ce moment de notre développement, il a une conception erronée du développement de notre société et de notre civilisation : il s’imagine que les décisions doivent être prises de toutes manières et que la société doit suivre quoi qu’elle en pense. Il ne conçoit pas que ce soit la société elle-même qui doive décider. Il imagine un développement indépendant de celui de la société, comme si la société était extérieure à son développement et à celui de l’économie.
Il s’imagine être un leader progressiste alors qu’il tire en arrière vers des mentalités et des structures sociales étatiques d’un stade antérieur de notre évolution.
Des trois entités, - économie, société, État -, l’économie et la société évoluent selon leurs propres rythmes particuliers, mais l’État qui devrait synthétiser et harmoniser le tout est bloqué. Il ne sait que retourner en arrière. Les politiques dans leur ensemble ne savent pas concevoir la modernisation adaptée de l’État.
Il va pourtant bien falloir réaliser cette modernisation.
Jean-Pierre Bernajuzan