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Billet de blog 3 octobre 2018

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Le monde entier devient occidental

Ma première réaction a été l’exaspération, encore une fois je n’ai pas été entendu, on m’attribue des affirmations qui ne relèvent pas de mes analyses. Ma colère passée, ma deuxième réaction reprend les raisons de ma présence sur le site : je publie pour faire entendre des analyses qui n’ont pas cours : si tout le monde était d’accord avec moi, je ne publierais plus. Alors de quoi je me plains ?

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Illustration 1

Ma première réaction a été l’exaspération : encore une fois, je n’ai pas été entendu, il m’attribue des affirmations qui ne relèvent pas de mes analyses, mais des siennes…
Ma colère passée, ma deuxième réaction reprend les raisons de ma présence sur le site :
Je publie pour faire entendre des analyses qui n’ont pas cours : si tout le monde était d’accord avec moi, je ne publierais plus.
Alors de quoi je me plains ?!

On me reproche d’avoir nié l’héritage grec : mais je ne parle pas d’héritage, ce sont eux qui en parlent, moi je ne parle jamais d’héritage. JAMAIS !
Moi, je parle de « processus dynamique », d’évolution, parce que c’est là que se situe le lieu et le moment de la création, de l’invention par lesquelles les sociétés se construisent, dans le mouvement.
J’essaie de resituer l’évolution dans son processus dynamique : quand je parle de savoir, de sciences, de connaissances, c’est pour comprendre comment ils étaient acquis, produits, transmis.
C’est cette dynamique qui est productive, créative.
Mais on lit mes analyses avec l'obsession de l’héritage.
Pourtant je parle chaque fois de processus, de logique historique, de dynamique. Je le dis et le répète, à chaque fois… A force, je pourrais lasser à toujours répéter la même chose… Je m’en méfie.
Mais non, ils ne s’en lassent pas pour la bonne raison qu’ils ne l’entendent pas.
Quoique je dise et répète, ils reviennent à leur obsession : l’héritage ! L’héritage !! L'héritage !!!

"On" rend compte des travaux de Joseph Morsel avec les notions de « déparentalisation et spatialisation », pour aussitôt minimiser la radicalité de son apport, trouver des arguments qui le relativise… et en omettant sa conclusion !! Que voici :

  • « L’hégémonie occidentale serait moins liée à des aspects technologiques, qu’à une organisation sociale à l’efficacité particulière, une meilleure productivité sociale, dont dériverait la suite.
    – C’est cette productivité sociale qui est à l’origine de la domination occidentale.
    Alors qu’en l'An Mille, l’Occident latin était le moins dynamique face aux autres, alors que les hommes concernés n’étaient ni plus intelligents, ni plus forts, ni plus nombreux, ils sont pourtant parvenus à dominer pour un temps la planète.
    Cet Occident n’est, ni un espace, ni un être collectif, ni une culture.
    C’est un système de domination, c’est à dire un ensemble de rapports sociaux, qu’on appelle système social.
  • L’adjectif occidental ne signifie en aucun cas européen ou blanc, mais renvoie à un mode d’organisation sociale dans lequel les rapports de parenté sont secondaires.
  • C’est la domination interne (dominants sur dominés occidentaux) qui est plus performante, et qui a entraîné la domination  externe des occidentaux sur le reste de la planète. »-
    Ce système social s’est finalisé par l’invention du salariat.

Pourquoi ne l’a-t-on pas citée ?

  • Parce que ce « système social occidental » qui donne à l’Occident la capacité de dominer le monde, ne doit RIEN, ni aux Grecs, ni aux Romains, ni aux Arabes, ni à personne.
    C’est une invention révolutionnaire qui s’oppose à tous les systèmes en place, et passés, qui s’oppose à tous les héritages !

On a menti par omission. Ceux qui n’ont pas lu le livre, ne peuvent pas savoir qu’on a menti.

Cet escamotage conduit à des erreurs, contrevérités, falsifications en chaîne :
Par exemple, dans une réaction, on dit que la domination occidentale est en train de prendre fin, que la Chine, l’Inde vont prendre le relais : FAUX.
Les pays, TOUS, se développent en adoptant le système social occidental.
La Chine, l’Inde, l’Afrique… se développent en s’occidentalisant.

  • Elles deviennent occidentales.
    Le « système social occidental » s’universalise.
    Le développement s’identifie à ce système social occidental.

Citez-moi un seul pays qui se soit développé sans adopter ce système : qu’on en discute. À mon avis il n’en existe pas.

Le monde entier devient occidental.

À la réflexion, il va falloir que je supprime "Pour l'instant" dans ma phrase d’exergue :

  • Les autres civilisations ne vont pas développer leur propre critique de leur société et passé, c’est l’auto-critique de la « civilisation chrétienne occidentale » qui vaudra pour tout le monde.

Nombreux sont ceux qui s’interrogent pour savoir pourquoi les Arabes n’ont pas poursuivi leur développement :
Ils possédaient l’héritage grec mieux que l’Occident chrétien.
Ils étaient plus savants, plus riches, plus puissants…

  • Mais ils n’ont pas su inventer un système social performant qui leur permette d’exploiter leurs savoir, richesse, puissance…

Avec leur « héritage », ils ont stagné.
Une civilisation qui stagne, meurt.
Cette conception d’héritage est fausse, elle n’est pas déterminante dans le développement des civilisations.
Ce qui est déterminant, c’est le processus dynamique interne, qui leur permet d’exploiter toutes les ressources, ou de les inventer.

Comment faut-il que je le dise pour qu’on m’entende ?

Je rappelle le titre du livre de Joseph Morsel sur internet :
L’Histoire du Moyen-Âge est un sport de combat

Il faut que j’apporte ici quelques explications :
Cette chronique  a d’abord été publiée dans les chroniques d’abonnés sur le Monde.fr.
J’avais choisi comme phrase d’exergue de page personnelle :
« Pour l’instant, seule la civilisation chrétienne construit le monde. Pour l’instant ! »
Certains commentateurs, dubitatifs, m’interrogeaient sur le sens de cette phrase…

C’est en entendant Jean-Paul Fitoussi dire que l’élection d’Obama allait permettre d’éradiquer le racisme que l’idée m’en est venue.

Je m'étais aperçu que toutes les inventions de la modernité venait de la "civilisation chrétienne", c'est ainsi que je me le formulais. Les autres civilisations témoignaient de leur passé et de leur origine, mais étaient absentes de la création de la modernité... ??
Je m’étais rendu compte aussi que toutes les critiques, toutes les remises en question des arbitraires du passé tels : l’esclavage, le racisme, le colonialisme, ou bien la torture… étaient l’œuvre de la civilisation chrétienne, de même que l’avènement de la liberté, de l’humanisme, de l’individualisme, des Droits de l’Homme…
Alors que les autres civilisations ne développent pas la critique de leur passé parce qu'elles basent leur légitimité sur ce passé originel, en conséquence de quoi elles sont handicapées dans leur projection vers l'avenir...

En lisant le livre de Joseph Morsel, je découvre qu’il ne s’agit pas de la civilisation chrétienne dans son ensemble, mais seulement de l’Occident, chrétien certes. Il m’apprend aussi que ces progrès humanistes qui, certes sont fondés sur les textes évangéliques, mais dans l’interprétation particulière de l’Église de Rome, l’Église d’Occident qui a voulu remplacer la filiation charnelle par une filiation spirituelle ; ce qui a abouti :

  • à l’émancipation des individus, jeunes, à l’égard de leur famille…
    ce qui les a obligé à se salarier pour vivre et se socialiser…
    cette socialisation émancipée crée l’individualisme…
    une idéologie vient apporter une légitimation à cet individu : l’humanisme…
    suivent les Lumières, la Révolution, la démocratie, les Droits de l’Homme…

Cette découverte m’a permis de découvrir le processus dynamique dont l’invention radicale a été le salariat qui a entraîné celle de l’individualisme, puis de l’humanisme, donc de la liberté qui a été à l’origine l’émancipation de l’individu à l’égard de sa famille, puis de la démocratie, puis des Droits de l’Homme…
L’individualisme a induit l’égalité entre les individus, ce qui a tendu à subvertir l’ordre hiérarchique des groupes familiaux…
Ce système social, où les relations de parenté ne sont plus primo-structurantes, est plus performant que les autres, qu’il domine… sur toute la planète !

Les arbitraires archaïques sont remis en question par l’Occident parce qu’ils tiennent l’individu à la merci des groupes, qui en disposent à leur gré.
Le "droit occidental » de l’individu conteste les agressions dont il est victime puisqu’il lui reconnaît sa légitimité, au contraire du droit grégaire-familial.
Par le salariat, condition nécessaire au développement, l’individualisme se diffuse dans le monde entier : en conséquence les droits de l’individu se développent aussi.

Certes l’origine du processus est chrétien : les caractéristiques de la société humaniste et démocratique des Droits de l’Homme (légitimité de chacun quel que soit son statut social, même valeur de chacun : égalité donc) sont présentes dans l’Évangile.
Certes mais elles ne constituent pas dans l’Évangile un « système social ».

  • Or c’est le système social occidental qui en assure l’efficience, et qui est constructeur du monde.

 Jean-Pierre Bernajuzan

NB : j'ai changé ma phrase d'exergue puisque celle-ci s'est révélée inexacte.

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