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Billet de blog 2 septembre 2017

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Sortie de route pour la FI ?

On me dira qu’il est trop tôt pour tirer des conclusions. Je l’espère, c'est-à-dire que j’espère me tromper. Mais les déterminants politiques sont rigides. Les phrases prononcées à Marseille par Jean-Luc Mélenchon, et celles prononcées par Alexis Corbières sont de celles, je le crains, après lesquelles il est difficile de faire machine arrière.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

JLM : « Nous avons réglé tous les problèmes qui vont occuper les autres. Le problème du leadership est réglé (…) Nous avons réglé le problème du programme. Nous avons réglé le problème de la stratégie. »

Alexis : «L’équipe en place, elle existe, elle n’est pas contestée par les gens ». 

Pour trouver admissible cette conception des choses, il faut (et il suffit) d’oublier qu’il y a eu des élections, en particulier une présidentielle.

La France Insoumise, c’est le rassemblement des citoyennes et des citoyens qui ont soutenu et appuyé la candidature d’un candidat à l’élection présidentielle.  Ce candidat, au départ, ne s’est autorisé… que de lui-même. Il a estimé, sur la base de sa candidature de 2012 et des combats politiques qui ont séparé les deux élections, qu’il était le mieux à même de porter un projet de transformation sociale progressiste.

Il a bien fait : les autres procédures de désignation ont toutes prouvé leur inadaptation au problème posé par une telle candidature. Des centaines de milliers de citoyennes et de citoyens ont appuyé cette démarche, et je n’ai pas été le moins actif. JLM, comme il est normal, a choisi son équipe de campagne : Charlotte Girard, Manuel Bompart, et des dirigeants du Parti de Gauche, Alexis Corbières, Eric Coquerel... Cette équipe, qui a su faire travailler de nombreux experts et des jeunes investis dans les moyens modernes de communication, a superbement travaillé. Un programme électoral très consistant a été rédigé, avec la contribution de plusieurs milliers d’insoumis « de base ». La même équipe, élargie à des personnalités de tendance politique voisine, comme Clémentine Autain, a animé la campagne des candidates et candidats insoumis aux élections législatives, élections où l’on a vu, grâce à l’élan de la campagne présidentielle, des insoumis politiquement presque inconnus bousculer de vieux routiers du PCF, de EELV et du PS.

Les résultats de cette aventure, qui a duré plus de quinze mois, sont très positifs.

La nouvelle période, qui commence à la fin du mois de Juin 2017, est profondément différente. Elle se caractérise par le fait que nous avons un Président de la République qui est Emmanuel Macron, et une majorité à l’Assemblée Nationale qui le soutient. Nous savons tous que le projet du nouveau Président, c’est la destruction des conquêtes sociales de 1936, 1945, 1981. Il est élu pour cinq ans. L’objectif d’une opposition progressiste doit être de construire une puissante opposition populaire à cette politique, et si possible, d’en empêcher la mise en place, dans le respect des règles constitutionnelles.

Que devient, dans cette nouvelle période, la communauté des citoyennes et des citoyens qui ont signé pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la Présidentielle ? Elle peut se disperser, comme elle peut contribuer à la construction de cette opposition.

Au cœur de cette communauté, il y a les « groupes d’appui » qui regroupent entre trente mille et cinquante mille militants, c'est-à-dire une force considérable.

La grande question me parait être celle-ci : est-ce que les règles de fonctionnement de la FI, qui ont été suivies sans discussion durant la présidentielle, mais qui n’ont été discutées et validées à aucun moment, doivent rester telles quelles ?

Est-ce que l’équipe du « National », dont Corbières a raison de dire qu’elle n’est pas « contestée par les gens », mais qui n’a pas non plus été admise, élue ni validée, doit rester intangible ? Que devient "le programme" ? Un programme électoral n'est pas le programme d'un mouvement. Ce dernier doit être discuté (discuter le contenu d'un programme, ce n'est pas la même chose qu'apporter "des contributions").

Comment se pose aujourd’hui la question du « leadership » ? Comme durant la campagne électorale ?

Je prends quelques exemples : pour qu’un cercle d’appui soit validé, il faut qu’il ait deux référents : un homme et une femme. C’est l’obligation de la parité à tous les étages (qui est déjà de règle au PG). Qui a décidé cela ? Beaucoup de féministes vomissent ce genre de choses, qu’elles trouvent humiliantes. En tous les cas, cela se discute.

S’agissant d’une convention, il est possible que « le national » procède à un tirage au sort. Qui en a décidé ainsi ? Est-ce une procédure politiquement pertinente ?

Les cercles d’appui constituent, nous dit-on, la seule structure admissible dans la FI, et c’est une structure très petite et très locale. Une coordination départementale ou autre n’est pas autorisée. Ainsi, le « National » a une envergure immense relativement à des unités isolées comportant au maximum douze (pourquoi 12 ? une référence au apôtres ?) membres. Qui en a décidé ainsi ?

Pour quelle raison l’équipe qui compose « le National » ne peut-elle être élue par les militants des cercles d’appui ?

N’est-il pas troublant pour un citoyen adulte d’un pays avancé de voir tomber sur lui des « décisions » qui ont été prises on ne sait par qui, sans discussion : manifestation le 23 septembre ? C’est peut-être une bonne idée de se poser ainsi en « complément » de l’action syndicale, mais pourquoi ne pas avoir soumis cette initiative au débat ?

La convention qui devrait ouvrir une nouvelle ère, car nous ne sommes plus dans la campagne présidentielle, aurait dû, selon moi, avoir lieu fin juin, ou début juillet. Il a été fugitivement question qu’elle ait lieu fin août, mais ce furent, à la place, des « journées » à Marseille. Puis, courant Octobre. Reportées en décembre et finalement annoncées fin novembre. Qui a décidé tout ceci ? Quand les militants de la France Insoumise en ont-ils discuté ? On nous dit que la convention est reportée pour ne pas gêner la lutte contre les ordonnances. Ah bon ? En décembre, la lutte va s'interrompre ?

Pour finir, Jean-Luc Mélenchon nous dit que le problème du leadership est réglé. Si c’est le cas, je le regrette.  Jean-Luc Mélenchon a été sans conteste le meilleur candidat possible à la présidentielle, pour notre camp.

Non pas qu’il n’ait jamais commis d’erreurs, ou de gaffes, au contraire. Parler à Bruxelles des travailleurs détachés « qui viennent manger le pain de nos travailleurs », phrase dite « avec des guillemets », mais à l’oral on ne les voit guère… c’est une belle gaffe. Dire à propos du conflit syrien : « Je crois que Poutine va régler le problème », c’est une gaffe.

Je dis « gaffe » parce que sur le fond, la position de JLM sur ces sujets est correcte. Ecrire à Pierre Laurent « vous êtes la mort et le néant », c’est céder à la colère d’une façon bien maladroite. Entrer à l’Assemblée Nationale et agresser Cédric Villani… c’est une petite provocation bien inutile.

Je le répète : tant par ses positions politiques quant aux problèmes de l’heure, que par son autorité et son talent, Jean-Luc Mélenchon a été le candidat de tous les citoyens progressistes et lucides. Avec lui, et derrière lui, nous avons conquis une grande place pour la cause de l’émancipation du travail. Cela n’implique pas, à mon avis, que la question du « leadership » pour la nouvelle période, soit réglée. Dans l’immédiat, il n’est pas évident que nous ayons besoin d’un leader. Bompard, Autain, Quatennens, Ruffin, Girard et bien d’autres forment une équipe remarquable qui va s’étoffer et s’enrichir très naturellement. JLM devrait choisir de s’effacer. J’avoue que je n’y crois guère : le succès rend fou… même s’il s’agit d’un succès qui est aussi … un échec.

L’équipe nationale s’en rend probablement compte. J’imagine que François Ruffin, par exemple, le sait. Mais il s’en lave les mains : il ne nage pas dans ce marigot… Et les autres ? Qui a assez de poids pour dire la vérité, sans agressivité inutile, au vieux chef ?

S’il se confirme que JLM veut une FI qui soit « dans l’action », action vue comme opposée à la « discussion »…qui, elle, est résumée en « blabla »… une FI avec parité obligatoire, tirage au sort et décisions prises et balancées depuis les hauteurs du ciel… la FI sera ce que dénonçaient nos adversaires : un club de groupies. Mais les groupies, par nature, sont inaptes au militantisme. Il y aura donc faillite, peut-être amorcée dès le 23 septembre.

Mais l’histoire se rit de nos prédictions ! Un mouvement démocratique pour l’émancipation du travail peut surgir d’une FI partiellement dispersée. C’est sans doute à quoi il faut travailler.

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