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Billet de blog 2 octobre 2023

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Le Loup, les éleveurs et la Banque

L'agriculture extensive et le pastoralisme sont dans le collimateur.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J'ai lu, sur Médiapart, qu'au sujet du meilleur mix énergétique souhaitable, les écologistes de EELV débattaient et réfléchissaient, au lieu d'utiliser, concernant l'énergie nucléaire, des concepts religieux : pour --- contre -- (la présence réelle du Christ dans l'hostie), et cela me semble une preuve de maturité.

Je leur dirais volontiers «Encore un effort, amis, si vous voulez être de véritables écologistes : remettez en cause votre enthousiasme pour la prolifération du loup gris». Puisque l’Écologie, je le rappelle, n'est pas simplement l'amour des arbres et des bêtes. C'est une science ambitieuse, globale, qui concerne l'ensemble de nos interactions avec notre milieu et se donne pour but de concilier les progrès de notre mode de vie et le respect de la Nature.

La question du loup présente des dimensions diverses. Il n'a jamais été, sur la Terre, une espèce menacée puisqu'il est très répandu en Europe de l'Est, en Russie, au Canada, mais il avait disparu de France depuis 1930.

La convention de Berne (1993) lui a conféré un statut d'espèce protégée. Il a réapparu à peu près à cette date depuis le parc du Mercantour. Pour les uns, de manière naturelle : de leur propre initiative, des individus qui vivaient dans les Abruzzes en Italie,ont franchi les Alpes du sud. Pour d'autres, ils ont été introduits par des interventions humaines. C'est un débat aussi obscur que décisif : la convention de Berne ne s'applique qu'à des mouvements naturels des animaux...

L'intention déclarée de la Convention de Berne, c'est la protection des espèces, la promotion de la diversité animale. Certains font observer que depuis que les loups sont dans le Mercantour (04 et 06), les mouflons n'y sont plus : ils ont été décimés par les loups. On protège une espèce, mais on en détruit d'autres...

Dans mon pays (qui est le pays de René Char et un haut lieu de toutes les résistances), les Alpes de Haute-Provence, le pastoralisme est une activité très répandue. La Banque --je veux dire par là l'Actionnaire-- n'aime pas le pastoralisme. Tant de surface, qui rapporte si peu d'argent ! Quelques milliers de brebis qui paissent sur des centaines de kilomètres carrés en plaine, et l'été en altitude ! Alors qu'une seule ferme d'élevage intensif du cochon en Bretagne, ou une seule concentration de poules sur plusieurs étages (elles se chient dessus) dans le Nord ont un chiffre d'affaire plus gros que tout le 04 !

Certes, il subsiste des éleveurs, grâce à des subventions : l'UE ne veut pas la mort du berger, pas tout de suite... On lui laisse le temps de se décourager. Et en effet, il se décourage. Il y en a de moins en moins (comme de tous les paysans véritables-- j'utilise ce qualificatif pour les opposer aux industriels qui dirigent la FNSEA).

Vous voulez manger de l'agneau ? Il y a le néo-zélendais, chez Picard. Il a franchi 20 000 kilomètres, puisque cet archipel est situé exactement à nos antipodes, ne parlons pas de son indice carboné, conservé dans l'azote liquide (autre dépense d'énergie)... et ce n'est pas de l'agneau, c'est du jeune mouton (abattu douze mois plus tard que l'agneau du 04). Un gigot vaut 17€, 50% moins cher que le gigot des Alpes, voyage et azote compris. On me dit d'ailleurs que c'est idéal pour dégoûter les gens de cette viande : ça n'a aucun goût, ce qui est tout de même bien préférable au cochon breton, élevé dans son lisier, qui sent la pisse durant sa cuisson.

Pour l'éleveur français (il n'y a pas de loups en Nouvelle-Zélande) le Loup est juste un em...merdement de plus. Il y a les bergers en estive, qui ne peuvent plus dormir la nuit, il y a les patous, gros chiens qui peuvent menacer les promeneurs, il y a les brebis égorgées (elles sont remboursées par l'UE à condition de prendre des photos et de remplir des formulaires) les brebis paniquées qui tombent dans un ravin ou se perdent (celles-là ne sont pas remboursées).

Plus d'un amoureux urbain du loup me dira : mais les bergers italiens s'en accommodent bien, eux, du loup ? Je ne sais pas s'ils s'en accommodent "bien". Je ne sais pas comment ils vivent. S'ils prospèrent ou s'ils viennent grossir la pauvreté des villes. Je ne sais pas combien vaut le gigot d'agneau des Abruzzes. Je parle de ce que je connais un peu.

Combien y a-t-il de loups en France ? Il semble que la convention de Berne ne puisse s'appliquer que s'il y en a moins de mille (un mieux informé dira si c'est exact ou si j'ai été mal renseigné). En tous cas, lorsque l'autorité compétente en a compté 950, les paysans ont protesté. Comptes refaient on en trouve plus de 1100.

Voilà les deux ou trois choses que me disent mes amis éleveurs. J'apprends que notre chef à tous, Madame Ursula von der Leyen, n'aime plus trop le loup depuis qu'une meute a tué son poney adoré... C'est ainsi que progresse la conscience urbaine... Mais je doute que la Banque la suive.

Camarades écolos, discutons-en ! Prenez le parti de l'élevage pastoral et celui de l'agriculture extensive !

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