Selon une anecdote assez répandue, après qu’Ines Armand, sa maîtresse, ait interprété devant lui la sonate « Appassionata » de L.Van Beethoven, Lénine aurait déclaré: « La musique donne envie d’embrasser la main des gens mais dans cette société, si on fait cela, on se fait mordre ».
Lénine était un homme sensible et c’est la cause des exploités, des méprisés, des opprimés qui a fait la base du combat de toute sa vie. Mais il avait en lui la dureté nécessaire à celui qui veut combattre la société des maîtres de forges, nous dirions aujourd’hui des actionnaires sans scrupules, des milliardaires gavés, des libertariens cruels. Il a surmonté de terribles épreuves, à commencer par la pendaison de son frère (comme terroriste).
On fait souvent reproche aux hommes politiques importants de leur « égo », de leur « ambition », de leur autoritarisme. Des monstres froids ? Peut-être, mais c’est ce qui les protège…
Hier, 31 août 2024, à Flixecourt, il ne m'a semblé voir qu'un demi-François Ruffin.
La fête était réussie, l’organisation impeccable, l’assistance nombreuse, les intervenants convaincants. Le député Sébastien Jumel (PCF) a fait une belle intervention, le député Sébastien Peytavie (Génération.s) en chaise roulante, également, Louisa, pour les auxiliaires de vie, était éloquente et Dylan Ayissi, président de « Une voie pour Tous » qui combat pour une grande revalorisation de l’enseignement technique et professionnel, superbement soutenu par Karima Delli, parfaitement convaincant.
On discernait à la tribune Alexis Corbière et je lis dans Médiapart que Clémentine Autain est également venue.
Alors pourquoi François Ruffin, assis à gauche de la tribune, paraissait fatigué, abattu, applaudissant un peu en retard, quand la salle, elle, répondait au quart de tour à l’animateur, Président de Picardie Debout, Guillaume Ancelet ?
Le discours, à la fois discours de clôture de la réunion et discours de rentrée politique, selon moi, a été décevant, en deça de la main comme on dit. Difficile d’en retenir grand-chose. Oui, l’importance des auxiliaires de vie et tout ce que la société doit aux personnes qui l’ont fait tenir ensemble durant l’épreuve du Covid. Oui, des mentions d’un président qui s’accroche au pouvoir. Oui, le mot d’ordre « gagner », mais à plusieurs reprises : « gagner complètement, la prochaine fois ...».
Mais la prochaine fois, c’est au minimum dans un an. En attendant, c’est cuit ? Laisser entendre cela, c’est faire l’impasse… sur l’impasse où se trouve, avant tout, le Président de la République, et qui peut parfaitement déboucher… sur sa démission !
L’avenir immédiat est, en réalité, largement ouvert car, je le répète ici (c’est le sujet de mon précédent billet) il n’existe aucune solution gouvernementale en France tant soit peu stable dans les jours, les semaines et les mois qui viennent.
J’aurais aimé que François le souligne et nous dise qu’il est prêt à toutes les éventualités.
Que le combat continue, va nécessairement rebondir ! Il a souligné l’indispensable union, et répété qu’il souhaite établir des ponts, des liens. Je ne l’ai pas entendu mentionner ses camarades de l’APRES…
Il a évoqué ceux qui lui parlent de bâtir un « Parti ». Qui ? Des pekins anonymes, comme moi, ou les camarades Garrido, Davi, Corbière, Autain, Simonnet etc ?
Pour les premiers il a répondu « Il y a Picardie Debout… si on veut faire Bourgogne debout...» plaisanterie semi-sérieuse.
Et là, il s’est un peu lancé, développant que s’il y a un Parti, ce serait bien que les gens ne soient pas sur Twitter, mais plutôt aux Restos du cœur. Puis il a continué sur cette voie : qu’on aide les gens concrètement, par exemple à maîtriser l’informatique (puisque toutes les démarches légales supposent la maîtrise de ces outils).
Mais ces associations existent, François, elles font ce travail. Comme stratégie politique de Parti, pardon, cela m’a fait penser aux Frères Musulmans égyptiens. C’est ainsi qu’ils se sont construits, avec succès, très largement. Mais au bout du compte ils ont été balayés par la dictature militaire. Ce n’est pas cela, la politique.
Et à nouveau : une grande campagne sur les auxiliaires de vie. Si bienveillant que l’on soit, on se dit : « C’est très juste, mais tu n’as vraiment pas une deuxième idée en magasin ? »
Je crois que François a été vraiment secoué par la dernière période. Il a été pris de court (un peu comme tout le monde, certes) par la dissolution. Secoué par l’ignominie des « purges ». Il savait, en historien du mouvement ouvrier, que ces choses existent, ont existé, mais voir ainsi la foudre tomber, sans la moindre lueur d’humanité (pas un débat, pas un coup de fil, pas même un SMS) sur des militants aussi loyaux depuis vingt ans que Danielle Simonnet (par exemple) ? De la part de quelqu’un qui l’a longtemps traité en ami et couvert de compliments jusqu’à une date récente ?
Sa campagne de réélection a été extrêmement éprouvante et l’a contraint a tirer ses dernières cartouches.
Il a gagné, mais je pense que ça lui a coupé les jambes (à moi aussi, un moment). D’ailleurs, la haine et les calomnies continuent : quand on assiste au meeting par vidéo, il y a une colonne à droite qui publie des interventions d’auditeurs : parmi celles-ci, un certain nombre d’injures : « traître ! » et de calomnies téléguidées par des bompardiens tenaces… qui ne lâcheront pas l’affaire.
Alors françois-la-tendresse, si tu n’as pas le cuir très épais, tu devras disparaître de la scène politique car nous sommes à l’époque des affrontements sociaux et politiques les plus impitoyables.
Tu as su, à la tribune de l’A.N. souvent montrer une ironie saine mêlée à une grande fermeté et dans tes films un humour ravageur. !
On peut dans le combat politique rester loyal, rester poli, garder de l’humour et de la mesure.
Mais de la tendresse ? Je risque l’idée que ce n’est pas ce qu’attendent les exploités et les opprimés. Fraternité entre camarades, d’accord. Mais il s’agit de porter des coups aux exploiteurs.
François Ruffin va-t-il, après ces épreuves, durcir, grandir ? On croise les doigts !