Ancien ministre, cet homme est connu pour avoir proposé que les policiers tirent sur les Gilets Jaunes et que l’Armée, s’agissant des mouvements de jeunes des quartiers, « mette fin à ce saloperies ».
Très excité durant toute une heure, Ferry a développé centralement l’idée que l’IA était « beaucoup plus intelligente que vous et moi » et mille fois plus performante que les humains, dans tous les domaines. Que, couplée avec la robotique, elle allait faire disparaître tous les métiers. D’abord les cadres, puis les ouvriers. L’IA a réponse à tout ! Et attention : l’IA n’est pas un(e) assistant(e) : le couple médecin + IA est MOINS efficace que l’IA seule selon Ferry ! Une affirmation lourde de conséquence. On gêne...
Je me suis dit alors : « Bonne nouvelle ! Si le monde du travail n’a plus besoin de nous, On va pouvoir se promener, faire l’amour, lire, faire de la musique, du vélo, se bronzer au soleil ! ».
C’est vrai ! Si la société produit autant et mieux grâce à la robotique alliée à l’IA où est le problème ? Les marchandises revenant beaucoup moins cher à produire, coûteront d’autant moins.
Il restera du travail : celui qui consiste à programmer l’IA et fabriquer les robots. Mais non ! L’IA se programmera elle-même et les robots se reproduiront ! Il faudra tout de même un peu d’électricité, ou autre source d’énergie… et quelques matériaux, bois ou métal. Quelques mines.
Résumons-nous.
Si la révolution que nous promettent les allumés de l’IA se produit, l’homme sera libéré du travail. Tout ce dont nous avons besoin « un peu de pain, un peu d’étoffe –ainsi que tous les autres soins» (Supervielle) nous sera fourni pour rien.
Mézalor… plus de travail : plus d’exploitation ! Plus de profit ! Plus de richesse ! L’abondance pour tous ? Même pour le bas peuple ? Il est là, le drame qui bouleverse notre philosophe d’État !
Toutefois, cette assomption jubilatoire et révolutionnaire achoppe sur ce fait que, pour produire quoi que ce soit il faut des matériaux et de l’énergie. Or, on le sait depuis Malthus, et beaucoup mieux depuis cinquante ans : nous sommes limités. Nous n’avons qu’une planète. Les effets de la récupération, du reconditionnement, sont limités. L’I.A. conseille-t-elle la décroissance ? Il faut lui demander.
Ici je dois faire un aveu intime. Cette ferveur eschatologique (L'eschatologie est la science des choses ultimes ou des fins dernières de l'homme, selon l’encyclopédia universalis) m’est étrangère. Mon saint patron est Thomas, définitivement. Je n’y peux rien, ce n’est pas faute de m’intéresser aux livres saints de plusieurs religions, dans lesquels je trouve des témoignages profondément instructifs parce que profondément humains. En cela (comme en bien des domaines) je suis loin de Ferry qui a souvent montré son appétence pour la ferveur religieuse. Et voilà l’aveu : je ne crois pas aux miracles que produit et plus encore produira l’IA.
Luc Ferry nous dit : l’IA va guérir toutes les maladies ! Eh bien, moi, Thomas, j’attends de voir. Que l’IA fournisse une AIDE au diagnostic, et à l’ajustement d’un traitement, je suis disposé à le croire. C’est typiquement le service que peut rendre un gros outil statistique judicieusement couplé avec les connaissances accumulées depuis un demi-siècle en biologie, en génétique.
Mais M’sieur Ferry, pourquoi l’IA n’a pas encore trouvé le moyen de guérir le SIDA, ni le vaccin ?
Et la sclérose en plaque ? Et la maladie de Charcot ? Et la maladie d’Alzheimer ?
L’IA a-t-elle guéri UNE seule maladie ?
L’IA rend des services aux militaires. Cela, je peux le croire. L’humanité est douée pour les massacres : c’est son point fort, elle a toujours su, dans ce domaine, utiliser toutes les découvertes, toutes les avancées techniques informatiques et scientifiques.
Inversement, peut-elle rendre service à ceux qui voudraient que cesse le massacre des populations de Gaza, du sud Soudan, que cesse la guerre en Ukraine ? Il ne semble pas. Mais c'est que personne ne lui demande cela...
En fait, beaucoup plus simple : François Bayrou peut-il utiliser l’IA pour trouver une majorité qui lui permette de gouverner ? Je ne plaisante pas : si l'IA est un miracle il faut lui demander l'essentiel !
Ferry s'esbaudit de ce que l'IA est capable de rédiger une bonne copie d'agreg de philo. C'est possible. Mais il y a là quelque chose d'un peu triste concernant l’agrégation de philosophie... La copie de JP Sartre (la fois où il a raté l'agreg) devait être plus originale...
Je reviens à ce qui m’intéresse personnellement : j’aime et je pratique de la musique, j’aime et je pratique des mathématiques.
On me dit que l’IA est capable de composer de la musique. Ce que j’ai entendu, ce sont des jingles et de la musique d’ascenseur. Mieux, quand j’entends une musique insipide, je me dis : « Ah ! C’est de l’IA ». Je ne doute pas que des musiqueux paresseux et sans talent se fasse aider par de l’IA. Il m’arrive aussi d’avoir cette pensée au vu de certains scénarios de films dans lesquels on trouve « tout ce qu’il faut »…
L’IA générative restitue des assemblages qui sont voulus pertinents, à partir d’énormes masses de réalisations humaines existantes. On pose une question, on a une réponse. Souvent c’est en effet pertinent, parfois c’est erroné.
Ce n’est pas ce que faisait Beethoven. Oui, il connaissait et avait assimilé une grande part de la musique passée, mais de sa propre vie, de ses joies, de ses souffrances d’être vivant et mortel, il tirait, à chaque fois, quelque chose de très différent de tout l’existant.
Je vois que l’IA n’a pas composé une dixième symphonie de Beethoven (malgré les esquisses laissées par celui-ci), et moins encore une cinquième ballade de Chopin.
On me dira : c’est subjectif. Je ne crois pas, mais supposons.
En mathématiques, l’IA a-t-elle jamais démontré UN théorème ?
Entendons-nous bien : les mathématiciens utilisent l’informatique depuis … Pascal, en un sens… Babbage… puis Neumann, Turing, etc. Pour le calcul, et le calcul symbolique complexe. On a classé les groupes finis (la démonstration fait des milliers de pages!), on a démontré le théorème des quatre couleurs (idem) le théorème de Kepler sur les empilements de sphères. Ce n’était pas de l’IA. On demandait à la machine de faire des calculs, des procédures, des classements. Pour le théorème de quatre couleurs, je crois que les mathématiciens avaient démontré qu’il existait quelque chose comme mille cinq cent cas de cartes. Dans chaque cas on connaissait la procédure pour prouver que quatre couleurs suffisent (ou le contraire). Mais qui, quelle équipe peut effectuer mille cinq cent procédures sans se tromper ? La machine, bien programmée.
L’IA n’a pas démontré l’hypothèse de Poincaré. C’est Grigori Perelman, qui l’a fait, en s’appuyant sur de nombreuses et profondes avancées d'autres mathématiciens (comme il a voulu lui-même le souligner).
L’IA n’a pas démontré l’hypothèse de Riemann, objet de tant d’efforts depuis presque deux siècles. Alain Connes a dit qu’il nous manque « une idée » pour la démontrer.
L’IA n’a pas d’idées, elle compile et organise, fait des statistiques et des arbres. Cela peut aider, sans doute.
L’IA n’a pas dit (je veux dire : démontré) s’il y a ou non, une infinité de couples de nombres premiers « jumeaux » comme 11 et 13, 17 et 19…
Les mathématiques sont une pierre de touche parce que, comme le dit l’un de mes amis, mathématicien : « les mathématiques, ça a tendance à devoir être exact ».
Quand il y a une faute, ce n’est pas subjectif.
On me dit : mais en maths, les IA progressent ! Je peux le croire pour ce qui est de questions dont on connait déjà la réponse.
Il y a deux ans, je demandais à ChatGPT « quels sont les entiers qui ont un nombre impair de diviseurs» (niveau collège : ce sont les carrés) et le soft donnait des réponses fausses. Aujourd’hui, il connaît la réponse. Je demandais une démonstration du fait que les trois médianes d’un triangle sont concourantes (niveau collège). Il sortait coup sur coup trois démonstrations confuses et absurdes. Je suppose que aujourd’hui il sait le faire. Mais hier, à propos de vecteurs propres (niveau bac plus1) DeepSeek m’a sorti toute une série de considérations aboutissant à une équation de degré trois pour laquelle il a vu une racine évidente… et c’était une erreur (un logiciel de calcul formel ne fait pas d’erreur aussi naïve).
Il progresse certainement mais ce dont je doute c’est qu’il produise un jour quelque chose de NEUF (on me parle d’émergence – je demande à voir).
L'IA ne supprimera pas "tous les emplois", parce que cela supprimerait le profit. Elle sera massivement utilisée pour les guerres et les différentes voies d'oppression.
Si les examens scolaires et universitaires sont perturbés par l'emploi de l'IA, on n'aura qu'à renforcer le poids de l'oral...
Je suis déçu par l’IA.
Et pour finir, je crois que l'humanité a des problèmes plus graves et plus urgents que ceux que peut créer l'IA, par elle-même les inégalités, les pollutions, les massacres, le réchauffement climatique (se souvient-on que Ferry, avec Allegre, était il y a peu un grand climato-sceptique ?), la misère, l'épuisement de certaines ressources, la violence des bandes armées (de trafiquants, par exemple) etc, etc.