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Billet de blog 19 novembre 2023

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A propos des questions posées par Abdelali Mamoun

L'imam de la grande mosquée de Paris, abreuvé d'insultes et de menaces pour avoir posé des questions..

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Le 14 novembre, dans un entretien sur RMC avec Apolline de Malesherbes, Abdelali Mamoun, Imam de la grande Mosquée de Paris, s'étonnait du nombre très élevé (1240 depuis le 7 octobre) « d'actes antisémites », et demandait des détails. : « j'aurais voulu qu'on dise si telle synagogue a été profanée, tel cimetière a été profané, tel individu de confession juive a été agressé. ».

Il dit aussi : « Pourquoi ne les explicite-ton pas ? Pourquoi n'en parle-t-on pas à la télé ? ».

Mal lui en a pris. Le Consistoire central de France ("Instance suprême du judaïsme français") s'est indigné, suivi de Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, enfin, le Recteur de la Grande Mosquée de Paris s'est désolidarisé et Abdelali Mamoun s'est excusé.

Cependant, Darmanin a donné les précisions demandées. Selon le ministre, la moitié de ces faits (50%) sont des tags, affiches et banderolles. 22% sont des "menaces et insultes". 10% : apologie du terrorisme, 8% "atteintes aux biens". 6% "comportements suspects", 2% coups et blessures ; également 2% atteintes aux lieux communautaires.

La valeur de ces chiffres est au moins triple. Premièrement, ils émanent du ministère de l'intérieur, auquel on ne peut que faire une totale confiance, sur ce sujet comme sur tous les sujets, sauf à se révéler être un foutu complotiste. Deuxièmement ils répondent à la question d'Abdelali Mamoun, ce qui valorise évidemment cette question. Troisièmement, le total : 50 + 22 + 10 + 8 + 6 + 2 + 2 fait précisément 100 ce qui renforce le sentiment de sérieux de l'approche sociologique.

Toutefois, mille deux cent quarante questions demeurent posées, plus une.

Je vais en donner ici quelques exemples. Il y a eu 620 "tags, affiches, banderoles". Concernant les "tags", est-ce que les étoiles de David dans le 14ème arrondissement de Paris (dont on a su qu'elles étaient une provocation pro-israélienne) figurent dans le compte ? Concernant les affiches, est-ce que l'imprimeur a été interpelé ? Concernant les banderoles, est-ce que les organisateurs de la manifestation où elles figuraient ont été appréhendés ? Ou bien, ont-elles été vite repliées par eux ? Concernant "menaces et insultes" y a-t-il eu enquête ? Jugement ? Pour l'apologie du terrorisme, est-ce que nous ne manquons pas d'une bonne définition ? Citer les textes internationaux qui stipulent qu'un peuple peut lutter contre l'occupation "par tous les moyens", citer des résolutions de l'ONU, demander par exemple la destruction des colonies illégales en Cisjordanie, ou bien dénoncer l'apartheid, cela figure-t-il, dans les instructions du Ministère de l'Intérieur, parmi les faits caractéristiques d'une "apologie du terrorisme" ? Concernant les atteintes aux biens, des exemples seraient bienvenus, s'agit-il d'une vitre cassée ou d'une maison brûlée ? La notion de "comportement suspect" n'est-elle pas auto descriptive ? Pour ce qui est des coups et blessures, s'agit-il d'une bousculade, d'une gifle, d'un coup de couteau, d'un membre brisé ? On sait, par exemple, que le 27 octobre, à la sortie d'une mosquée de Bayonne, un vieux fou a donné des coups de couteau (heureusement non mortels) à deux musulmanes. Mais il ne s'agissait pas d'antisémitisme au sens strict. Même genre de question pour "atteinte aux lieux communautaires".

En mai 1990, le cimetière de Carpentras a été profané. Des pierres tombales ont été renversées, des cercueils ont été ouverts, un cadavre a été déterré et profané. A l'époque, le ministre de l'intérieur était un homme dont la droiture n'a jamais été contestée : Pierre Joxe. Des manifestations massives de dénonciation de cet acte ont eu lieu dans tout le pays. A Paris, elles ont eu lieu de la Bastille à la République avec toute la gauche rassemblée... et la participation du Président de la République, François Mitterrand. C'était la première fois dans l'histoire de la République qu'un président en exercice participait à une manifestation de rue. Et ce cas est resté unique... comme on sait, Macron n'a pas été tenté de l'égaler.

Notons qu'il n'a pas fallu  1240  "actes" pour produire une telle réaction, mais un seul, réel et grave.

En conclusion, je crois qu'il serait sain, utile, nécessaire qu'une véritable enquête sociologique soit conduite par des spécialistes honnêtes et compétents, afin d'évaluer solidement le niveau d'antisémitisme en France aujourd'hui.

Pour ma part, je ne saurais affirmer qu'il est élevé. Je n'en sais rien.

Il est trop évident, trop connu, trop documenté ( voir le film du réalisateur israélien Yoav Shamir (checkpoints, Flipping out) https://youtu.be/PZDcp3v-1zg) que l'antisémitisme dans le monde est volontairement exagéré pour nourrir le sentiment obsidional des israéliens, dans le but d'assurer la cohésion de la population autour de politiques criminelles.

Il est également trop évident, à mes yeux, que la même exagération est utilisée par le gouvernement français pour justifier son engagement total aux côtés de cette même politique israélienne criminelle, et accessoirement, on sait combien le soupçon d'antisémitisme est, de très mauvaise foi, utilisé pour discréditer tel homme (ou femme) politique.

Il me semble au contraire qu'étant donné le fait du génocide atroce en cours jour après jour, heure après heure, le massacre des civils, des femmes, des enfants, commis par le gouvernement israélien à GAZA et la conscience qui en existe (insuffisante, certes) dans la population, la protestation d'une large partie du peuple français, qui s'exprime peu, parce qu'elle est interdite (elle s'exprime mieux chez nos voisins britanniques)... Eh bien malgré ces circonstances, notre peuple, y compris la population musulmane, qui pourrait se sentir davantage concernée, touchée par le désastre vécu par les gazaouis, ne commet pas la faute de mettre un "signe égal" entre citoyens juifs de tous pays, et actes du gouvernement des israéliens. Le peuple français me semble remarquablement indemne d'antisémitisme.

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