Il est évident a priori qu'il n'y a pas une grande distance entre la politique à laquelle aspirent des "socialistes" comme Carole Delga ou des "écologistes" comme Yannick Jadot et celle que leur propose Macron avec son rêve de gouvernement du centre élargi n'excluant que les extrêmes.
Il suffirait pour emporter leur adhésion qu'en sus d'un poste ministériel le Président leur offre une couverture politique et morale en la personne d'un premier ministre certes acquis à 100% aux "lois du marché", mais présentant un profil mordoré tel et une biographie chatoyante telle qu'on puisse le dire d'une certaine manière et d'un certain point de vue, inspiré au fond de son cœur par certaines valeurs d'une certaine gauche.
On balance, nous dit-on à ce sujet entre au moins deux personnalités fascinantes : Monsieur Karim Bouamrane, Maire de Saint-Ouen, ancien marocain d'origine communiste (ou le contraire) et Monsieur Bernard Cazeneuve, homme de devoir, de mesure et de culture.
Si Delga et Jadot n'ont pas déjà couru dans les bras présidentiels (nonobstant une étreinte diversement appréciée), c'est de peur de lâcher la proie pour l'ombre ! Il s'agit d'obtenir un maroquin, mais quelle est la voie la plus sûre ?
L'arithmétique est cruelle : Delga et Jadot sont minoritaires dans leurs partis respectifs et leur renfort serait très insuffisant pour asseoir le plan Macron, même en y ajoutant la plus grande part du PCF, prêt à tout comme toujours pour survivre et ce faisant, parfaire son agonie.
Grignoter les parties déjà pourries du NFP ne suffit pas, Macron doit briser, casser, enterrer le NFP. Alors, sans perspective à gauche, le PCF, avec les majorités de EELV et du PS seraient (espère-t-on à l'Elysée) disposés à tenter une nouvelle aventure Macro-hollandiste ouverte (par "réalisme") à droite.
Le lecteur se dit : « Oui, mais c'est irréalisable. L'espoir né quand François Ruffin a lancé le mot d'ordre de Front Populaire ne va pas s'évaporer dans les semaines ou les mois qui viennent ».
En effet ! Sauf si Macron reçoit l'aide puissante d'un homme politique important qui lui aussi a impérativement besoin d'enterrer le NFP : Jean-Luc Mélenchon.
Mélenchon a subi le NFP comme il a subi la NUPES. Sa position reste la même depuis huit ans : Il n'y a d'union admissible que derrière LUI.
C'est UNE conception politique, celle du TRIBUN. J'y suis personnellement opposé, et j''adhère à la position politique de François Ruffin : union avec une ÉQUIPE politique. Mais j'insiste : c'est une position politique que celle de Mélenchon. Il n'est pas question de la mépriser, de la balayer. On peut citer de nombreuses conjonctures historiques dans lesquelles le peuple s'est rassemblé derrière un CHEF.
Ces jours derniers, Mélenchon (assistés de Bompard et de Panot, mais faut-il mentionner ces noms ?) a lancé l'idée d'une procédure en destitution (article 68, merveilleuse coïncidence numérique...) lancée contre le Président, s'il ne nommait pas Lucie Castets première ministre. Le PS, le PCF, les écolos, Lucie Castets elle-même se sont récriés. Avant tout parce que Mélenchon n'a pas daigné partager cette géniale idée avec ses "partenaires". Qu'est-ce que cela signifie sinon qu'à ses yeux il n'y a pas de "partenaires "!!!
La mise en route d'une procédure de destitution n'est certainement pas, en soi, absurde, hors le fait qu'elle ne peut aboutir qu'avec une majorité des deux tiers, donc avec le soutien plein et entier des députés de gauche, de droite et du RN...
Mais à titre symbolique, elle pouvait avoir un sens si elle avait été avancée après consultation des partenaires et bien sûr après la décision de Macron.
Lancée de manière solitaire et prématurée, elle a deux conséquences : a) elle affaiblit le NFP et b) elle tend la perche à Macron pour ne pas désigner Lucie Castets "sous la menace".
Telle quelle, cette "menace " est une pantomime grotesque.
Maintenant, "on apprend" que tel ou tel, à la droite pourrie minoritaire du PS aurait déclaré que Cazeneuve "a été un bon premier ministre" et suite à ce bruit minuscule (on le sait, qu'il reste des hollandistes au PS, ce n'est pas nouveau... Hollande lui-même !) la garde rapprochée de Mélenchon se remet à hurler.
Je le répète, la stratégie politique de Mélenchon n'est pas une erreur, n'est pas une maladresse, n'est pas un excès. C'est la stratégie du Tribun. Il ne veut pas d'alliés (souvenons-nous comment il a traité le PCF en 2017 "vous êtes la mort et le néant"), il ne veut pas de partenaires.
Il ne veut absolument pas que se mette en place un gouvernement dirigé par Lucie Castets : si elle n'échouait pas trop vite, elle ferait un candidat naturel de la gauche à la prochaine présidentielle ! Hors de question !
Les politiques favorables à l'union et à la démocratie sont des ennemis pour Mélenchon. La "purge" (ratée) de Davi, Corbières, Simonnet, Garrido, la mise à l'écart de Autain, de Ruffin, n'a pas d'autre sens. Ennemis aussi Marine Tondelier, Olivier Faure etc.
Le calcul de Mélenchon (il l'a clairement déclaré à la presse étrangère, voir son entretien avec Repubblica) c'est d'arriver le plus vite possible à une prochaine élection présidentielle, parvenir au second tour et dire aux électeurs, en visant l'autre finaliste (sans doute Le Pen) : « Qui détestez-vous le plus ? ».
Pour ma part je ne pense pas que de cette manière Mélenchon puisse jamais arriver au second tour. Mais même s'il y était, même s'il gagnait le second tour, comment gouverne-t-on quand on est simplement "le moins haï" ?