(billet d'un qui est là jusqu'au 5 mai).
On le sait : le gouvernement mandate les préfets et les juges pour faire venir au tribunal tout ceux qui s'opposent avec vigueur au génocide en cours à Gaza.
Cela vise des militants de toutes tendances, mais avec tout de même une cible favorite : la France Insoumise pour la raison qu'en effet, c'est le mouvement politique qui s'est levé avec le plus de clarté pour les droits des palestiniens, contre la colonisation, contre le vol des terres, contre les tortures de prisonniers palestiniens, contre les calomnies visant l'UNRWA, contre l'apartheid, contre les crimes de guerre et contre le génocide en cours dont le gouvernement israélien est coupable et une majorité de citoyens israéliens sont complices, sans parler de la complicité des gouvernements US, allemands, français etc.
Ciblés, donc, la France Insoumise, ses militants, et maintenant Mathilde Panot, Présidente du groupe parlementaire, convoquée pour "apologie du terrorisme !"
Qui anime cette puante offensive ? Le gouvernement de Macron, bien sûr. Qui le relaie ? La droite et l'extrême-droite, certes, mais leur impact, sur un tel sujet, ne pèse guère. C'est un autre secteur du camp bourgeois qui est à la manœuvre, le marais hollandais, les Glucksmann, Cazneuve, Cambadélis, Delga et tutti quanti.
On s'indigne et on a raison. Mais comme le dit le grand Spinoza, philosophe néerlandais séfarade : "ni rire, ni pleurer, comprendre".
Pour poser la question simplement : à quoi ça rime ?
L'opinion française est majoritairement hostile aux exactions israéliennes actuelles. Cela veut dire qu'en accusant la FI d'être le meilleur soutien des droits des palestiniens, cette campagne lui rend plutôt service. Le sens de cette campagne n'est pas de discréditer la FI, qui, même à gauche, n'a pas une trop belle image, mais pas du fait de ses positions sur le moyen orient, plutôt du fait de son attitude au regard de la démocratie : la marginalisation des meilleurs : Ruffin, Autain, Garrido, Coquerel, etc celle des meilleurs militants aussi à la base...
Pour comprendre le sens de la campagne anti FI et anti Mélenchon, il faut envisager les trois années qui nous mènent jusqu'à la prochaine élection présidentielle.
Son équation est assez simple et bien connue. Il y a un candidat largement favori tant de la présidentielle que des législatives et c'est Marine le Pen avec son parti le RN.
La droite classique ne semble pas, à l'heure qu'il est, en mesure de menacer le RN. La droite macronienne (Edouard Philippe ? Darmanin ?) sera probablement, en 2027, affaiblie par ses nombreuses actions anti populaires, contre les classes travailleuses, contre la culture, contre l'enseignement, et même contre de larges couches de la petite bourgeoisie.
Le seul camp qui pourrait compromettre l'élection de Le Pen, c'est la gauche si elle était unie.
Les Glucksmann, Cazeneuve, Cambadélis, Delga proposent une gauche unie dans le style Hollande 2012. On a le droit de ricaner : 😠 ça n'est pas possible, mesdames et messieurs, ça n'est pas possible...
Reste ce qui a été esquissé avec la NUPES.
Il ne semble pas complètement impossible qu'une équipe émanée du PCF, de la FI, de EELV, de la gauche du PS, présente un candidat commun : Ruffin. À l'heure actuelle personne d'autre, à gauche, ne semble en mesure de permettre cette unité.
Mélenchon, en quittant le PS en 2008, en créant le Parti de Gauche puis, avec le PCF, le Front de Gauche, en impulsant la rédaction d'un programme de transition éco-socialiste de qualité (LAEC), en trois candidatures qui ont eu des millions de suffrages (8 millions en 2022) a permis qu'émerge, là où les partis du PS et du PCF éreintés finissaient d'agoniser, une gauche sérieuse de changement social et écologique jeune et potentiellement puissante. Il n'a pas voulu organiser cette jeune gauche en un mouvement démocratique. Il a eu tort, mais c'est une autre question.
Aujourd'hui, pour des raisons qui tiennent à la fois à ses erreurs et bien sûr, à la haine des classes dirigeantes et de leurs médias, on admet que l'unité de la gauche ne se fera sans doute pas autour de Jean-Luc Mélenchon et qu'elle pourrait se faire autour de François Ruffin.
Un sondage, récent, contestable comme tous les sondages mais intéressant, dit que si les élections avaient lieu dimanche prochain, avec Ruffin comme candidat unique de la gauche, Ruffin serait au premier tour à 29%, 1 point derrière Le Pen et 4 points devant E. Philippe. Alors, au second tour, le sondage donne les deux finalistes à égalité, 50% chacun...
Selon le même sondage, dans le cas (improbable) ou Mélenchon serait candidat unique de la gauche, il serait très largement distancé (18%) et ne participerait pas au second tour. Et dans l'hypothèse où il y serait, il serait largement battu par Le Pen.
En dépit de toutes les réserves que l'on peut faire sur les sondages, la force de celui-ci c'est que les gens qui réfléchissent... n'ont pas besoin de sondages pour aboutir à de telles conclusions : bien sûr que Ruffin est aujourd'hui un bien meilleur candidat que Mélenchon.
Dès lors, la stratégie pour les classes dirigeantes, très minoritaires mais qui disposent de toutes les grandes puissances médiatiques est facile à définir : casser Ruffin.
Un bon moyen consiste à l'opposer à Mélenchon. Même si tout le monde, dans notre camp, voit que ce sera Ruffin ou Le Pen, une bonne part des militants restera fidèle à Mélenchon. Non sans raisons, vu son rôle passé !
Ruffin a une image de réformateur ambitieux mais prudent, démocrate et mesuré. Mélenchon, celle d'un homme fougueux, passionné, engagé.
La charge actuelle contre Mélenchon a pour but de mettre Ruffin en difficulté. S'il ne se montre pas assez solidaire de Mélenchon (de Panot, etc), il se coupe de la partie la plus "chaude" du mouvement. Si lui-même s'engage trop dans la solidarité avec des formules que nos adversaires présentent comme outrancières et suspectent, il abîme son image de responsabilité et de mesure.
Ce sont là des considérations qu'un gauchiste balayera avec mépris, mais qu'un militant du camp des ouvriers, qui veut vaincre la bourgeoisie prendra en compte.
Jean-Luc Mélenchon l'a compris : il ne charge pas Ruffin, il ne suspecte pas son manque de soutien. C'est qu'il n'ignore pas ce que serait une victoire du camp du RN : un écrasement de tout ce qui constitue "la gauche", le mouvement ouvrier et démocratique.
D'autres le font, en particulier le POI. C'est une erreur irresponsable. Opposer Mélenchon et Ruffin c'est exactement ce que veut l'oligarchie pour assurer le succès du RN.
Qu'on se le dise !!!