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Billet de blog 25 septembre 2017

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La rue et la démocratie

Avec sa proposition d'action politico syndicale de masse, Mélenchon se montre extrêmement hardi.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bien sûr que la démocratie, c'est aussi la rue ! Bien sûr que fin août 1944, la RUE a chassé les nazis de Paris (et de nombreuses autres villes). La grève des cheminots, la grève du métro, la grève des postiers, la grève des policiers et leur enrôlement dans les FFI, les FFI dans les rues, dirigées par Rol-Tanguy, la prise de l'hôtel de Ville, cela s'appelle une insurrection populaire et elle appartient à l'histoire !

Le pire dans la réaction de Castaner, « porte parole du gouvernement », c'est qu'il a oublié, il ne connait pas l'histoire de France. Il nie que le peuple, dans la grève et dans la rue, à contribué de manière décisive àchasser l'occupant. S'il était, au moins, un réactionnaire malin il aurait plutôt relevé ce fait, scandaleux pour les classes dirigeantes : Mélenchon a vanté une insurrection...

Mais les premières constitutions de notre République ont posé que l'insurrection peut être, en cas de tyrannie (ou de coup d'état social) le plus sacré des devoirs.

Bien sûr que la démocratie, ce n'est pas seulement l'Assemblée Nationale et les élections. Moins de la moitié des français ont voté pour les députés de cette Assemblée Nationale. Elle exprimerait le pouvoir du peuple ? Alors que pratiquement aucun député n'est ouvrier ? Paysan ? Artisan ? Employé ?

Bien sûr que la Rue peut chasser Macron, cet imposteur qui, élu par 18% des citoyens en âge de voter, veut renverser les acquis sociaux de cent ans de luttes ouvrières.

En 1968, le Général de Gaulle a dû dissoudre l'Assemblée Nationale qui le soutenait, pour tenter d'obtenir une confirmation de son pouvoir au moment où, après deux mois de complet blocage par la grève la plus longue et la plus large que la France ait jamais connu, il fallait donner aux classes dirigeantes le moyen de reprendre la situation en main.

Avec succès ! Puisqu'aucune alternative politique n'existait ! Seul le PCF était en mesure de mettre en avant une alternative : un « Gouvernement Populaire », mot d'ordre dont le quotidien l'Humanité a rapporté qu'il émergeait spontanément des cortèges. Le PCF s'est bien gardé d'ouvrir cette perspective, et les classes dirigeantes ont pu sauver leur peau.

En 1997, Chirac, lui aussi, a dissous l'Assemblée Nationale qui pourtant était de droite (mais pas tout à fait SA droite). Et cette fois, il en est sorti... une majorité de gauche (PS et PCF) et Lionel Jospin a été premier ministre.

Il n'y a donc rien d'impossible à ce que Macron soit mis en échec et le pouvoir contraint de dissoudre l'AN. Et cette fois, une véritable alternative existe, avec un programme prêt à l'emploi.

Samedi 23, Mélenchon et les Insoumis ont gagné leur pari : la manifestation était massive et très largement unitaire. Les dirigeants du PCF et ceux du mouvement de Benoit Hamon étaient là, on pouvait observer de nombreux drapeaux rouges (dont ceux du POI) et l'échange chaleureux entre JLM et Poutou donnait un sens à la présence de nombreux militants du NPA dans le cortège.

https://www.facebook.com/beatrice.walylo/posts/10213999991455604

Dans son discours sur la place de la République, Mélenchon a prononcé un éloge appuyé de l'action des travailleurs répondant aux mots d'ordres syndicaux. Il a évoqué la nécessité du « tous ensemble » et fait une proposition originale : une manifestation organisée à la fois par la CGT et la FI, en masse sur les champs Elysées le jour où les ordonnances reviennent à l'Assemblée Nationale.

Au Royaume Uni, des syndicats adhèrent au Labour. La fusion, dans le camp des travailleurs, entre politique et syndicats ne choque pas. La tradition française, qui puise dans l'anarcho syndicalisme, a toujours, en principe, mis très haut l'indépendance syndicale. Mais entre les principes et la réalité, il y eut le plus souvent davantage qu'un petit écart ! La CGT a longtemps passé pour la « courroie de transmission » du PCF dans la classe ouvrière. Des militants ouvriers ont été, jadis, exclus de la CGT pour avoir manifesté leur soutien à Tito dans son opposition à Staline ! Et la CGT-FO, au contraire, manifestait son « indépendance » en acceptant le soutien des syndicats anti communistes américains...

A dire vrai, l'indépendance qui est nécessaire, c'est celle des syndicats relativement aux classes dirigeantes. Spécialement l'indépendance des dirigeants syndicaux que l'on voit rarement, quand ils prennent leur retraite, ne pas jouir d'un de ces postes tranquilles et dorés auxquels on ne peut accéder qu'avec le soutien de l'Etat.

La situation est nouvelle, et il se peut que les évènements à venir produisent du nouveau. Martinez est devant une situation qui fait penser à ces « propositions » que l'on peut difficilement refuser. Cela doit le faire s'étrangler, qu'un dirigeant politique lui propose d'appeler en commun à une grande manifestation contre les ordonnances et le coup d'état social. Difficile à accepter, que l'on soit « devant » ou « derrière »... Difficile aussi à refuser, car à la base, les travailleurs poussent vers le « tous ensemble ».

Mélenchon, avec cette proposition, pousse loin le bouchon, comme on dit à Marseille. Il aurait pu laisser reposer la pâte et attendre la prochaine provocation de Macron. Je sais que des amis lui ont plutôt conseillé la prudence. Il a préféré prendre ce gros risque. Les jours qui viennent diront s'il gagne encore ce nouveau pari. On ne peut que le souhaiter.

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