Je pense que les fondateurs de l'APRES (Garrido, Autain, Davi, Corbières, Simonnet, Ancelet, Martin, Madaule...) disent vrai en affirmant n'avoir voulu, en 2023, créer avec cette association qu'un lieu de réflexion et de débat, lieu manquant cruellement à la France Insoumise.
Leur expulsion violente, bureaucratique, antidémocratique, sans aucune participation des militants à la décision, a changé la donne. Nous voilà engagés dans la construction d'un parti.
Nous avons des cotisations mensuelles, un Parlement, des groupes de travail préparant des statuts, un Congrès, l'élection des dirigeants etc.
Mais rien de tout ceci ne relève d'une routine. Une organisation militante de combat pour l'émancipation du Travail est un organisme vivant dans un environnement politique dynamique, agité. Rien n'est simple, rien n'est acquis.
En juin 2017, construire un parti démocratique de masse était, pour Mélenchon, un jeu d'enfant. Il pouvait le faire en s'appuyant sur les six cent mille soutiens de sa campagne, qui avaient donné leur adresse et un soutien financier. Il avait, avec le soutien grognon du P.C.F. (grognon, mais soutien quand même), culbuté le PS, parti de François Hollande, qui était passé de 30% à 5%. Il avait un document de travail, de réflexion programmatique remarquable, L'Avenir en Commun.
Pour des raisons qui tiennent exclusivement à son histoire politique personnelle, faite de magouilles et de déboires au sein du PS dans les vingt années précédentes, il a reculé, il a failli, et inventé des théories complètement absurdes de mouvement "non démocratique, mais collectif". Il a mis en place le simple et borné culte du chef. Résultat, en vagues successives, ses soutiens les plus expérimentés sont partis, ceux qui restaient malgré tout fidèles, il les a lui-même expulsés. Par conséquent, son mouvement a raté toutes les élections suivantes : municipales, régionales, présidentielles.
Il est régulièrement incapable d'obtenir par lui-même les 500 "parrainages" d'élus nécessaires à la présentation d'une candidature présidentielle... La dernière fois, c'est Bayrou ! qui a lancé un appel pour venir à son secours...
Malgré tout, ses "scores" à l'élection présidentielles lui ont assuré un groupe de députés. Hélas insuffisant (comme les fameux "scores").
La FI, fondée démocratiquement en juin 2017, aurait été un mouvement neuf, exempté des kyrielles de trahisons du PCF et du PS, nantie d'un programme de transition vivant, courageux et réaliste.
Faire aujourd'hui, à partir de l'APRES, ce qui n'a pas été fait en juin 2017, n'a rien d'évident. C'est un pari dont l'objectif est d'empêcher que TOUT ce qui était là en juin 2017 ne soit définitivement perdu.
Construire un parti démocratique, en dehors même d'un grand évènement politique, est une gageure. Le discours anti-démocratique de la clique Bompard (contre le débat, contre le vote, pour la soumission au chef...) a laissé de sinistres traces dans l'esprit des jeunes. Le "consensus !". Qu'est-ce que le consensus, sinon : « Tout le monde partage... l'opinion du chef !».
La FI est aujourd'hui constituée de six dizaines de députés, une ou deux centaines de jeunes bureaucrates ambitieux et quelques milliers de militants sans expérience ni formation politique de base. Ce n'est pas une force politique. C'est le troupeau des fans du Chef.
Il existe des quantités de désaccords qui, faute d'être débattus, ne peuvent que fermenter et pourrir la pensée politique. Désaccords au sein de la NUPES et du NFP, mais aussi, nécessairement, au sein de la FI. A l'extérieur, ils sont mis sous le tapis dans le programme ("ce point sera soumis à la sagesse des députés") à l'intérieur ils sont tus. Comme dans les Églises évangéliques, "une opinion", c'est un péché mortel..
Le PCF et le PS sont pro-nucléaires. EELV et la FI sont anti. Le PCF et la FI sont pour, le cas échéant, désobéir à Bruxelles. Le PS est contre et EELV, divisé sur ce sujet. EELV et le PS sont pour réarmer. La FI et le PCF sont réservés... ETC...
Mais non ! Quand j'écris "la FI" il faut lire "Mélenchon". On ne sait pas ce que pensent les militants. Le refus de la démocratie c'est comme le cerclage d'un tonneau qui pourrit. On connait les conséquences : un jour, cela s'effondre.
Bien sûr, l'APRES devra affronter, dans le meilleur des cas avec mesure et bon sens, ces difficiles questions.
Il faut prendre acte du fait suivant : il n'est pas possible que la FI et l'APRES coexistent longtemps. Dans les deux ou trois années qui viennent, l'un des deux aura disparu.
Aujourd'hui Mélenchon et l'APRES s'opposent sur UNE question. Mélenchon n'est concerné que par ce qu'il pense être "son destin" : devenir Président de la Vème République.
L'APRES joue la carte du Front Populaire. Mélenchon a besoin de briser le NFP pour imposer sa candidature, contre tous, à gauche.
L'APRES mise sur la volonté d'une candidature unique du NFP à la présidentielle. Un objectif à atteindre serait d'acter la volonté d'union du PCF, du PS et de EELV en sus de l'APRES.
Mais auparavant, il y a les élections municipales. C'est le premier terrain où vont s'affronter les deux stratégies, l'union, ou le sectarisme. Il est probable que les municipales, Mélenchon s'en fiche. Il va diviser, diviser, quitte à faire gagner des villes à la droite et à l'extrême-droite.
Cela peut susciter une crise parmi les députés FI. Voilà une première échéance.