France Inter, mercredi 26 mai 2022, 7h44.
Sirotant mon café, j'écoute d'une oreille distraite. Un homme, dans le poste (en fait, bien sûr, c'est mon ordi qui cause, relayé par le petit Bose) déplore la situation politique de l'heure dans notre beau pays.
Depuis son studio, situé dans le XVIème arrondissement de notre capitale, je l'entend décrire une situation politique désolante puisque, à l'en croire, "toutes les forces de gouvernement" (c'est à dire, susceptibles, du fait du caractère raisonnable de leurs conceptions politiques, de gouverner) sont maintenant rassemblées autour d'un "centre solide" chevillé par Emmanuel Macron.
Quant aux "oppositions populistes extrémistes dont l'accès au pouvoir déchirerait l'Europe", elles sont naturellement condamnées à rester à l'écart, ce qui, regrette l'éditorialiste, empêche désormais toute alternance.
Et le voilà qui cite, en exemple d'une situation plus raisonnable, nos voisins allemands : une CDU, un SPD, "qui ont des orientations différentes, mais sans que cela signifie ... la fin du monde"...
Cet homme s'appelle Thomas Legrand.
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Et je me dis, mastiquant ma tartine : "Pourquoi devons-nous supporter une aussi grossière propagande ? Qui autorise ce fanatique à nous cracher dessus dès le matin ? Qui lui tend un micro pour qu'il y déverse des boniments aussi vulgaires ?". Voilà ce que je me dis.
Dans notre pays, près d'un million de citoyens comptent, pour se nourrir, sur les restaurants du cœur. Dans notre pays, cinq millions de travailleurs sont au chômage et la précarité explose. Dans ce pays, neuf millions de citoyens sont au dessous du seuil de pauvreté. Ce pays se désindustrialise à vitesse accélérée. La balance du commerce extérieur a atteint en 2021 son record historique de déficit. Selon les évaluations internationales, notre École sombre. Dans ce pays le travail n'enrichit plus personne, ce sont les revenus du capital qui font advenir de nouveaux milliardaires. Ceux-ci ont, ces cinq dernières années plus que doublé leur indécent magot. Dans un monde planétaire qui voit l'environnement humain se dégrader à toute vitesse, la France de Macron est internationalement pointée du doigt pour son inaction.
Il n'est pas choquant qu'un partisan de la désastreuse politique actuelle, celle suivie sous les trois dernières présidences, par exemple, prenne la parole sur les ondes nationales pour défendre sa conception. Mais dès lors que son engagement politique est caché sous une prétendue neutralité, la "mesure", le "bon sens", alors même qu'il caricature grossièrement les positions qu'il évoque, il s'agit d'une insupportable PROPAGANDE comme l'Union Soviétique en a connu sous Brejnev, et la Russie aujourd'hui sous Poutine.
L'opposition --si tant est qu'elle ne s'avère pas ... la majorité-- incarnée par la NUPES, ne se donne pas pour "extrémiste".
Si l'on constate une "fin du monde" aujourd'hui, c'est celle du monde des actionnaires, victime de la propre voracité de ses privilégiés, et l' accession de la NUPES au pouvoir ne déchirerait pas plus "l'Europe" --Legrand parle en réalité de l'U.E.-- que ne l'a fait le Brexit ou que ne le font les positions polonaises et hongroises.
Nous devrions pouvoir souhaiter entendre, le matin, sur la radio nationale, des "éditos politiques" honnêtes. C'est à dire, non pas "objectifs" -- cela n'existe pas-- mais ouvertement engagés, dans l'un ou l'autre des principaux camps.
On me dira que France Inter reçoit chaque matin des responsables des différents camps, ce qui, c'est vrai, n'existe pas dans le pays de Poutine (du moins, à ma connaissance). Ce que je demande c'est la suppression de la tribune prétendue objective, soi-disant "au-dessus de la mêlée.
Que Thomas Legrand parle pour Macron ! Soit ! Mais que cela soit dit !