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Billet de blog 26 septembre 2023

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Comment lutter contre l'antisémitisme ?

À propos d’un petit livre de Pierre Stambul : “Contre l’antisémitisme et pour les droits du peuple palestinien” (Editions Syllepse)

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Un même combat

Si la réunion dans le titre de deux combats souvent séparés étonne, nous verrons qu’elle a dans l’esprit de l’auteur beaucoup de sens.

Stambul commence par rappeler que durant une première période –de loin la plus longue : au moins dix-huit siècles-- “la question juive” est déterminée par les interdits édictés par les religions chrétiennes et assumés par les monarchies en Europe. C’est l’antijudaïsme avec son cortège de ségrégations, de persécutions et de massacres (pogroms). Dans les contrées dominées par l’Islam, les juifs sont tenus à part, comme les différentes nuances de chrétiens, mais non persécutés.

Il souligne que le mot “antisémitisme ” apparaît au dix-neuvième siècle sous la plume de Wilhelm Marr (1819-1904) en même temps que les premières théories racialistes et que l’émergence du concept de Nation, nation parfois voulue “ethniquement pure” !

Suivant en cela l’historien Marc Bloch et les travaux de nombreux historiens, y compris israéliens, Stambul note que «Les Juifs d’aujourd’hui ne descendent pas en général des judéens de l’Antiquité. Ils sont majoritairement descendants de convertis de différentes époques et de différentes régions

C’est en réaction à l’antisémitisme que naît le mouvement sioniste à la fin du XIXème siècle, qui prône la séparation des juifs et des non juifs, et l’installation des premiers sur une terre dont les habitants ne seront pas “colonisés”, mais expulsés.

Plus complémentaires qu'opposés.

Sionistes et antisémites apparaissent au regard de l’histoire davantage comme complémentaires que comme opposés. Edouard Drumont, “Père” de l’antisémitisme racial français, écrit, à propos du projet sioniste : «Les Juifs font notre bonheur en faisant le leur» et l’empereur allemand Guillaume II (que Théodore Herzl rencontrera deux fois), écrit ces mots : «Laissez les youpins aller en Palestine, le plus tôt sera le mieux».

La partie dite “révisionniste” du sionisme, raciste et fasciste, qui domine aujourd’hui la politique israélienne (Begin, Shamir, Nétanyahou...) était déjà, il y a un siècle, vantée par Mussolini en la personne de Jabotinsky (dont le père de Nétanyahou était le secrétaire), et ceci éclaire la parfaite bonne entente des dirigeants actuels de l’état d’Israël avec de fieffés antisémites déclarés comme Viktor Orban. Les églises évangéliques politiquement situées à l’extrême-droite (elles ont soutenu Trump, Bolsonaro et bien d’autres) sont les plus ardents supporters des gouvernements israéliens. Pourtant, elles n’ont pas renoncé à l’antisémitisme puisque selon leur plan, tous les juifs du monde doivent venir en Israël et se convertir au christianisme … ou être annihilés.

La conquête sioniste en Palestine dans les années 1940 et suivantes a justifié beaucoup de crimes, à commencer par l’expulsion de la grande majorité de la population autochtone C’est à ce moment, dit Stambul, que les sionistes inventent « la belle histoire » des Juifs qui rentrent chez eux après 2000 ans d’exil…

Durant la seconde guerre mondiale, tandis que les nazis mettent en œuvre la “solution finale”, occupent la majeure partie de l’Europe et projettent d’en finir avec leur principal adversaire, le Royaume Uni, les sionistes, conquérant la Palestine sous mandat britannique, combattent, eux, des anglais.

L’auteur dit que aujourd’hui, avec la loi “Israël, État-nation du peuple juif”, le doute n’est plus permis : «ce qui se fait là-bas au nom des Juifs (…) n’a rien à voir avec l’histoire, la mémoire et les identités juives».

L’équation juif=sioniste et donc antisioniste = antisémite

L’équation juif=sioniste et donc antisioniste = antisémite a été imposée, avec la complaisance de beaucoup de médias, et a servi en particulier à abattre politiquement Jeremy Corbyn qui portait la possibilité d’un cours nouveau pour le Labour.

Pierre Stambul souligne que si en France l’État agit fermement contre tout acte antisémite, c’est loin d’être le cas pour les actes racistes visant les Noirs, les Arabes, les Musulmans, les Rroms.

Cette situation ne protège pas les Juifs, elle alimente, au contraire, les pires stéréotypes antisémites.

D’autre part, en bien des lieux, «l’image du Juif n’est plus associée à celle du paria victime du racisme, mais au raciste suprématiste». Elle n’est plus principalement rattachée aux générations qui ont lutté pour l’émancipation et furent persécutées, mais malheureusement, davantage à un État raciste coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Dans ces conditions, demande l’auteur, «Comment lutter contre l’antisémitisme ?»

Et il répond en citant de nombreuses actions accomplies en faveur du “Vivre ensemble” :

Leïla Shahid (diplomate palestinienne), Dominique Vidal (Français issu d’une famille juive), Michel Warschawski (un Juif israélien anticolonialiste) sillonnant la France des quartiers populaires pour expliquer ce que l’occupant inflige aux Palestiniens,

60 lycéens israéliens annonçant qu’ils n’iront pas à l’armée du fait de «la politique sioniste de violence brutale envers les Palestiniens»,

la dénonciation inlassable par des journalistes israéliens comme Amira Hass et Gidéon Levy des crimes de l’armée israélienne,

l’engagement de jeunes Juifs des États Unis en faveur du mouvement “ Boycott, Désinvestissement, Sanctions” .

L’Union des Juifs de France pour la Paix, dont Pierre Stambul est militant et animateur depuis longtemps, s’engage avec des mouvements de Noirs, de Rroms, de musulmans en France, elle proteste contre la dissolution du CCIF. Les paysans de Gaza ont construit un château d’eau (pour leurs récoltes) avec l’argent d’une souscription menée par l’U.J.P.F., sigle qu’ils ont inscrit au sommet de l’édifice.

C’est la conclusion politique du livre, qui se termine avec une mini-autobiographie de l’auteur, intéressante en elle-même.

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