Le 26 avril 1937, jour de marché, quatre escadrilles d'avions de chasse allemands, protégés par des avions de chasse italiens ont bombardé la petite ville de Guernica avec des bombes explosives puis à la mitrailleuse pendant plus de trois heures, enfin avec des bombes incendiaires. Les pompiers locaux n'étant pas capables d'éteindre le feu, celui-ci s'est étendu et à consommé les deux tiers des habitations. Une grande partie de la population fut tuée ou blessée.
C'est le gouvernement républicain (légal) qui commande cette toile monumentale (trois mètres et demi sur presque huit mètres !) à Pablo Picasso, qui la réalise en à peine un mois, après un intense travail de préparation portant sur la composition.
Je me promenais tout à l'heure sur la petite route de montagne près de chez nous. Le ciel est gris, noir par endroits, et c'est ce qui m'a fait penser aux horreurs vécues en ce moment même à Gaza, et au tableau de Picasso, lui aussi peint sans couleurs, en nuances de gris.
Je me demandais si ces nuages pouvaient avoir voyagé depuis le sud est, emportant quelques particules de l'acier des centaines de tonnes de bombes, portant jusqu'ici de la poussière de ciment des milliers de maisons détruites, mêlant à toute pluie les gouttes de centaines de litres de sang versé.
Je me demandais si, en tendant l'oreille, je pouvais deviner les hurlements de douleur et de terreur des hommes, des femmes et des enfants écrasés, déchirés, mutilés, à trois mille kilomètres de chez nous, seulement.
Charles Baudelaire, évoquant les grands peintres, écrit :
Car c'est vraiment, seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité,
Que cet argent sanglot, qui roule d'âge en âge,
Et vient mourir au bord de votre éternité.
Mais moi, je vois que notre dignité est morte et qu'aucune œuvre ne la recréera. Certes Guernica n'est pas une belle peinture : c'est un cri.
Mais je crains que l'artiste capable même d'exprimer l'horreur de ce qui s'est passé (j'y inclus les actes précédents qui y conduisent) n'existe pas.
Notre espèce mérite-t-elle de survivre ?