Sur la campagne du NON au TCE, la fraction PS engagée n’a représenté qu’une fraction d’un mouvement bien plus large où se sont investis comme jamais les militants syndicaux et associatifs.
C’est l’échec de la recherche d’une candidature unitaire prolongeant cette dynamique pour la présidentielle de 2007 qui a ouvert un espace pour le Parti de Gauche.
La perspective du parti-creuset ambitionnait de rassembler toutes les cultures qui s’étaient mobilisées. Elle était fondatrice et a donné lieu à des travaux programmatiques approfondis (Lignes d’horizon) pilotés pendant deux ans par Rigaudiat et moi-même et qui devaient être débattus et adoptés en congrès en 2011. Au dernier moment le texte ne figurait plus à l’ordre du jour sans que personne, à part Mélenchon et Delapierre, ne soit prévenu.
Cet abandon de fait du parti-creuset actait le tournant vers le populisme et la fantasmagorie révolutionnariste signant l’arrêt de mort de toute perspective de rassemblement majoritaire.
Le « bruit et la fureur » qui ont été s’amplifiant ont durablement affecté l’image de Mélenchon qui ne parviendra jamais au 2ème tour d'une présidentielle. La bataille a été menée par Rigaudiat et moi (voir Lignes d'Horizon du 03-10-2010) et quelques autres mais, entre les faibles et les opportunistes, nous avons été isolés dans un parti qui n’était qu’une petite excroissance de PRS et donc composé essentiellement de « gardes rouges » hypnotisés par le grand timonier.
Le tournant populiste sera théorisé sous la forme : pas besoin d’un grand parti avec des tendances et congrès, ce qui est efficace c’est un leader charismatique entouré d’une cohorte de fer tournée vers l’action car on ne discute jamais collectivement des orientations puisqu’il suffit d’appliquer des consignes ; et on ne tire jamais de bilan car cela reviendrait à douter de l’omniscience du Guide suprême !
Il avait oublié que Mitterrand avait jugé utile de dépasser la CIR pour conquérir le PS puis l’Elysée.
On retrouve aujourd’hui chez Bompard cette ode à l’efficacité plutôt que la démocratie. C’est l’argument de vente par Xi Jin Ping de la soi-disant supériorité du modèle chinois vendu aux potentats africains ! La recherche de l’efficacité sans la démocratie conduit à l’autocratie et au totalitarisme et in fine n’est pas efficace !
L’orientation populiste autour d’un grand leader aura été le fil conducteur de la dernière présidentielle avec le refus de discuter avec d’autres forces de gauche jusqu’à la dernière ligne droite où le PCF est soudain accusé d’avoir brisé le Front de gauche que Mélenchon avait sabordé en 2017. Et puis tournant à 180° aux législatives, il faut des listes d’union de la gauche baptisées NUPES pour sauver les meubles.
Ces revirements au gré des humeurs illustrent deux choses chez Mélenchon : l’absence d’analyse sérieuse de la réalité du pays qui lui fait prendre ses désirs pour des réalités (voir document en annexes : interpellation au CN du PG du 31 mai 2011) et que l’on a revu après la manifestation Nupes cet automne (un nouveau Front populaire est né !) ; l’absence de vision stratégique que ne remplit pas un empilement de coups tactiques, parfois réussis, mais jamais durables au-delà de la prochaine foucade qui détruit ce qui a été construit. Quant aux militants, l’activisme sans débat est destructeur, y compris humainement.
La crise actuelle est effectivement profonde car la base de LFI, certes gazeuse, est beaucoup plus large que le PG de 2010 et n’est pas composée que de « gardes rouges ». L’aspiration à la démocratie s’exprime donc avec beaucoup plus de force. Combiné avec la gestion calamiteuse de l’affaire Quatennens, cela va faire des dégâts dans la base militante.
Mais je ne doute pas un instant que Mélenchon va passer en force pour constituer sa nouvelle cohorte de jeunes dévoués corps et âmes pour sa nouvelle campagne en 2027 si sa santé ne le trahit pas. Quand je vois que certains s’offusquent du manque de démocratie qui les rejette aujourd’hui alors qu’ils ont servi sans états d’âme à édifier un tel système autocratique pendant dix, quinze, vingt ans, je doute de leur sincérité.
Quant à la reconstruction d’une gauche digne de ce nom on ne voit pas pour l’instant d’où peut venir la lumière. Mais le combat continue !
CD, le 28-12-2022.