Novembre 2008. Dixième anniversaire de la Biennale internationale de Design de Saint-Etienne. L’une des expositions phares, Eco-city Lab, présentait des exemples de solutions locales, issues de plusieurs endroits de la planète et participant à préserver l’avenir des cités. Est-il étonnant qu’une exposition concernant le design traite d’un tel sujet ? Ne rentrons pas dans la querelle de savoir qui des professionnels de la ville apporte les réponses les plus justes aux problèmes qu’elle pose (ou ne pose pas). Entendons le message de cette façon : « la planète a besoin d’attention pour durer, d’intelligence et de création». Ce message qui vaut pour la planète vaut également pour les cités ou les lieux qui les composent. Ils ont besoin que l’on prenne soin d’eux, c’est-à-dire que l’on sache en apprécier les qualités, en favoriser l’activité, la capacité à constituer des lieux habités. Ils nécessitent de l’intelligence car ils sont compliqués, contradictoires, changeants. Alors préserver leurs valeurs ou accompagner leurs mutations demande des capacités de compréhension, d’étude, d’analyse. Ils convoquent la création car passer d’un phénomène complexe à une situation, un processus, un territoire « vertueux » demande des capacités à maîtriser les différents éléments pour inventer une manière de les combiner productrice d’unité et de valeur.La Biennale montrait la démarche de design, la décrivant et la décryptant à partir de la conception d’un objet ou de la réponse à une situation que l’on désire faire évoluer. Or cette démarche justement est celle qui doit guider toute action urbaine, au contraire de celles que sous-entend la table rase, la patrimonialisation à tout crin, le fonctionnalisme ou l’application de recettes. Un exemple en est donné par l’aménagement d’espaces publics. L’on doit avoir cette conscience qu’ils préexistent souvent, avec leur histoire, leurs qualités, leurs usages, leur sens. Et il faut, avant d’envisager de les transformer, apprendre à les connaître. L’on doit appréhender leurs rôles qui peuvent être techniques, sociaux ou politiques. Leur étude est donc une discipline complexe qui mobilise des savoirs. Il faut aussi faire preuve de créativité et non seulement tenir compte de fonctions et de demandes souvent contradictoires mais être en capacité d’imaginer un lieu ayant sa propre identité : embrasser la complexité pour restituer une proposition cohérente et qui ait un sens.Mais dans le domaine de l’urbanisme, à la trilogie « attention, intelligence, création », s’ajoute la dimension stratégique. La réponse doit en effet être à l’échelle du problème. Quel est l’intérêt de passer cinq ans à trouver une solution quand, dans le même temps, les difficultés ont augmenté, rendant obsolètes les solutions apportées ? Car les territoires bougent et les thèmes du temps et du choix sont récurrents dans l’action publique. Revenons à Eco City Lab. L’exposition relate un grand nombre d’initiatives locales visant à changer notre rapport à la ville, à la consommation, aux autres, au monde. Au-delà de leur intérêt qui est réel, de leur existence qui permet d’explorer des pistes possibles, sont-elles à l’échelle du problème posé dans les villes, aujourd’hui que la prise de conscience existe ? L’exemple du vélo est significatif. La Biennale l’aborde à un endroit comme un bel objet dessiné, puis dans Eco City Lab comme un service de transport urbain ou d’approvisionnement en aliments. Si l’on recherche l’efficacité, l’utilisation du vélo dans les villes du Nord comme Copenhague ou le levier de développement qu’ont été Vélov ou Vélib ne forment-elles pas des stratégies bien plus opérantes ? Dans le même sens, le concept de ville fertile recommande pour simplifier, en plus des jardins ouvriers déjà existants, que l’on produise de la nourriture sur le territoire urbain même. Pourquoi ne pas construire alors des rond-points dont on ferait des jardins potagers ? Ne faut-il pas changer d’échelle et aborder frontalement la diminution de l’usage de la voiture en organisant sans attendre les déplacements, l’approvisionnement et le fonctionnement des villes en ce sens, dans cet objectif devenu prioritaire? L’intelligence et les savoirs actuels sont capables de construire des projets autrement sophistiqués. Notre société est donc parfaitement capable de mener à bien celui-là. Question de choix et de stratégie ! Paris le 31 décembre 2008
Billet de blog 3 décembre 2008
Le rond point et le potager
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