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Billet de blog 10 janvier 2017

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D’un espace à voir à un espace à vivre

Depuis plusieurs décennies maintenant, les espaces publics sont reconnus pour leur importance dans la vie des cités et de leurs habitants et pour leur rôle dans le fonctionnement même des villes.

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Illustration 1

On s’y rencontre ou s’y divertit, on y manifeste ou y exerce une activité mais c’est aussi l’endroit où l’on prend son bus ou son tram, où passent les multiples réseaux qui alimentent la machine urbaine. En ce sens, l’espace urbain n’est pas seulement un lieu à voir ou à admirer, une forme fut-elle en creux, un paysage mais bien le lieu où tous les usages doivent plus ou moins bien cohabiter, ce qui n’est pas sans heurts ni contradictions. Ainsi, le piéton ne retrouve de la place que si l’automobiliste en circulation ou en stationnement lui en redonne un peu, figure d’un conflit général à tous les territoires, la même personne d’ailleurs étant alternativement à pied ou en voiture. A ce sujet, il n’est pas dit que les collectivités, qui gèrent l’espace public et en assurent le fonctionnement ou la transformation, ont forcément intégré les évolutions nécessaires et fait les arbitrages en conséquence. Un autre exemple de ces contradictions est l’opposition entre les résidents souhaitant dormir et les jeunes qui entendent profiter de la vie et de la ville. Ces attentes sont toutes deux légitimes, là encore la personne fatiguée étant celle qui jadis appréciait de faire du bruit dans la rue. De manière plus ou moins visible mais bien réelle, l’espace urbain est un des lieux d’expression de la complexité de la vie urbaine et sociale. De ce fait, agir sur lui ne consiste pas seulement à lui apporter les ingrédients de l’élégance : des beaux matériaux, des arbres, de la lumière, de l’eau, des bancs bien dessinés…Il s’agit de travailler une véritable matière urbaine, sociale et fonctionnelle et de faire une proposition qui établit un certain équilibre entre les contradictions. Or cette sorte d’harmonie n’est pas toujours possible. Un projet est donc un choix et le rôle de l’architecte, du paysagiste ou du designer n’est pas seulement de faire du beau mais de s’attaquer à la complexité des situations urbaines, les connaître puis les transformer. Le projet implique des acteurs multiples et il est donc aussi un levier pour donner à comprendre ce qui est en jeu et aider de ce fait à décider d’arbitrages. L’idée qu’un concepteur apporte tout de suite, par la grâce de son seul talent, une solution définitive et qui fait consensus est donc fausse. Au contraire un projet est un processus porté par le commanditaire, animé, enrichi et coordonné en s’appuyant sur la créativité du concepteur et permettant aux acteurs d’en être partie prenante. Le mécanisme de la production des propositions se fait donc pas à pas, l’expression des objectifs, problématiques et propositions devant être simple et aisément compréhensible par tous.  

Mais une ville n’est pas faite d’un seul espace public. Il s’agit d’un vaste réseau formé de voies, de places, de lieux d’échange…Sont concernés les quartiers centraux, les périphéries résidentielles, les zones d’activités ou d’équipements publics… Or souvent, l’on met l’énergie, les budgets, les moyens humains, l’intelligence sur un lieu, le plus souvent central, et l’on ne se préoccupe pas du reste.

Il est nécessaire d’agir partout où sont la ville et la vie, à l’échelle donc de l’ensemble des territoires. Une même attention doit être portée ne signifie pas qu’il faille partout faire les mêmes projets, utiliser la même richesse de matériaux, avoir exactement la même approche.

Deux exemples montrent comment rendre possible cet objectif.

Le but de l’action publique n’est pas d’aménager, de faire des travaux mais d’améliorer un site et ses usages. La transformation complète est une des options mais il en existe bien d’autres : on peut conserver ce qui peut l’être, changer ce qui doit l’être, avoir une gestion différente ou renforcée, modifier le fonctionnement par des actions simples et peu coûteuses, attentives en priorité à la qualité des usages… Une telle approche attentive permet que chaque projet, chaque changement dans le territoire soit l’occasion de l’améliorer. Elle évite une ville à deux vitesses où d’un côté l’on réalise des projets « riches » et de l’autre le reste est traité sans soin, dans une vision fonctionnaliste. La Métropole de Bordeaux intervient de cette façon au travers du programme intitulé «Les nouvelles modalités d’aménagement des espaces publics » et à ce jour près de 200 sites ont été traités ainsi ou vont l’être à court terme. 

Une deuxième manière d’intégrer l’objectif d’une même qualité partout est fournie par les « Plans d’actions de quartiers ». Il s’agit d’utiliser à cette échelle de territoire tous les budgets disponibles dans les services des collectivités et d’améliorer à court terme les espaces en menant une approche concertée avec les habitants et en résolvant les problèmes repérés et complétant par des initiatives souhaitables. Cette méthode rend possible la qualification immédiate de quartiers sur lesquels il n’y a pas de grands projets, il faut pour cela élaborer une stratégie coordonnant l’action publique et utilisant au mieux l’argent disponible. La Ville et la Métropole de Montpellier ont lancé une telle politique sur les territoires existants, lesquels représentent 80% de la superficie de la ville. Une dizaine de quartiers devraient en faire l’objet et une centaine de projets sont en cours d’étude ou de réalisation fin 2016.

Jean-Pierre Charbonneau

Urbaniste-consultant

http://jpcharbonneau-urbaniste.com

Texte à paraître dans l'ouvrage "Design per la citta", sous la direction de Francesco Amato, Florence, Italie

A space to see or a living area: adapted approaches

For several decades now, the importance of public spaces has been acknowledged in the life of cities, its inhabitants and in the functioning of the urban fabric. Public spaces are where citizens meet, demonstrate, entertain themselves or practice activities as well as where people commute and take public transports and where the multiple networks feed the urban machine. In that sense, the urban space is not only a site to see or to admire, a shape or a landscape but it is also the venue where all urban uses cohabite with more or less difficulties. For instance, pedestrians will only find their right position if cars driven or parked allow some free space for them to circulate. The tension between cars and pedestrian is common to many territories and an individual can alternatively be a pedestrian or a car user. However, urban authorities, who manage urban space and its functioning, don’t necessarily integrate such tensions and make the appropriate decisions. Another example of urban tensions is the opposition between dwellers protective of their sleep and young people willing to party and make noise in the city streets. Both desires are legitimate, even more so when considering that the “sleeping citizen” could have been a partier before.

In more or less visible ways, urban space is where the complexity of social emerges. Consequently, transforming this space does not only consist in bringing elegance through beautiful material, trees, light, water or well designed benches. It also implies working on the actual urban, social and functional substances and offering solutions to establish a balance between the tensions revealed. Yet, such harmony is not always reachable. A project is thus a choice and the role of the architect, the landscaper or the designer is not only to make the place beautiful but also to address the complexity of urban situations, by analyzing and transforming them. The project involves multiple actors, hence it helps reveal the issues at stake and contribute to the making of decisions. The idea that a designer brings at once, by the favor of his only talent, a definitive solution, which reaches a consensus, is thus erroneous. On the contrary, a project is a process carried out by its initiator, livened up, enriched, coordinated by the designer using his creativity and allowing the actors to be actively involved in it. The production mechanism of proposals should be progressive, and goals, issues and proposals simple and understandable by all.

A city is not composed of a single public space. It is a vast network formed by streets, squares, places of exchange; central districts, the residential peripheries, parks of activities or of public equipment are concerned for public action. However, often the financial and human resources focus on one central area, forgetting the rest.

Yet, it is necessary to act everywhere, where the city and life are, at the scale of all the territories. That the same attention must be given to all does not mean that similar projects should be implemented everywhere with the equivalent quality of materials and the same approach. 

Two examples present ideas to reach such goals.

The purpose of the public action is not to plan, to conduct engineering works but to improve a site and its uses. Complete transformation is among the potential options but others exist ie. preserving what can be preserved, changing what should be changed, introducing new or improved management systems, modifying urban functioning by simple and cheap actions mindful of the quality of usages.

Such a responsive approach allows every project, every change in the territory to become an opportunity to improve the city. It avoids a two-speed city, with on the one hand "expensive" projects and on the other careless and visionless functionalism. The metropolitan area of Bordeaux has implemented with such an approach a project entitled "New methods to plan public places". To this day, around 200 sites have been transformed or are going to be in the short term.

The second way to ensure a similar quality for all and everywhere has been through the « Districts action plans ». This project consists in using at the scale of the territory all the budgets available in the city departments and to improve spaces in the short term. A participatory method with the concerned inhabitants is implemented, solving the identified problems and reinforcing them with beneficial initiatives. This approach has allowed the immediate qualification of neighborhoods without large-scale developments while a strategy to coordinate public action and manage public resources is essential for it to work. The city and metropolitan area of Montpellier have launched such policy on existing territories, which represent 80% of the city surface. A dozen districts should be concerned and over a hundred projects are currently under study or will be implemented by the end of 2016.

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