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Billet de blog 11 novembre 2013

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Coup de blues

Je ne peux m’empêcher d’exprimer ma préoccupation face à la mort annoncée de la communauté d’agglomération Plaine Commune. Quelques explications. 

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Je ne peux m’empêcher d’exprimer ma préoccupation face à la mort annoncée de la communauté d’agglomération Plaine Commune. Quelques explications. 

Les faits : un vote de l’Assemblée nationale et du Sénat devrait signer sa disparition en 2016 au profit de la métropole parisienne.

On peut comprendre bien sûr que certains sujets comme les transports ou l’habitat fassent l’objet de stratégies élaborées à une échelle plus large, rôle que joue en partie la Région Ile de France. Il y a à ce sujet un débat légitime sur ce que doit être l’échelle géographique et politique la plus pertinente pour la Métropole. Mais là n’est pas la cause de ce qui m’apparaît comme une décision aux conséquences possiblement dramatiques et dans tous les cas significative du manque d’analyse et de compréhension des évolutions urbaines, du mode de production des villes. 

Plaine Commune rassemble neuf communes comportant les populations parmi les plus pauvres de la métropole parisienne, les problèmes urbains les plus difficiles. Mise en place depuis une dizaine d’années, elle s’est peu à peu organisée et fonctionne aujourd’hui. Elle conduit une politique urbaine reconnue, mène des projets complexes, a développé une gouvernance efficace, une approche environnementale. Elle intègre à la fois la dimension économique et la prise en compte de son propre bassin d’emploi, mobilise des réflexions culturelles, des préoccupations sociales. Elle expérimente et applique souvent avec succès l’exigence de démocratie locale. Les responsabilités respectives avec les communes ont été organisées de manière subtile tandis qu’elle entretient un lien qui ne demande qu’à se développer avec  Paris.

Alors pourquoi supprimer cette institution qui a prouvé sa capacité à gérer l’évolution de son territoire, alors que le sujet de la ville est devenu essentiel pour agir sur la société urbaine, que toutes les dimensions depuis le local jusqu’à l’international doivent être abordées (le sujet de l’accueil des populations roms le démontre crûment) ? Or ce savoir, cette compétence ne sont pas à la portée de toutes les collectivités. Bon nombre d’entre elles ne savent pas par quel bout prendre les problèmes, comment construire des dynamiques, aborder la complexité.

On peut voir dans cette décision deux raisons. Je ne m’étendrai pas sur la première qui pourrait viser à instituer une uniformité politique dans cette partie de l’agglomération parisienne. Je m’interroge simplement sur l’importance, si elle était avérée, d’une telle démarche quand le sujet est déjà de savoir comment, au-delà de la prise du pouvoir, l’on affronte les difficultés réelles.

La deuxième raison me semble naître de la méconnaissance des modes de fabrication et de gestion du sujet urbain de la part de ceux qui ont eut cette idée plus que discutable. Ils ne se rendent pas compte qu’une institution qui fonctionne est un outil, une sorte de patrimoine de compétences qu’il faut certes régénérer régulièrement mais surtout qui donne les moyens, les savoirs en gestion de l’évolution urbaine. On peut imaginer qu’il semble plus rationnel de rassembler toutes les rênes dans une large métropole. Mais qu’en est-il de son efficacité si elle se mêle de tout gérer, de son caractère démocratique ? On voit déjà comment des approches à des échelles trop larges accouchent de souris ou de monstres. Les communes auront-elles alors à reconstruire des compétences, assurer un relais local entre ce qui viendra d’en haut et la réalité du terrain, faire un travail d’animation ?  

C’est oublier qu’une structure comme Paris Métropole a toutes les chances d’être « un machin », qu’il lui faudra des années pour se constituer et être en mesure de conduire des projets (6 ans, 8 ans ?), que pendant ce temps ce qui est en cours va s’arrêter, sans que les problèmes urbains, eux, ne marquent le pas. C’est ne pas tenir compte de la valeur que représente une structure intercommunale comme Plaine Commune, le savoir accumulé, les résultats obtenus, le mode de gouvernance créé, le rapport au local entretenu…Comme si tout cela pouvait aisément se reconstruire à une dimension territoriale pour l’instant abstraite et cela par la simple croyance en la rationalité ou le simple pouvoir de la volonté politique.

Alors en effet, ayant travaillé depuis plusieurs décennies avec des collectivités de toutes échelles, je ne peux qu’exprimer le plus grand doute devant un tel manque de compréhension de l’importance que représente l’institution Plaine Commune. La seule consolation est que, comme bien d’autres initiatives, celle-ci mourra peut-être avant que d’exister et d’avoir eu des effets dévastateurs.

Texte à paraître dans le N°4 de Tous urbains (janvier 2014)

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