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Billet de blog 23 avril 2013

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Les villes sont temporalités

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Petite mise au point avant travaux. Je ne peux m’empêcher d’exprimer une certaine perplexité face à deux concepts qui semblent traverser tout propos théorique ou pratique sur la ville.

Le premier est le sujet du développement durable. Ce terme est tellement générique que l’on ne sait plus trop bien ce qu’il veut dire, ce qu’il englobe ou non. Il a cependant un avantage, c’est que sa généralité même n’oblige finalement pas à grand chose.

Le deuxième est le terme « nouveau ». Il sous-entend qu’avant cela n’était pas convenable et que maintenant l’on sait et l’on fait. Ce mythe n’a rien de fondateur, au contraire, puisqu’il laisse à croire que l’on doit à chaque fois reprendre sur de nouvelles bases, oublier ce qui a pu être avant, et jeter le bébé avec l’eau du bain. C’est très exactement le contraire de ce que je pense et pratique. L’on avance et approfondit au fil des projets, des expériences, des leçons de ce à quoi l’on participe, de ce qui nous est rapporté ou de ce que l’on voit. Il n’est pas de concept qui tout à coup révolutionnerait la pensée (« le développement durable »), ni d’illumination qui nous arriverait du ciel et serait pour nous Le Guide (« le nouveau »). Notre métier est au contraire fait de continuité, d’analyse de ce qui a conduit à des résultats, de prise en compte de sujets permettant d’approfondir, d’être plus justes par rapport à des pratiques, des processus, une société, une réalité politique…Il est fondé sur la capitalisation et l’évolution. La capitalisation car il n’est pas nécessaire de réinventer la poudre à chaque fois, qu’il faut se garder de refaire les erreurs du passé, qu’au contraire il faut progresser dans la connaissance, la compétence. L’évolution car le monde, les situations, les contextes changent et les savoirs se renforcent.

Les villes sont temporalités

Quelques exemples d’applications.

Un projet urbain est un cadre qui donne des orientations à long terme et suggère des étapes cohérentes. Il oblige à un approfondissement, une interprétation régulière, notamment grâce aux projets particuliers chargés de le concrétiser. Mais il est illusoire de tout penser, décider à l’avance. Certaines questions, certains sujets en suspens n’auront de réponse que plus tard, quand on aura avancé. Il faut seulement en avoir la conscience et ne pas laisser passer l’occasion quand elle advient.

On parle de grands projets, on y met de l’énergie, de l’argent. Ils concernent souvent des quartiers nouveaux. Pendant le long temps de leur conception et de leur réalisation, les autres quartiers souvent se dégradent, mettant en cause la qualité de vie des citadins, déstabilisant l’équilibre de la ville. Il faut donc avoir plusieurs fers au feu. D’un côté des grands projets, et de l’autre une veille sur les territoires existants afin d’en préserver voir d’en améliorer les qualités. On recherchera alors la simplicité afin que les coûts induits soient supportables et que les échéances ne soient pas contraires à l’objectif d’action rapide et à court terme.  

La construction d’un quartier prend du temps. Souvent les habitants arrivent avant qu’il ne soit fini et ne disposent pas des services nécessaires. Plusieurs solutions peuvent alors être mises en place. On peut par exemple offrir des services temporaires qui disparaîtront après la construction des équipements définitifs. On peut aussi favoriser dés à présent le lien entre ce qui est nouveau et la ville, organisant tout de suite l’offre de services aux nouveaux arrivants dans l’existant et le renforçant par la même occasion.

La transformation d’un lieu en change l’usage. La concertation peut préciser ce qui est et ce qui est attendu. Mais la vie urbaine change. Il est alors intéressant de préfigurer ce qui pourrait être dans l’avenir par des manifestations temporaires ou l’ouverture des lieux sans aménagement lourd. L’observation de ce qui se passe nourrira le projet à venir et une certaine familiarité avec le site se créera, anticipant l’appropriation future. Pour autant, parce que justement les pratiques évoluent, l’on cherchera souvent à réaliser des aménagements simples, capables d’accepter les changements.

De plus, un lieu n’est pas porteur d’un mais de plusieurs usages. Ils peuvent dépendre de ceux qui le pratiquent et qui chacun le font à leur manière. Ils peuvent aussi être différents selon les heures de la journée, les jours de la semaine, les saisons. Toute transformation doit en tenir compte et témoigne que le projet n’est pas simplement là pour faire joli ou créer une ambiance mais pour intégrer la complexité même du fonctionnement urbain et y apporter des réponses pertinentes.

Ces exemples et d’autres encore témoignent du fait qu’il ne s’agit pas tant d’une nouvelle démarche que d’une approche qui se complexifie, de compétences qui se complètent, de sujets qui peu à peu sont intégrés pour coller de manière plus juste à la nécessaire gestion de l’évolution urbaine.

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