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Billet de blog 1 février 2019

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Le bonheur n'est pas Vital. (16)

«  Jouir et se réjouir, tel est le bien de l’homme et le commencement de la sagesse » ; aimait à répéter Diogène .

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- Un peu de vin ?
- Oui, merci j’en veux bien... - - Le contact de la terre, souvenir d’une caresse féminine nous rappelle instantanément à la vie ; se promener l’hiver dans la neige craquelante, ou l’automne sur un coussin de feuilles sèches étendues dans un décor impressionniste moiré aux tons changeant à chaque minute nous réconcilie avec la beauté, et nous procure un bonheur indicible. «  Jouir et se réjouir, tel est le bien de l’homme et le commencement de la sagesse » ; aimait à répéter Diogène Laerce : nous tenons de la nature l’injonction au bonheur. L’érotisation de nos relations avec la femme reste crois- m’en, la seule panacée gracieuse et obvie qui nous permet sans grand dommage de supporter la vie ; contre l’humeur triste ou la perte d’espoir, la délectatio carnalis se révèle toujours de bonne fame tant pour la femme que pour l’homme. Qu’y a-t-il de plus vrai aux âmes en dénuement que les ébats, seul moment admis par médecins et prélats pour la dénudation des corps, unique lieu d’où la mort s’expatrie ? Je te concède que notre époque du primat omnipotent du plaisir oublie dans son incapacité à aimer, que l’attachement antécède la sexualité sans en décéder forcément. Faire l’amour signifie satisfaire l’amour ; c’est-à-dire fiancer le sentiment à la sensation ; aussi le cas de Virginie ma voisine ne m’apparaît nullement surprenant.

Elle avait TOUT pour être heureuse entend-on répéter à chaque coin de rue. Vraiment TOUT ? Il semblait que oui : d’une beauté frustratoire, elle jouissait d’un mari complaisant et de nombreux amants, parant ainsi croyait-elle son homophilie ; et comme toute invertie, n’hésitant pas ô impudeur à exhiber sa pudeur, elle chérissait le phallus mais abhorrait le pénis. Devenue sage, elle s’immola sur l’autel de l’amour : elle avait TOUT pour être heureuse, TOUT sauf l’amour. Chacun sait que le bonheur se structure sur le néant : seule la suspension du jugement permet de l’atteindre grâce au détachement par le silence. Sans mise en sursis de l’appréciation, le champ de la réflexion sombre, envahi de considérations parasites, et l’on est emporté dans le cercle vicieux d’une vaine recherche du bonheur... - - Si l’on dégustait enfin cette bûche, Professeur ?

- Bien volontiers... Il est des gens dont le passe-temps favori est de conter fleurette à la mort,  la courtisant toute leur vie avec raffinement et assiduité ; mais dès qu’elle se fait désirante, quand elle leur lance un clin d’œil complice à l’heure ultime de dire plus jamais de monde sensible, ils s’effraient, tentent de fuir appelant à la rescousse dieux et diables ; les voici étreints par une incompréhensible fureur de vivre. J’en connais aussi qui concubins notoires d’Atropos, la quittent le matin sûr de la retrouver le soir venu, attendant sans hâte le jour ou la nuit de la célébration des noces. - - Excellente, la bûche ! Surtout accompagnée de ce champagne de Reims.


- Oh malheureux ! Sacrilège ! Blasphème ! C’est un champagne d’Epernay ! Champenois de la onzième heure !
- De la onzième heure, mais depuis six générations tout de même, excusez du peu monsieur le Directeur !... - - Jouissance d’une chute inexorable que d’user le plus clair de sa vie à courir le monde après ce l’on sait introuvable. Il est des gens ayant tout pour être heureux, mais qui ne le deviendront jamais ; et pour cause ? Avoir et Être n’ont de commun que leur qualité d’auxiliaire : l’important se trouve ailleurs.


Il est tout de même stupéfiant que si peu de gens prennent en compte l’évidence de la puissance existentielle de la souffrance dans notre environnement matériel et spirituel. Certaines grandes âmes s’acharnent à combattre le Malheur sous cloche, mais celui-ci refuse obstinément de se laisser circonscrire. Ces éminents penseurs désirent le bonheur pour tous, or tout désir est douleur ; personne n’aime sciemment souffrir : le bonheur est donc denrée divine. Le plaisir qui de manière trompeuse voile ce désir n’est point le but assigné mais une halte vers cette destination asymptotique qu’est le bonheur, négation hallucinatoire de la mort.


- Bien, plaisir, aise, contentement ne me semblent pas bonheur mais ersatz. Qu’on ne vienne pas m’affirmer que le plaisir instantané flash du drogué, ou paroxysme de l’orgasme sont bonheur ; je le trouve dans la sérénité post-coïtale, la satisfaction du travail bien fait, la résolution d’une difficulté, le secours au prochain, l’amour donné et reçu. Il me faut un bonheur calme, mais non une allégresse qui exulte ; non pas un orage ruisselant sur une terre assoiffée, mais une pluie fine et continue l’imbibant jusque dans ses entrailles. Vivre en harmonie du corps et de l’esprit au sein de mon groupe d’appartenance et du cosmos en relation avec la nature me rend heureux. À défaut de transformer les grandes détresses en dérisoires désagréments, pourquoi ne pas tenter de faire de nos menus plaisirs de vrais moments de bonheur ? Il ne faut perdre de vue que l’accès au bonheur est une conquête.

( La suite, demain)

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