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Billet de blog 2 novembre 2020

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APRÈS LE BOGANDA SECOND. (4)

Dieu n’est pas seulement masculin, mais de surcroît asexué ; d’où la prestidigitation de Dieu-le-Père pour engendrer Jésus car si c’est le masculin qui a l’érection, c’est le féminin qui entretient celle-ci ; il y a consubstantiellement partage de pouvoir dans la jouissance sexuelle : un dieu tout-puissant doit nécessairement s’avérer sexuellement impuissant

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Troisième jour de la semaine. Dissimulées derrière les grands platanes bordant le cours menant à ton château, nombre de femmes communes travaillent pour un sandwich dans de clandestins ateliers de la nature. Face à la mairie, un dazibao :

« Les Vieux au boulot,   

Les Jeunes au bistrot ?...      

Non !... Les Jeunes au turbin,         

Les Vieux au jardin ! »

Premier invité à paraître devant ta porte, un bouquet de roses blanches à la main. S’il est vrai que les rosiers inermes sont beaux, je préfère nonobstant les miens couronnés d’épines car chacune d’elles vaut une goutte de sang de l’amoureux. Voix claire, douce ; personne en vue : inquiétude, désarroi puis... fascination : jour et nuit, une femme paraît. Jour ambre, nuit cristalline. Par une fenêtre où mon regard se fraie une sente, moitié gauche d’un visage ovale bordé de cheveux de jais, épaule homolatérale dénudée toutes deux effleurées par une lumière quelque peu cuivrée. Caressante touche au point de piqûre des vaccins, un voile de dentelle noire incrusté de motifs floraux court mourir dans l’obscurité mystérieuse d’un sein. Cette femme c’est toi. Passant la porte, de la maison bouche qui ingurgite ou dégurgite, je pénètre dans la première pièce ; bref instant pour imaginer la vie qui y a été, est, sera, aurait pu être sans toi aux longues jambes gainées de bas à résille. Cette antichambre aspire, absorbe tout ce qui de la nuit aura été chassé du parc ; tout : pénombre, silence, mystère... et toi qui t’approches à pas feutrés, m’installe à ta gauche près d’Anissa professeure célibataire, fille surannée par choix ou défaut on ne sait trop. Face à moi entre France Haricotier dame patronnesse par désœuvrement, et la transsexuelle Marie Claude Barabbas, monseigneur Irénée évêque de son état. À ta droite, monsieur Barabbas ancien colonel devenu pacifiste militant a en vis-à-vis monsieur Haricotier banquier député de gauche qui, après avoir traversé le parc en lacis où il s’est complu dans l’errance en admirant les jets d’eau crachés par Neptune a, au pied d’un rouvre du jardin public, tiré le zip de son pantalon, en a extirpé son zob et, pour le charmer peut-être, de son urine a zébré l’arbre. Ce n’est point dîner d’avocats, mais agape entre gens de bonne compagnie ; chacun ayant pris sa place habituelle, comme de coutume madame France Haricotier ouvre la conversation.                                                                                       

- Hier me promenant dans la ville, je suis passée devant une maison de Dieu où m’a-t-on assurée, se présentent des femmes venant recevoir l’enseignement d’une prêcheuse : abbesse ?... Rabbi ?... Postulante à l’imamat ?... Lieu secret uniquement fréquenté par la gent féminine ce n’est nullement un béguinage qui est résidence de béguines, prosélytes d’un amour impérieux mais généreux intarissable et patient, femmes célibataires et laïques se donnant la liberté d’user de Dieu c’est-à-dire de le laisser se découvrir ou non, femmes réunies pour mener une vie semi-communautaire faite de travail et de prière : ici, pas de vie en commun ni de célibat avéré ; ce ne semble point couvent car aucun mâle n’y est admis même au parloir, ni cloître puisqu’on peut en sortir. Il faut y porter les vêtements de l’emploi couleur cendre ou terre laissant entrevoir qu’on est bien femme sans pour autant en souligner les aspects érotiques.

- Ces fidèles s’apprêteraient-elles à prendre le pouvoir ? s’inquiète le banquier.

- Sans aucun doute possible, elles ne sont chrétiennes ; dixit l’évêque.

- Qui sont-elles ? interroge le colonel.

- Des femmes formant leur opinion non par conglutination affine comme à l’église, mais par confrontation agoniste. Que sont aujourd'hui partout dans notre monde, devenus les lieux classiques de culte?... des endroits où sont baptisés les enfants, mariés les parents, célébrés les obsèques des grands-parents : une antichambre du restaurant.

- Tout en estimant Professeure que vous exagérez quelque peu, je pense que la perversion sus-décrite résulte d’une perte de la foi, d’une vacance de sens.

- Vacance de sens ?... peut-être, mais perte de foi, certainement pas Monseigneur ! Jamais avant aujourd’hui n’avons-nous manifesté pareille ferveur pour Mammon. La foi, nous l’avons mais le trône a changé de dieu. Grâce au savoir fourni par la psychologie nous pouvons, que dis-je ? Nous devons mettre en accord vie intérieure et intérêt matériel personnel ; tout ce qui n’est pas immédiatement profitable est inutile, nuisible ; même le mystère de l’amour est en train d’être démembré afin d’assujettissement.

- L’égotisme érigé en vertu cardinale, la course effrénée vers les richesses matérielles engendrées par notre reddition devant la technoscience sont impedimenta sur la route conduisant vers Jésus Christ notre Seigneur ; voici des décennies que nous le répétons à longueur d’homélie toute l’année. Partout l’esprit non seulement le Saint, semble avoir déserté le monde des écrits : la plume hésite, l’encre s’assèche quand balbutiante, sa présence effleure l’imagination. Condition de survie sociale, la profanation c’est-à-dire mise à disposition de tout ce qui avait été séparé confiné dans la sphère du sacré, ce bannissement du sacré hors du temple mène inéluctablement à l’expatriation de la quiddité humaine hors de chacun. Qu’en pensez-vous, Colonel ?

- Lors de la restitution frénétique aux terriens des biens prélevés voire aliénés au bénéfice de l’au-delà, Mammon s’est déguisé en Jésus ; Seul l’exil de l’usurpateur permettra le rapatriement du divin sur terre...

- Si une brillante carrière d’opérateur des marchés financiers commence souvent par une affaire désastreuse puisque nul ne peut s’enrichir sans avoir préalablement escroqué son prochain, Dieu me laisse indifférente tandis que les saints me manquent cruellement ; intervient Anissa avant de laisser continuer le Colonel.

- J’illustrerai cette émigration de l’humanité hors de l’humain par l’usage du chapelet. Hier échelle symbolique permettant de s’élever jusqu’à la proche banlieue de la Cité céleste, dans nombre de régions du monde il apparaît aujourd’hui comme accessoire de mode, marqueur social ; moult foires et salons offrent à chacun selon sa bourse, ou turquoise de Nichapour qui vire du bleu au vert selon la météo, ou bois dégageant un parfum de musc propice à une entrée en matière galante. Pour certains dévots de la place, ce support à la prière est plus ergastule où ils s’isolent du monde que clef ouvrant vers son prochain ; ils l’égrènent à la gloire de Marie mère de Dieu en pensant à Marie leur maîtresse du moment ; signe que Mammon est en train de gagner la partie.

– Telle assertion ne vaut-elle pas son pesant d’ambre Monseigneur ?

- Pesant d’ambre peut-être Anissa, mais assurément victoire à la Pyrrhus mon colonel ; victoire à la Pyrrhus !

- Nous départant du rosaire sans pour autant quitter les choses de l’Eglise j’aurais voulu Monseigneur, avance madame Barabbas, savoir pourquoi Dieu le père n’a pas de parèdre.

- Parce que ma fille, jouissance sexuelle masculine est tributaire du pouvoir féminin ; la toute-puissance de Dieu le père ne saurait souffrir d’une quelconque dépendance.

– Autrement dit, reprit Anissa, Dieu n’est pas seulement masculin, mais de surcroît asexué ; d’où la prestidigitation de Dieu-le-Père pour engendrer Jésus car si c’est le masculin qui a l’érection, c’est le féminin qui entretient celle-ci ; il y a consubstantiellement partage de pouvoir dans la jouissance sexuelle : un dieu tout-puissant doit nécessairement s’avérer sexuellement impuissant.

- Peut-être aussi Monseigneur reprend Marie Claude, que la jouissance féminine confine au non maîtrisable, donc au divin ! Ce serait pour d’aucuns l’origine de la très grande piété des femmes sous toutes les latitudes, comme si les filles d’Eve voulaient se faire pardonner un péché d’orgueil : jouir autant que Dieu !

- Il est vrai assure la dame patronnesse, que chez les catholiques même consacrée comme moniale, la femme ne peut distribuer la communion. Du côté de l’islam, certains prétendent que la voix de la femme serait ‘’awrah’’ c’est-à-dire chose qu’il conviendrait de cacher ; aussi Awa ne doit-elle réciter le Coran devant Mohamed. 

(La suite, prochainement.)

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