Jean-Pierre KAYEMBA (avatar)

Jean-Pierre KAYEMBA

D'HIER À AUJOURD'HUI, ET PEUT-ÊTRE DEMAIN.

Abonné·e de Mediapart

239 Billets

0 Édition

Billet de blog 5 novembre 2020

Jean-Pierre KAYEMBA (avatar)

Jean-Pierre KAYEMBA

D'HIER À AUJOURD'HUI, ET PEUT-ÊTRE DEMAIN.

Abonné·e de Mediapart

APRÈS LE BOGANDA SECOND. (5)

Tout se vend, tout s’achète ; le marché qui jusqu’alors l’a dirigé, doit à présent digérer l’Etat ! Guerre de basse intensité, la guerre économique avatar de la guerre froide a ses morts, -- les demandeurs d’emploi sans droit--, ses blessés, -- les chômeurs assistés --, ses grands invalides, -- les désœuvrés de longue durée.

Jean-Pierre KAYEMBA (avatar)

Jean-Pierre KAYEMBA

D'HIER À AUJOURD'HUI, ET PEUT-ÊTRE DEMAIN.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 - Ouais !... Même à moi évêque, il y a des logiques de l’Eglise qui m’échappent : « Les voies du Seigneur sont impénétrables. » Toutefois il me semble que la place des femmes dans les religions du livre n’est que la caricature du rôle de celles-ci dans la société, lui-même en relation inverse du pouvoir clérical réel sur l’Etat. La fête du vingt-cinq décembre illustre bien à travers les âges cette puissance du clergé sous nos climats. Entre Sol invictus et Père Noël, où aujourd’hui situer Jésus ?... Interface entre ombre et lumière, paganisme et chrétienté, mort et résurrection, célébration inoxydable dans les pays à solstices sous les noms de Jul et autres Brumalia, cette période de l’année a toujours été fêtée.

- Ainsi reprit Anissa, en l’an cent soixante-quatre avant notre ère Judas Macchabée pénétrant dans Jérusalem voulut restaurer le Temple souillé par les Syriens d’Antiochus IV Epiphane qui avait ordonné l’acculturation forcée des Juifs ; le vingt-cinq du mois de kislev (décembre), il décida d’inaugurer le nouveau temple ; alors il se produisit un miracle : la Ménora brûla huit jours au lieu d’une journée comme on s’y attendait compte tenu de la quantité d’huile disponible. C’est la raison de l’Hanoukka, fête célébrée tous les ans par les Juifs.

- Après l’avoir longtemps laissé vagabonder entre janvier et avril continua Monseigneur, l’Eglise fixa la naissance du Christ au vingt-cinq décembre lendemain des Saturnales à compter de l’an de grâce trois cent-cinquante-quatre par la voix du pape Libere ; la naissance du soleil invaincu fut remplacée par Noël naissance de Jésus le dieu lumière, le nouveau soleil invincible. Que de nos jours Jésus soit transformé en Père Noël et que vingt-cinq décembre rime avec gueuleton au milieu de lumières scintillantes avec décor foisonnant et symbolique cachectique est l’illustration parfaite de la tension entre le sacré et le profane, l’Eglise et l’Etat ; mais nul doute, le sacré aura le dernier mot ! Croyez-m’en, ici je ne défends pas que mon fanion !

- Mais...avance la professeure, Noël ne retourne-t-il pas en définitive à ses origines païennes puisque la bûche de bois source de flamme donc de vie est devenue gâteau signe de fête ? Sous l’équateur où jour et nuit sont d’égale durée en toute éternité, Noël, Weihlnachten nuits de la consécration des Allemands venues elles-mêmes des Raunachten nuits rudes du soleil au nadir, peut-il évoquer autre chose qu’un droit pour les enfants de jouer tard au clair de lune, un jour de congé pour les salariés, chewing-gum et Coca-Cola pour les chrétiens, ou en résumé la séquelle de cette maladie incurable nommée colonisation toujours tempérée par l’idée de fête trottant dans chaque tête ?


Bien de plats circulent. Entre mets que ne lie aucun mot malgré le flot ambiant de paroles me paraissant vaines, mon regard équivoque te sert d’entremets : cour d’une silencieuse éloquence espérant un amour végétable. Nous épuisons quelques bouteilles mais pas notre sujet. Un silence flotte comme si chacun cherche à faire son examen de conscience tout en mâchonnant quelque chose. Le colonel Barabbas relance la conversation au point où elle s’est assoupie.


- Croire en Noël est tout ce qui me reste de positif de mes années de catéchisme. Jésus fut un homme de paix : c’est en criant son nom tout à l’heure que j’ai participé à la grande manifestation contre la guerre ; défilé inoubliable avec effigie de Jean Jaurès en figure de proue, banderoles, chants, tambours, slogans, tout y était ; mobilisation inouïe dans toutes les grandes capitales du monde !

- Et vous pensez sérieusement changer quelque chose grâce à vos vociférations ?

- Mais bien sûr, monsieur le député ! Ne sommes-nous pas en démocratie ? répond le colonel pacifiste.

- Auriez-vous oublié les christmas bombings qui pulvérisèrent et les pagodes tours à huit côtés, et les églises ? Tous vos cris, intervient madame Haricotier, ne servent qu’à inquiéter les honnêtes gens, et effrayer les pauvres ; nullement ils n’arrêteront la guerre, vous devriez le savoir, mon colonel !

- Je l’ignore d’autant moins Madame, que pour chaque soldat aucune armée ne peut vaincre si elle ne s’adosse à un arrière inébranlable.

- Votre plus grande victoire croyez un banquier député mon colonel, ne sera qu’un glissement de la guerre chaude à la froide ; et là mon coco, ainsi que le dit ma concierge, « Nous savons y faire ! » Conflit idéologique et psychologique, la guerre de basse intensité permet la réconciliation du châtelain et du patarin afin que le premier continue de vivre de bonne soupe, et le deuxième du beau langage de l’espoir d’une bonne soupe. 

- Et si nous dépensions tout notre argent qui croupit dans vos banques, vous n’auriez plus rien monsieur Haricotier !

-Vous n’êtes pas sérieuse, Rose Irène ! Si cela était, vous n’en seriez pas quittes pour autant car où que vous soyez, quoique vous fassiez, vous travaillez pour votre banquier, et cela même malgré vous ; ainsi en répondant aux mille et un questionnaires de satisfaction qu’il éparpille en maints endroits différents sans rapport évident les uns avec les autres, vous lui faîtes faire de substantielles économies en le dispensant d’embaucher un personnel qualifié qui entreprendrait une enquête d’opinion fiable : sur dix questions posées, une seule vous concerne vraiment les autres n’intéressent que le chef d’entreprise c’est-à-dire en dernier ressort, moi son banquier. Ce n’est tout de même pas par étourderie que nous avons placé aux postes stratégiques des semeurs de troubles experts de la pêche en eau trouble! Les banquiers charrient un combustible hautement inflammable qui explose au moindre contact du comburant idoine. Quand la pressurisation du travail atteint son période, nous créons de toute pièce une crise financière d’abord, économique ensuite, sociale enfin : c’est une méthode de sélection naturelle éprouvée des plus efficaces. C’est alors que dans cette guerre de trente ans que nous espérons de cent, sous le masque du défenseur de la veuve et protecteur de l’orphelin, tels des pompiers pyromanes, sous les ovations de la foule nous intervenons avec pour tout programme, « Tout se vend, tout s’achète ; le marché qui jusqu’alors l’a dirigé, doit à présent digérer l’Etat ! » Guerre de basse intensité, la guerre économique avatar de la guerre froide a ses morts, -- les demandeurs d’emploi sans droit--, ses blessés, -- les chômeurs assistés --, ses grands invalides, -- les désœuvrés de longue durée. Après avoir étendu la valeur du capital à l’humain, d’où le concept de capital humain -- bien que le capital se soit toujours avéré marchand alors que l’humain n’est plus de droit marchandise --, nous voici arrivés au point où la prostitution étant élevée au rang de liberté cardinale, nous travaillons tous, nous de gré mais vous de force, à rendre destin l’accident.

- Devrais-je comprendre monsieur le député, que toutes nos manifestations publiques ne servent en dernière analyse qu’à dédouaner les fauteurs de guerre protégés par des prompteurs que sont les banques, concrétisation de l’art d’être malhonnête avec honnêteté, de pécher avec l’approbation du pape ?

- Et, prolongeant l’idée de Rose Irène Sophie, que notre liberté se réduit à celle de brailler à tue-tête dans le désert médiatique ou d’aller et de venir puis tourner en rond rivés à notre condition première ? Serait-il vrai ainsi qu’on le proclame dans les usines que « La liberté est un mot, l’égalité une chose » ? s’insurge la professeure.

- La chose, donnée univoque ; le mot, sujet à interprétation ; mon grand-père commandant d’infanterie coloniale me disait que sur l’ordre de mission reçu du gouverneur général de l’Afrique équatoriale française pour aller mater la rébellion menée par le chef Laadum’ dans la zone de Garabizam’ au nord-ouest de la Sangha, il était écrit :

« REPUBLIQUE FRANçAISE : LIBERTE EGALITE FRATERNITE »

Ainsi, au nom de la liberté, avec ses hommes il devait asseoir l’oppression coloniale sur ceux qui avaient pris la liberté de s’y opposer. Auriez-vous l’obligeance monsieur le député, de bien vouloir nous préciser le sens du mot liberté ?

- Si vous le souhaitez vraiment, je vous confesserai que la liberté de chacun vaut ce qu’il possède : qui possède un sou, a la part de liberté conférée par un sou. Tout le reste n’est que littérature chargée d’amuser la galerie, endormir les braves gens ; et en matière de sommeil, nous en connaissons un rayon : la liberté du plus fort est toujours la majeure, vous l’avez montré tout à l’heure, Monseigneur. Sénèque ne nous dit-il pas que « Le crime heureux et prospère s’appelle vertu » ? Comme tout commercial, le banquier a le sens de la boutique : belle vitrine présentoir, arrière sordide ; abolition des murs entre Etats, érection de murailles dans la tête de chaque citoyen. Chacun sait que la moindre grande fortune s’allaite du sang des innocents ou plus chrétiennement Monseigneur, nul ne peut s’enrichir sans avoir préalablement escroqué son prochain ; d’où le secret bancaire chargé de voiler ce que la profession de foi du bailleur de fonds condamne ; si le secret médical a été institué dans l’intérêt du malade, le bancaire ne protège que celui du financier !

(La suite,  prochainement)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.