- Quel bouquin, cher Professeur ?
- Je ne sais encore. J’emporterais bien de Christopher Knight et Robert Lomas, La Clé d’Hiram, minutieuse enquête sur l’assassinat de la Vérité, révélation du quand, comment, pourquoi et parfois où se sont tissés les liens reliant les Egyptiens antiques aux Juifs de l’époque, unissant Jésus et les siens, l’Eglise catholique et sa vérité à géométrie variable - - nul n’ignore que mentir une fois est facile, mais qu’une fois s’est presque toujours avéré impossible--, ceci sans perdre de vue la franc-maçonnerie et les manipulations dont elle est l’objet tout au long de l’histoire ; or si par mégarde ou excessive curiosité quelque fervent chrétien tombait dessus, ce serait légitime casus belli pour certain ; ce qui ne sied nullement à un lieu de récollection.
- Le suivant sur ta liste ?
- ... Et la pluie pour ma soif. Avec ses longues phrases berceuses rafraîchissant tel un éventail par journée de canicule, ou dans l’évocation des émois d’un désir amoureux contrarié, la description d’un coucher de soleil, Han Suyin s’élève au rang de poétesse. Par moments le lecteur ressent l’impression de regarder un film documentaire en version originale sous-titrée en français : dans le livre les écrits, dans la tête, les images. Rares sont les auteurs ayant si bien travaillé ce volapük reliant colonisateurs et colonisés, cette langue hybride nommée malentendu. La guerre est finie, la lutte continue ; c’est dans cet entre-deux que l’auteur situe son roman. Pour les uns, il ne faut surtout pas contrarier encore moins s’aliéner les oppresseurs britanniques ; quant aux autres, aider Ceux de l’Intérieur est capital ; pris en sandwich le marais oscille, trahit en fonction des événements : prolifération d’experts de la pêche en eau trouble qui passent d’un camp à l’autre ou jouent sur les deux tableaux, chacun tâchant de sauver sa peau ou son compte en banque. Dans la Malaisie des années 50, on invoquait l’Etat d’Alerte pour se dédouaner de l’incurie des gouvernants ; aujourd’hui l’Etat d’Alerte s’est mué en Crise et tient toute la terre en alerte ; « les petites corruptions clandestines » malaisiennes se sont évaltonnées pour devenir exotériques et planétaires. Ici et ailleurs que de crimes eussent été évités, de vies épargnées, d’erreurs corrigées si seulement les mondes colonialiste et impérialiste avaient lu et compris Han Suyin ?
- La politique n’est pas affaire d’individus mais de classes sociales, pas question de sentiments mais d’intérêts. La distance la séparant de la morale est celle écartant la justice de l’équité ; aussi n’est-il pas étonnant que cette situation de ni guerre ni paix provoque des dissensions dans les familles.
- En dernière analyse, il s’avère donc qu’on est toujours seul pour prendre l’ultime décision car « au tournant de la vie de chacun, il y a un camp qui attend, avec du fil barbelé autour ».
- L’important est de trouver le moyen d’en sortir !
(La suite, demain)