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Billet de blog 19 octobre 2018

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Le Congo et ses pétroliers.

Les affaires de corruption éclaboussent les principaux acteurs pétroliers au Congo. Diffusé le 17 octobre 2018, par www.congo-liberty.com

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Il n’est de jour ou de semaine, que la dictature de Denis Sassou Nguesso ne soit épinglée pour des crimes et délits nationaux ou internationaux. Le régime s’est fait une spécialité des détentions arbitraires et des faux procès. L’instauration d’une terreur stalinienne n’a ému aucune chancellerie. Il est vrai que les lobbies pétroliers qui veillent à sa survie depuis une quarantaine d’années ont fait en sorte qu’aucune sanction ne le frappe. Peu importe ce qui se passe dans le goulag congolais, du moment que le pétrole coule…

Le 12 octobre dernier, le journal italien l’Expresso Repubblica a révélé les liens d’affaires  entre la famille de l’usurpateur, en l’occurrence Julienne Sassou Nguesso, ex-Madame Johnsonet Madame Claudio Descalzi, née Marie Madeleine Ingoba (Mado) nièce de Joachim Yhombi Opangault. (Lady Eni et Miss Congo : Les affaires secrètes de Mme Descalzi)

Les deux femmes, d’après une enquête menée par la police française, seraient associées dans une société offshore domiciliée à l’Ile Maurice ; paradis fiscal réputé pour garantir l’anonymat des actionnaires des sociétés qu’il abrite. Néanmoins les documents de la société commune de l’épouse du patron d’ENI et de la fille du dictateur ont été découverts en France « lors d'une perquisition ordonnée par les juges d'instruction à Paris, qui enquêtent sur le recyclage présumé de centaines de millions de dollars sortis des coffres publics de Brazzaville, la capitale du Congo. L'argent réinvesti en France, via un réseau dense d'administrateurs et de sociétés offshore, pour acheter des dizaines de villas, appartements et hôtels de luxe, au bénéfice direct des membres de la famille et des collaborateurs du président à vie Sassou Nguesso. Au Congo, la moitié de la population vit avec un euro par jour. »

Toujours d’après le journal italien, « L’enquête a conduit la police française, l’année dernière, à perquisitionner dans une villa où étaient cachées des archives très confidentielles : sociétés étrangères anonymes, comptes bancaires, biens immobiliers. Dans ces documents figuraient également les noms des présumés propriétaires d’une mystérieuse société offshore mauricienne, identifiés par les enquêteurs français: Julienne Sassou Nguesso, 50 ans, fille préférée du président congolais, ayant déjà fait l'objet d'une enquête à Paris pour le blanchiment; Hubert Pendino, un homme d'affaires très riche de l'ancienne colonie française et un responsable suspect des trésors étrangers du dictateur; et Marie Madeleine Ingoba, l'épouse de Claudio Descalzi, le directeur qui est au sommet d'Eni depuis 2014. Cette dame est une citoyenne congolaise et elle a rencontré son mari lorsque Descalzi, au début de sa carrière, dirigeait la branche du groupe dans l’ex Colonie française.»

C’est une première pour Hubert Pendino, patron de SOCOFRAN, et actionnaire de la LCB (La Congolaise de Banque) en compagnie de faux-nez du couple Sassou Nguesso, de se retrouver sous les projecteurs de la presse internationale et dans le collimateur de la justice. Il est vrai que depuis quelques années, les enquêteurs des Bien Mal Acquis tournent autour de lui. A trop s’approcher du soleil, il est normal de se brûler… !

Cependant les unes comme les autres, épinglés dans des affaires de corruptions colossales, jouissent encore d’une tranquillité pénale relative tant, en la matière, la justice est longue à se mettre en route. Le procès de Total pour corruption d'agents publics étrangers, dans le cadre d'une enquête sur des contrats pétroliers et gaziers avec des sociétés iraniennes dans les années 1990 et 2000,  vient seulement de se dérouler à Paris. Le groupe français avait accepté de payer plus de 398 millions de dollars pour clore une procédure entamée aux Etats-Unis, où il est coté, concernant la même affaire. Le procès, prévu pour durer quatre jours, s’est finalement achevé  le 12 octobre, deux jours avant.

A la barre, Jean-Jacques Guilbaud, le représentant du groupe, s'est refusé à commenter le fond de l'affaire, s'en remettant à l'exposé des faits tel que rapportés dans la procédure américaine.

«C'est une affaire qui a 20 ans, on était dans un autre monde», a-t-il seulement affirmé, assurant que Total appliquait aujourd'hui une politique de «tolérance zéro vis-à-vis de tout défaut de compliance [conformité]».

Cet autre monde a perduré au Congo avec l’attribution du champ de Likouala à Likouala SA dont la véritable histoire a été publiée sur notre site sans que TOTAL ne réagisse d’aucune manière. Les faits s’étaient déroulés en 2003 après l’entrée en vigueur de la loi sur la corruption d’agents publics étrangers. Tout comme le renouvellement des permis Grands Fonds du Secteur du 14 juillet 2015, sur lequel TOTAL s’est repris en cédant la patate chaude à PERENCO.

En attendant les suites judiciaires qui seront données aux dernières révélations de la presse italienne, il est intéressant de noter les réquisitions du Procureur de la République devant le Tribunal correctionnel de Paris qui jugeait Total la semaine dernière. Il avait estimé que l’amende maximale prévue par la loi, 750.000 euros, était « dérisoire ». Le représentant de l’accusation a donc demandé au Tribunal de condamner également le groupe à une peine complémentaire rarement mise en œuvre en France : la confiscation du produit de l’infraction.

Le jugement sera rendu le 21 décembre prochain. Cette éventuelle condamnation ouvrira la porte à une jurisprudence intéressante en France qui pourrait ébranler tous les acteurs pétroliers, petits ou grands, qui participent au pillage du pétrole au Congo depuis une quarantaine d’années. Sans oublier les actions RICO (Racketeer Influenced and Corrupt Organisations) aux USA dont la jeune opposition congolaise parle beaucoup…

 Rigobert OSSEBI

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