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Billet de blog 24 octobre 2020

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APRÈS LE BOGANDA SECOND. (2)

La septième nuit de la septième lune de la septième année de notre septième décennie, après que sera arrivé le moment où le moindre caprice du temps prend valeur de cataclysme, je t’aimerai encore, je t’aimerai davantage ; ce sera alors que tous deux nous reviendrons sur nos pas visiter notre jardin secret avant que tout ne soit fini.

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Posée telle une perle de culture dans le firmament, Sénélé passe en revue un défilé de nuages cotonneux que reflète plus ou moins déformés par endroits, le canal étale câliné par une légère brise. Je marche à tes côtés jusqu’à l’heure du tigre en dépit de maints échecs décrétés provisoires, et de quelques succès aléatoires pris pour définitifs. Nos pas sonores marquent le tempo du chant du rossignol. Malgré le faible éclairage, dans tes yeux je lis la partition de quelque antiphonaire connu de nous seuls ; et vague, me renvoyant un pâle reflet de ma flamme, ton regard exprime bien plus qu’il ne laisse entrevoir : l’amour crée une émotion d’outre-mots, et pourtant... une monnaie d’échange, les mots ; deux places financières, toi et moi sourds à tout opérateur. À quel pesant d’or estimer mes serments ?... Pour toi, question térébrante à résoudre avant que peu à peu tu ne me fasses passer de l’espérance à la croyance réversible puis certaine, m’ouvrant la porte d’un savoir hypothétique ; hypothèse d’une connaissance instable, fragile et, d’un coup d’un seul me voici projeté dans une sureté infrangible ; mais... pourrais-je te connaître ? Le voudrais-je ? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non ; nonobstant, si je devais choisir un champ d’honneur où mourir, ce serait ta chambre où après que tu auras allumé l’obscurité qui l’inondera d’une lumière noire, nous nous allongerons dans ton lit : tu m’y fera saint, que j’aille au Paradis ou en Enfer car te connaître me sera science conduisant droit au désespoir puisque connaissance de la vérité, de la vérité toute, la vérité toute nue, vérité dernière, celle que chante la tourterelle, le rossignol, le poète. Chaude, ta main me paraît un peu moite. Dans le tiède silence de la nuit j’entends battre nos cœurs en mesure, et souhaite que tes pensées épousent les miennes. De quoi demain sera-t-il fait ?... La septième nuit de la septième lune de la septième année de notre septième décennie, après que sera arrivé le moment où le moindre caprice du temps prend valeur de cataclysme, je t’aimerai encore, je t’aimerai davantage ; ce sera alors que tous deux nous reviendrons sur nos pas visiter notre jardin secret avant que tout ne soit fini. Ni Enfer ni Paradis encore moins Purgatoire, parfois Jardin des délices, le nôtre sera souvent jardin de curé interdit aux digitales et autres fleurs vénéneuses. Une larme serpentera entre rosiers inermes portant roses rouges, blanches ou noires, orchidées de sortie vernale et rentrée pré-hivernale. Evitant avec soin amoureux de la place, mérétrix besognant dans les ateliers de la nature, et tous ceux qui font métier de battre le briquet aux allumeuses ou se parent d’un bouclier verbal enivrant leur interlocuteur, accrochés toi à mon bras et moi à ta confiance, nous avancerons résolument franchissant chausse-trapes, crocs-en-jambe. Sur une butte mammiforme, pour récompense de nos efforts, nous attendra un temple d’amour. Rogations. Loin des humains, près des dieux ; vue imprenable. Longue et difficile aura été l’ascension, facile et courte se déroulera la descente dans le labyrinthe de la vie quotidienne, notre mutuelle affection nous servant de fil d’Ariane. Une légère brise souffle de terre : peu à peu le ciel bleu se farde de quelques beaux stratus venus y faire une visite de convenances. M’éveillant à toi, je me réveille et constate que tu n’es pas ici, ni là non plus ; j’ai rêvé. Comme il est doux de se laisser bercer d’illusions ! Que la vie s’avérerait triste, délestée de celles-ci ! Les deux pieds rivés sur Terre je décolle néanmoins jetant mon âme par- dessus bord, m’élançant vers toi mon Paradis ; tant pis si je brûle dans les flammes ou grille en Enfer, prix à payer pour mériter ta lune, -- dans la marelle des jours. Que choisirais-tu ? ... La marelle de l’eau me plairait tant : elle compte trois reposées, -- trois fois plus d’occasions de t’attendre et rêver, -- une rivière interdite, aimant vers la transgression. Peut-être préférerais-tu celle des noms, -- belle occasion pour signifier notre amour par trente-trois mots différents : inclination attirance, béguin badinage marivaudage, fleurette flirt, pariade ; désir engouement, maraîchinage hymen ; affection attachement, passade aventure liaison; flamme, partenaire ; tendresse, feux; énamoration passion, rut ; ferveur dilection, adoration culte ; vice péché érotomanie délire furie... Avec ta permission nous changerons les règles du passe-carreaux : deux joueurs pour un tour, mais non pas deux passages chacun, un aller simple à l’empyrée nous suffira car le Ciel me sera seuil où le bouton de rose se métamorphosera en bouton de porte bindu, germe de toutes potentialités, nectar ou poison, instant où l’inexistant existera. Derrière des murs épais aux fenêtres entravées de croix latines ou grecques et à l’entrée quasi infranchissable, il y aura toi Rose Sophie Irène ma sirène. Pourtant je relèverai le défi : viser juste, juger juste pour transformer toutes les cases en chambres où j’inscrirai mes initiales et, SDF désormais, tu logeras avec moi : déjà, je me rêve ton matelot ; trio à deux : toi, amour et moi. Ce jeu initiatique et symbolique, jeu d’équilibre entre savoir-faire et savoir-être nous dévoilera à nous-mêmes. Qui de nous deux a souri avant l’autre ? Le pâle soleil de janvier t’irise cheveux et pupilles, scotomisant l’air morveux. Peu à peu, mon sentiment dans le tien se vautre : patient, tapi, notre amour attend comme un fauve, sûr de lui ; question de temps. Peu de croisées. Ouvragée de volutes et d’arabesques, une porte unique sculptée dans la masse d’un ébène royal contemporain des presbytres ; autour de celle-ci, pierre après pierre, brique sur brique je bâtirai un édifice, château ou palais qui nous sera nid. 

Qui de nous deux a souri avant l’autre ? Etait-ce toi ? Etait-ce moi ? Je l’ignore mais te sais t’être mise en posture de recueillir mon souris en signe de départ pour le long parcours du jeu de l’oie, ouïe ouverte sur le monde ; ne rappelle-t-il pas le limaçon de l’oreille interne ? Nous rencontrer, nous séparer, nous lier, nous secourir puis arriver ex-æquo à la case soixante-trois ; pur hasard dira la stochastique. Tant pis pour elle. Entre Autre et Soi, Ciel et Terre, l’oie est médiatrice comme Désir entre tourments et délices. Une femme, un homme ; toi, moi. Tu seras 9 et moi, 6 ; ensemble nous accomplirons le trajet en spirale ascendante de neuf par sept qui aboutit à soixante –trois cases, c’est-à-dire la totalité de la vie, concentré du Temps invitant à l’acceptation de la frustration, l’exaltation de la patience, l’approfondissement de la réflexion, l’acquisition de l’autonomie, la préférence de la solidarité. Te voici à la case quatre vêtue d’une jupe coquelicot coccinelle, rouge et noire ; désir et mystère. Moi 6 sur le pont, suis happé par un tumulte de sentiments et sensations contradictoires se télescopant puis sans nul répit, me propulsant dans l’inconnu. À l’hôtel du dix-neuf rue de l’Amour, ma passion pour une rose punctiforme va errer traversant toutes latitudes, chaque hémisphère ; elle se dilatera pour nous enfermer dans un cercle qu’un cri déroulera en spirale ascendante. Du puits j’attends que tu me sortes, rose adamantine c’est-à-dire précieuse, lumineuse, d’humeur changeante, nacrée à reflets bleus, mauves, blancs ou rutilants : angoisse les nuits sans lune, espoir aux lueurs aurorales. Tu me tends une grappe de raisins, je t’offre un brin de muguet ; mais submergé de désir, je me perds dans le grand dédale de mes sentiments. Dieu merci nous voici à table comme des Romains, autrement dit à demi couchés : de ta belle chair, je m’apprête à faire bonne chère. Patatras !... Je suis précipité en prison. Empreinte de pas perdus dans la cendre de mon rêve brisé, ma tendresse gît au pied d’une tour de silence érigée dans ma tête ; me voici rapatrié en terre de nostalgie : je ne vois pas les choses au moment où je les perçois, ni ne les ressens quand je les sens. Attendre. Attendre n’est point situation ocieuse : attendre que la graine semée germe, le germe pousse, la pousse fleurisse, la fleur fructifie, le fruit murisse. Attendre que le temps fasse son œuvre. Temps instant, temps linéaire, temps circulaire, temps infini. Anachronisme, parachronisme, synchronie, uchronie. Vivre le présent au futur, potion magique ; le passé au présent, baume lénifiant ; au futur antérieur, exercice de rêveur ; mais le présent au présent est don des dieux. Flou artistique alliant dans l’écuelle de l’accueil imprécision et indécision dans l’oubli du passé et l’exil du futur, entre joie et résignation, Attente est acceptation de l’œuvre irrémédiable du temps qui galope, traîne ou percole entre regret et désir. Temps qui change, et temps qui changent ; temps nécessaire strangulé par le temps de l’argent, temps du soignant par celui du comptable ; temps accordéon qu’on gagne en le perdant, tu es le temps escamoté, oublié puis retrouvé. Humilité humaine devant création divine, alliée du présent et amie de l’avenir puisant dans le passé des forces intarissables, tu es promesse des temps heureux, toi Patience ô Passion du temps ! La nature s’habille d’une robe pie quand la nuit hésite à s’en aller tandis que le jour n’est pas encore arrivé. Etayant ma prière déprécatoire, le progrès incrémental de notre lien me tire vers la lumière, vers ta lumière. Chant d’oiseaux, parfum de fleurs, caresse de ton souffle ; je suis bien libre ! Case cinquante-huit : je me meurs. Je suis mort. Déjà mort ?... Oui mais enthousiaste puisqu’il s’agit d’une catabase : mort à la solitude, mort à l’indifférence, mort à l’inaffectivité car je t’ai rencontrée toi présence apotropaïque, et reconnue tant par lecture immédiate en convoquant mes traces mnésiques ensevelies, que par déchiffrage grâce à l’analyse d’une logique faisant telle une appropriation alphabétique, correspondre chaque signe que tu émets à un écho retrouvé dans mon dictionnaire émotionnel. Nous voilà ressuscités à la case soixante-trois, foulant ex-æquo le sol du jardin des Hespérides. Sous un rayon blafard, une voix claire monte vers le ciel qui se voile ; la lune en syzygie, dulcinée et sigisbée nous marchons sur les ajots crissant sous nos pas. Hors terhatu et dot, nous parlons d’amour ; or Amour est mot performatif : parler d’amour conjugal, c’est déjà conjuguer l’amour ; aussi, assis sur un banc au milieu de la roseraie, contemplons-nous muets un dhuit : Mozart après Mozart, caudalie de dégustation d’une jouissance inespérée. Telles des lucioles éparpillées clignotant çà et là, quelques étoiles observent notre hyménée supplice de Sisyphe : chaque nuit gomme toutes nos certitudes, et le matin reprend à zéro nous interrogeant tour à tour ; feu flamboyant ou lueur chancelante mais néanmoins vivace, château de sable submergé par le flux et reflux des sentiments ; par instinct de survie, il est dans l’intervalle jour après jour, reconstruit toujours plus solide qu’auparavant. Devant nous se dresserait-il un mur ? Alors nous y creuserions un ajour, bougie échancrant l’obscurité et, filles accortes aux bras de barbons à l’air empesé de suffisance, gandins et lovelaces escortant cougars, prêtres en crise de foi, soldats revenus de leur certitude, tous arriverons les deuxièmes mercredis du mois honorer ton salon havre de sérendipité, oppidum de liberté où orient et occident, septentrion et midi partagent le repas en devisant malgré leurs divergences d’opinion, leurs différences de statut : toute haine y est bannie. 

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