Inquiétude au château : le temps coule à torrents, la nuit se hâte ; les chandelles auréolent de leurs ombres des plages lumineuses sur les murs, le dîner est presque prêt mais point de Rose Irène Sophie ni de cet importun lui servant de compagnon de promenade ; Dieu sait ce que celui-ci peut bien ourdir !... Une battue est organisée, vraie chasse à courre avec chiens, chevaux, cors et flambeaux. De loin on distingue des costumes sans visage : casques, tapabors à bords rabattus ou non, chapeaux, canotiers ; des redingotes avec manches à l’imbécile côtoient des tuniques couvrant subucules, des pantalons justaucorps, bouffants ou à la hussarde ; des jupes accompagnent des robes de toutes les longueurs voire des hardes de restavec. Les torches allumées dessinent un fleuve aux mille bras dont le cours principal avance puissamment vers nous tandis que des effluents qui s’en dégagent s’égaillent dans le bois ; incendie de forêt en automne. Coiffée d’une capote, Stella ta cousine rejointe par Robert Macaire que chacun se plaît à nommer Roberto bientôt rattrapés par toute l’armada nous découvrent marchant côte à côte dans un sentier étroit ; ce qui ne nous suscite aucune encouble se révèle pour tous flagrant délit d’inconduite.
-D’où rentres-tu en pleine nuit noire et en société avec ce bachibouzouk, Rose ?...
-De voyage comme de coutume, bien chère Stella.
-De voyage ?... mais de quel voyage s’il te plaît ?
-D’habitude, c’est pour affaire...
-Mais cette fois, dame habitudinaire ?...
-Toujours pour affaire mon cher Roberto mais... de cœur !
-Nous sommes jeudi, Madame ! Ce jour m’est dû, et votre beauté exige mieux que de se trouver en compagnie dérogatoire d’un paltoquet jouant au marquis ! endêve Macaire qui doté d’un Moi étriqué croit le moment venu pour quelque peu l’étarquer ; ses yeux d’ordinaire d’un bleu mal définissable prennent aussitôt la froideur de l’acier. Tout le monde se tait, retient son souffle, se demandant quel orage va éclater ; coup de tonnerre sans suite dans un ciel jusque-là serein, ou prodromes d’un dévastateur cyclone de mousson d’été ? Ce silence qui durera une minute ou deux tout au plus trois, me paraît éternité. Directement mis en cause puis incagué, je ne puis m’esquicher d’autant que ta présence me confère une aura de paladin face à ce général d’une armée en retraite aux flambeaux.
La suite, demain.)