Pour effleurer la robe d’une reine telle Rose Irène, il ne faut pas moins que le roi des jeux n’est-ce pas ? Ce ne me semble tout de même pas un hasard qu’Euphron frère de Vénus ait senti le besoin de créer cette partie de plaisir afin d’aider Mars à séduire Caïssa !
-Tel est aussi mon avis monsieur Provak
-Appelez-moi Brice, voyons !
-Impossible, monsieur Provak.
-Alors coupons la poire en deux, disons Brice Provak.
-Il me semble y avoir bien plus multiplication que division, monsieur Provak!
-Puisque tu t’agrippes tant ce titre de civilité, je propose monsieur Brice Provak.
-Je n’y trouve rien à ajouter.
-Les échecs sont un jeu de guerre, c’est-à-dire de stratégie et de tactique : il y a un roi dont il faut défendre le trésor grâce à une armée commandée par la dame sorte de Jeanne d’Arc secondée par deux colonels d’artillerie lourde, deux capitaines de cavalerie, deux agents doubles et huit fantassins. La stratégie la meilleure s’exprime en l’art de savoir ce qu’il faut faire quand il n’y a rien à faire ; autrement dit, savoir évaluer globalement les positions puis établir un plan à long terme ; quant à la tactique, elle consiste à décider opportunément comment, lorsqu’il faut agir. Puisque la configuration des pièces détermine largement la stratégie, il ne faut nullement rechigner à sacrifier à bon escient du matériel car on peut fort bien avoir sa gibecière garnie mais perdre la partie : en immolant les héros du centre il est possible d’ouvrir les lignes puis exploiter les faiblesses de l’adversaire. Je vous rappelle que la manche se déroule en trois phases : l’ouverture ou préparation au combat, la bataille avec attaque directe pour la capture du roi adverse, la finale qui donne le coup de grâce. Les préparatifs ont pour but le déploiement de l’armée c’est-à-dire l’occupation et le contrôle du territoire, l’établissement d’une bonne structure des pièces pour la sécurisation de son roi, et enfin l’investissement du centre de l’échiquier à cause que le vainqueur de cet affrontement gagne généralement la partie. Qui souhaite vaincre un adversaire jugé redoutable doit minutieusement étudier toutes les manches que celui-ci a gagnées, puis se demander pourquoi ne les a-t-il pas perdues. Très imaginatif, Roberto est un bon tacticien mais hélas pour lui, impulsif ; méfie-toi toujours de sa fausse somnolence de fauve assoupi guettant néanmoins la faute afin d’assener le coup de patte meurtrier. Dimanche il arrivera lesté d’un lourd bagage théorique lui faisant croire qu’il est excellent stratège.
Du regard il balaie les quatre murs, puis se retourne vers moi : il a flairé ma perplexité aussi me livre-t-il quelques explications alors que nous cheminons vers la sortie. Je le quitte la tête pleine de traits et de couleurs, d’histoires de parties burlesques, magnifiques ou stupéfiantes.
(La suite, demain)